Je discutais hier avec un banquier à propos de la difficulté à trouver une approche normative du surendettement associatif.
Pour les entreprises, l’approche prudentielle bancaire dispose de normes désormais bien établies (il faut dire que la jurisprudence sur le soutien abusif a permis de poser des principes à la fois clairs et impératifs). Pour l’association 1901, tout reste à faire.
Comment évaluer la marge d’endettement dans le secteur associatif ?
Traditionnellement, deux approches sont combinées pour déterminer le niveau auquel on peut endetter une structure.
Premier principe : les crédits bancaires ne doivent pas pallier l’indigence de la structure financière. En haut du bilan, la structure doit disposer de suffisamment de fonds propres pour assurer seule l’essentiel de son fonds de roulement. En bas du bilan, il en va de même. Les besoins courants notamment ceux qui sont générés par le décalage du versement des subventions sont connus et mesurables ; ils participent d’un besoin de financement permanent, au même titre que les immobilisations. L’orthodoxie financière exige qu’ils soient couverts pour l’essentiel par des ressources stables, idéalement des fonds propres.
L’intervention du banquier sera alors vue « à la marge », de manière subsidiaire, pour couvrir en haut comme en bas de bilan, le solde des besoins.
Second principe : le coût de l’endettement bancaire d’une structure ne doit pas devenir insupportable, eu égard au montant et à la nature de ses revenus. Dans le secteur marchand, on rapporte les frais financiers à l’EBE (Excédent Brut d’Exploitation ou EBITDA pour les boursicoteurs). Lorsque les frais financiers absorbent plus de 30% de la rentabilité brute d’exploitation, on entre dans une zone à risque : l’entreprise commence à travailler surtout pour payer son banquier et le risque est qu’elle ne dégage plus suffisamment de cash pour ses besoins propres (investissement, réserves de solvabilité, etc).
Quelle approche pour les organismes à but non lucratif ?
Ce critère est statistiquement fondé par une relation clairement établie entre le ratio « Charges financières/EBE » et la défaillance d’entreprise. C’est la notion de « crédit ruineux » mise en oeuvre par les juges pour qualifier le soutien bancaire abusif.
Malheureusement, cette notion de rentabilité brute d’exploitation n’est pas transposable au secteur non marchand. L’EBE des associations 1901 est généralement non significatif ; les Soldes Intermédiaires de Gestion -sur lesquels sont fondés tous les outils prudentiels du banquier- ne parviennent que rarement à appréhender la réalité économique et financière des organismes sans but lucratif. Il faut donc trouver autre chose pour affirmer que le poids des frais financiers est insupportable pour l’association.
Les « vieux » banquiers se souviennent d’un autre ratio, aujourd’hui presque tombé en désuétude : il s’agit du rapport entre les frais financiers et le chiffre d’affaires (avec un signal prudentiel aux alentours de 5%).
Ce calcul continue à être effectué dans la plupart des logiciels d’aide à la décision de crédit. et je pense qu’il peut être bien utile dans l’approche bancaire des associations loi 1901. On pourrait le formaliser de la manière suivante :
Frais financiers Total du budget
La limite normative devra soigneusement être étudiée. Intuitivement je suggère une fourchette entre 6 et 12%.
PS : Pardon pour ce billet un peu technique mais çà me chatouillait du côté de l’analyse financière….
Edit : Billet Publié initialement le : 18 septembre 2008
nicolas MERLAUD says
Bonjour,
Une question que je souhaite vous soumettre :
Comment traiteriez-vous les Dons et Legs affectés d'une association loi 1901 (compte de produits 758), dans le calcul des Soldes Intermédiaires de Gestion ? Doivent-ils être pris en compte dans le calcul de l'EBE ou dans le RESULTAT D'EXPLOITATION, sachant que pour une entreprise le poste 75 est pris en compte pour le calcul du résultat d'exploitation.
Vous remerciant et restant dans l'attente de vous lire.
association1901 says
quel rapport avec le billet que vous commentez relatif au surendettement des asso 1901 ?
Aurore says
Pour réagir au commentaire de Nicolas, il me semble que les dons et legs rentrent dans le calcul des SIG, puisqu(ils correspondent à des valeurs indiquant l’activité. Théoriquement, ils rentrent aussi dans le calcul de l’Excédent Brut d’Exploitation ((valeur ajoutée de l’entreprise+subvention d’exploitation)-(impôts et taxes+charges du personnels)) et dans le calcul du résultat d’exploitation, puisque l’EBE fait parti de la démarche pour obtenir ce dernier. Enfin, si je me trompe, n’hésitez pas à intervenir, car je débute en analyse financière !^^
Par rapport au billet, il est effectivement difficile de se référer aux normes d’entreprises lucratives, puisque théoriquement, on doit pouvoir s’appuyer sur la rentabilité de la structure, pour juger de la capacité de remboursement. En association, on ne doit pas dégager de bénéfices, même s’ils sont tolérés pour renforcer les fonds propres de l’association. De ce fait, il y a une certaine logique à penser que moins on a de charges financières, mieux c’est : la capacité de remboursement des dettes financières d’une association est faible. La grande difficulté en matière de gestion en association est l’absence de visibilité sur la question des subventions (qu’elle reçoit de surcroit après la mise en oeuvre des actions, ce qui suppose une bonne trésorerie pour ne pas la mettre en difficulté). La prise de risque en matière d’endettement est alors fort. C’est ce que je constate alors dans une petite association (-10 salariés).