Cela fait un moment que je me demande ici ce qu’il va advenir de la RGPP pour le secteur associatif. Je me suis même risqué ici à un bilan assez osé de cette première partie de la législature.
Voilà de quoi raviver la discussion : l’excellent Localtis (décidement) signale la publication du rapport Langlais , rapport intitulé « Pour un partenariat renouvelé entre l’Etat et les associations« . Tout un programme…
Un nième rapport à propos du financement public des associations 1901 (Much ado)
Finalement et comme d’habitude, le rapport s’intéresse quasi exclusivement au financement public des associations et à la distribution des fonds par l’administration. Le partenariat s’adresse aux associations bénéficiant des aides financières de l’Etat. Ici, on ne parle pas de votre association ou de la mienne, mais d’une centaine de milliers de structures qui se sont appropriées l’essentiel du budget de l’Etat alloué au tiers secteur.
On sait qu’en France l’immense majorité du million d’associations actives reste de facto exclue du bénéfice des politiques publiques. En cela donc point de rupture ; voilà une vision bien habituelle de l’intervention étatique, toujours cette approche bornée de l’action publique limitée à la distribution de l’argent. Rien ne devrait donc changer pour l’immense majorité des associations loi 1901 qui ne toucheront jamais aucune subvention de la part de l’Etat. Ces associations, les plus petites structures, sont autonomes sur le plan financier ; elles n’ont en général pas les moyens d’accéder à la subvention publique et leur budget est couvert uniquement par les recettes de leurs activités.
La tendance structurelle du désengagement financier de l’Etat
Il faut prendre conscience qu’il s’agit avant tout d’une histoire de gros sous et qu’il existe une volonté politique pour accélérer le désengagement de l’Etat du financement associatif, notamment en finalisant le transfert des interventions publiques de terrain vers les collectivités locales.
Le rapport suggère que l’Etat restreigne son champ d’action aux structures et aux chantiers qui présentent réellement une dimension nationale ; par défaut les actions locales seraient financées exclusivement par les collectivités territoriales. Il s’agit d’un transfert annuel que j’estime (au pifomètre) autour de 5 milliards d’euros…
Ce mouvement semble inexorable et on peut le lire dans la pratique quotidienne des Ministères qui recherchent une stricte délimitation de leur domaine d’intervention : résultat, aujourd’hui les aides distribuées ensemble par les communes et les départements représentent un volume double de celles de l’Etat. Dans l’ensemble des recettes publiques du secteur associatif, la part de l’Etat (12% des recettes associatives globales) devient finalement assez secondaire, derrière les communes (14% ), à peine supérieure à celle des départements (10%).
Cette « remunicipalisation » forcée du financement associatif de terrain n’est pas sans soulever de nombreuses interrogations, notamment les questions de la neutralité politique des subventions et de l’absence de moyens humains disponibles dans les collectivités locales pour l’accompagnement des associations.
Quelles sont les structures réellement visées par le « partenariat renouvelé » ?
Où va en réalité l’argent public ? Quelles sont ces associations ? Peut-on vraiment le savoir ou faut-il croire le rapport décrivant les financements publics aux associations 1901 comme un vaste « trou noir » dépourvu de toute visibilité ?
Il me semble que malgré tout quelques grandes lignes apparaissent clairement dans le paysage associatif français :
- Chacun sait que dans notre beau pays de larges pans de l’action publique dans le domaine de la santé, de l’action sociale, de l’éducation, de la protection des personnes et de la défense de leurs droits fondamentaux sont confiés au secteur associatif.
- Environ vingt-deux mille associations -véritables auxiliaires des pouvoirs publics- se partagent chaque année un budget de 32 milliards d’euros. Il s’agit évidemment d’une catégorie particulière de partenaire des pouvoirs publics, qui sont en principe suffisamment « bien connus » de l’administration pour se voir confier à titre habituel des services publics de terrain, pour l’essentiel des associations du secteur socio-médical, de la santé, de l’action sociale et de l’emploi, qui emploient un effectif nombreux et ont pignon sur rue.
Quelles conséquences pour les associations partenaires de l’Etat?
Pour faire vite (et en citant Localtis), ce « partenariat rénové » que l’on proposerait désormais aux associations 1901 partenaires des pouvoirs publics serait de
« passer d’une culture de la subvention à celle de la commande publique« .
Cette méthode présentant en autre choses l’avantage « d’engager l’association dans une démarche de résultat », est-il indiqué dans le rapport, une culture du résultat donc, comme on la voit poindre ici et là (et ailleurs aussi, jusque dans la culture scientifique, si l’on en croit Guitef).
