Face à la nouvelle interdiction de fumer dans les lieux de convivialité (bars, restaurant, discothèques), des exploitants ont cru trouver une parade.
Pour tourner la loi, il suffirait d’installer dans une pièce de l’établissement un club privé organisé sous forme d’association 1901.
De facto, cette pièce perdrait la qualification de lieu public et se trouverait donc soustraite aux obligations du décret du 15 novembre 2006.
Ce décret prévoit que l »interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif s’applique :
« 1° Dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail.
Aux termes du décret, les lieux de convivialité peuvent prévoir un espace « fumeur » en respectant de strictes conditions :
Ces emplacements doivent ainsi être des salles closes, affectées à la consommation de tabac et dans lesquelles aucune prestation de service n’est délivrée. Aucune tâche d’entretien et de maintenance ne peut y être exécutée sans que l’air ait été renouvelé, en l’absence de tout occupant, pendant au moins une heure.
Ils doivent en outre respecter les normes suivantes :
1° être équipés d’un dispositif d’extraction d’air par ventilation mécanique permettant un renouvellement d’air minimal de dix fois le volume de l’emplacement par heure. Ce dispositif doit être entièrement indépendant du système de ventilation ou de climatisation d’air du bâtiment. Le local est maintenu en dépression continue d’au moins cinq pascals par rapport aux pièces communicantes ;2° être dotés de fermetures automatiques sans possibilité d’ouverture non intentionnelle ;
3° ne pas constituer un lieu de passage ;
4° présenter une superficie au plus égale à 20 % de la superficie totale de l’établissement au sein duquel ils sont aménagés sans que la superficie d’un emplacement puisse dépasser 35 m2.
Peut-on s’affranchir de toutes ces contraintes en décidant qu’une pièce ou un local à l’intérieur du bar ou du restaurant est un espace à l’usage privatif des adhérents d’une association ?
Selon certains, ce qui serait visé par le décret, c’est le fait d’accueillir un public indéterminé. Dans cette mesure, un local associatif, dont l’accès serait réservé aux adhérents d’une structure de la loi de 1901, pourrait s’affranchir de la réglementation, à la seule condition que chaque fumeur fréquentant le fumoir soit adhérent de l’association.
On sait qu’il est possible d’organiser un club fermé en association régie par la loi de 1901. Ce club peut élire domicile(par exemple en y fixant son siège social) dans un lieu de convivialité comme un bar ou un restaurant. L’adhésion à l’association donnerait au membre le droit de pénétrer dans une salle qui devient de ce fait privative, à condition que son accès soit réservé aux seuls membres de l’association.
Deux conditions supplémentaires me paraissent s’imposer ; elles sont absolument nécessaire mais je ne saurai dire si elles sont suffisantes pour rendre le dossier défendable.
L’association doit disposer d’un titre d’occupation valable, établi en bonne et due forme. Cela peut être une mise à disposition à titre gratuit ou bien un bail locatif. Dans ce dernier cas toutefois, si l’exploitant est lui-même locataire, il faudra vérifier que son propre bail l’autorise à sous-louer.
Le contrôle de l’accès au fumoir doit être rigoureux et l’exploitant se donnera les moyens de faire la preuve (par tout moyen) que seuls des adhérents de l’association y accèdent. Des exigences identiques existent dans le domaine fiscal (notion d’association fermée) ainsi que dans le droit de la concurrence (absence d’atteinte aux règles de la concurrence des associations réservant leurs produits ou services aux seuls membres).
kylegl says
Il y a une autre condition nécessaire : que jamais aucun salarié n’aient à entrer dans le fumoir, donc qu’aucun service n’y soit possible. En effet, le décret est en fait l’application d’une loi, l’article L.230-2 du code du travail, qui fait peser sur l’employeur une "obligation de sécurité de résultat" en ce qui concerne la protection de la santé du salarié contre le tabagisme passif. Cela a été confirmé par une jurisprudence de la Cour de cassation en 2005. A lire à ce sujet : http://www.ordre-avocats-rennes.com/articles/Droit_Social/Droit_social_le-non-fumeur.htm Donc même si le local est celui d’une association, aucun salarié ne peut y travailler.