La culture du résultat, une vaste plaisanterie pour l’immense majorité de ces associations du secteur socio-médical qui relèvent déjà largement d’une tarification réglementaire et supportent souvent un environnement réglementaire démesuré. D’une manière générale, il s’agit d’un préconisation bien curieuse, si l’on considère que l’essentiel du budget alloué par l’Etat aux associations concerne des secteurs qui connaissent déjà de fortes tensions sociales et/ou d’intenses difficultés de recrutement, comme l’animation socio-culturelle ou l’éducation spécialisée.
Un cadre juridique contraignant mais malgré tout insécurisant
Sauf modification en profondeur de notre règle de droit, « le partenariat renouvelé » se construirait sur un modèle concurrentiel, plutôt propre au secteur marchand.
« La mise en concurrence doit être préférée chaque fois que les circonstances s’y prêtent, d’une part parce qu’elle oblige l’administration à mieux formuler ses besoins, d’autre part parce qu’elle engage l’association dans une démarche de résultat ».
A priori, le partenariat entre l’Etat et les associations se nouerait donc sous l’égide du code des marchés publics. Il ne faut pas se leurrer : la plupart des associations ayant des difficultés à remplir leur dossier COSA, on imagine un peu ce que serait l’application de la procédure des marchés publics pour sélectionner les bénéficiaires des subventions. L’effet d’éviction risquerait d’être massif et les contentieux promettent d’être nombreux.
Actuellement, la jurisprudence du Conseil d’Etat est à la fois très claire et très tranchée : lorsque c’est l’association qui sollicite l’administration pour un financement discrétionnaire, l’aide publique peut prendre la forme souple et peu contraignante de la subvention. Cependant, dès lors que l’administration prend l’initiative et formule un besoin à propos du service public, c’est le régime des marché publics qui doit s’appliquer, à moins que l’administration conclue une délégation de service public.
Bref, très compliqué et certainement source de contentieux, comme c’est déjà le cas pour les conventions pluriannuelles rédigées trop maladroitement. Le rapport lui-même anticipe ce phénomène
« la justice aura à arbitrer ces conflits et il n’est pas impossible que l’on assiste à une montée du contentieux. […] De nouveaux équilibres vont s’établir ».
Pas très rassurant, non : le « partenariat renouvelé », c’est une bonne chance de finir devant le Tribunal Administratif…
Bertrand says
Effectivement…
Sur ma ville, le désengagement de l’état est une réalité, mais également celui du Conseil Général. C’est donc à la municipalité et à l’agglomération de venir à notre secours… Sachant que l’on conduit un Projet Social de Territoire (validé par la CAF qui se désengage elle aussi un peu partout) et que je suis en train de poser les bases d’un conventionnement avec les services de la ville. J’étais demandeur de cette convention et j’en ai avancé les termes avec mes collègues des services municipaux avant que cela ne tombe comme un couperet de manière non négociée. Je fais donc valoir partout le terme de partenaire et non de "prestataire". Petite nuance qui a toutefois du poids dans les rapports que nous entretenons avec les élus. J’invite les autres assos à faire de même. Seul moyen de ne pas se faire mettre en fiche et de faire valoir son "indépendance".
A ce propos, l’argent fondant comme neige au soleil, je reviens vers les bonnes vieilles recettes ; à savoir créer des activités pour aller cherhcer l’argent là où il est. A venir, par exemple, de l’oenologie. Je cesse également petit à petit les activités à l’année mais propose plutôt des stages que je peux annuler si je manque d’inscriptions. J’en profite également pour faire entendre à mes administrateurs la nécessité d’avoir des tarifs avec un quotient minorateur et majorateur, l’un venant financer l’autre.
Mais surtout, je fais en sorte que notre association se fédére avec d’autres et que l’on communique sur cette casse sociale ! Car c’est aussi le manque de cohésion entre les acteurs associatifs qui a rendu ce désengagement possible.
Petit détail qui participe du désengagement : les tracasseries administratives. C’est à dire des dossiers de demande de subvention renvoyés jusqu’à cinq fois sous pretexte d’éléments manquants. Eléments qui ne sont pas demandés dans les documents originaux… Exemple concret : il y a peu on m’a renvoyé mes demandes sous pretexte que la liste des enfants qui avaient participé aux activités estivales n’était paraphée par mon président (la signature ne suffisant plus dans certains délires de mauvais fonctionnaires). Pourquoi on avait fait la révolution en 1789 déjà ?…Â
Laurent Samuel says
Merci Bertrand pour ce petit guide de survie de l’asso de terrain.
j’aime bien l’idée des stages de préférence aux activités de long cours sur l’année (moins risqué effectivement sur le plan économique et plus conforme aux attentes des "consommateurs").
Egalement l’idée de fédérer les associations de proximité pour réaliser une mutualisation des moyens et créer des synergies dans l’offre "commerciale".