Nex75010 says
… sauf s’il est membre de l’association ?
Audureau Gerard says
Sur le principe contenu dans la loi : l’interdiction de fumer s’applique aux lieux à usage collectifs qui sont fermés et couverts et accueillent du public, et la modification de l’entité juridique ne peut, à elle seule, entrainer modification ni de la notion d’usage collectif ni de celle d’accueil du public telle que définie à l’article 123-2 du code de la construction et de l’habitation. La dénomination et le statut juridique de l’établissement ne doivent donc pas être confondus avec l’activité et le lieu où se déroule cette activité. Une association peut réunir ses membres ou se développer dans un lieu, mais l’interdiction de fumer sera, elle, établie en fonction de l’activité et du lieu et non de son statut juridique.
Sur la notion de lieu de travail : L’interdiction de fumer s’applique à tous les lieux de travail sans exception, or, le lieu ou s’exerce l’activité d’un exploitant individuel sans salariés constitue également son lieu de travail.
Sur la portée de l’article 5 du décret du 15 novembre 2006 confirmé par la circulaire du 29 novembre : L’article 5 du décret désigne, de manière explicite, tous les établissements dans lesquels l’interdiction prévue à son article 1 ne s’appliquera qu’à dater du 1er janvier 2008. Il s’agit des « débits permanents de boissons à consommer sur place, casinos, cercles de jeu, débits de tabac, discothèques, hôtels et restaurants. ».
Il n’est fait aucune différence entre ceux qui, parmi eux, sont privés, publics ou associatifs car tous accueillent du public et tous sont des lieux de travail.
Conclusions : L’idée d’utiliser le statut associatif pour gérer un établissement commercial se heurte à trop d’impossibilités pour être réalisable dans le secteur des lieux dits de convivialité.
Laurent Samuel says
Merci Gérard pour toutes ces précisions qui éclairent véritablement le dossier.
Mon hypothèse n’était pas d’adopter un statut associatif pour gérer un lieu de convivialité, mais de faire concéder par l’établissement un droit de jouissance (bail) sur une partie identifiée des locaux. Bien entendu, aucune prestation ne pourrait y être délivrée par un professionnel ou son salarié. L’association fonctionnant de manière fermée, elle n’accueillerait pas de public au sens habituel du terme mais uniquement des personnes identifiées.
Je me demande si on pourrait par exemple engager la responsabilité d’un exploitant qui loue une fois par semaine une salle fermée de son établissement à une association dont l’objet statutaire serait d’organiser des parties de Scrabble entre fumeurs de pipe.
Audureau Gerard says
L’interdiction de fumer codifiée aux l’articles L. 3511-7 et R. 3511-1 et suivants du code de la santé publique vise les lieux à usage collectif fermés et couverts qui accueillent du public. La loi ne prévoit pas d’exception à la règle générale qui s’applique à chaque type d’établissement.
A titre d’exemple, plusieurs cafetiers ont été "épinglés" pour avoir accueilli des fumeurs dans leur établissement après en avoir baissé le rideau.
Quant à la notion d’accueil du public, elle est codifiée à l’article R 123-2 du code de la construction et de l’habitation : « Pour l’application du présent chapitre, constituent des établissements recevant du public tous bâtiments, locaux et enceintes dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non.   Â
Sont considérées comme faisant partie du public toutes les personnes admises dans l’établissement à quelque titre que ce soit en plus du personnel.»
Ce qui réduit la notion de "non accueil du public" au seul cocon familial.
En dernier lieu, il est contraire à l’esprit de la loi d’envisager la possibilité de réunir des personnes autour d’un objectif social tout en leur imposant accessoirement d’avoir à subir le tabagisme passif.