Je vous livre le texte d’un e-mail reçu il y a quelques temps.
Bonsoir,
je suis présidente d’une association dans les Vosges, depuis deux ans, j’y ai consacré beaucoup d’énergie mais je demeure dans l’impossibilité de faire comprendre à ma directrice qu’elle ne peut pas avoir tous les pouvoirs : augmenter les salaires (dont le sien) embauche de salariés peu qualifiés mais bon marché et exploités par elle, acquisition d’un véhicule de fonction utilisé comme voiture personnelle. Travail pendant ses arrêts maladie, harcèlement sur le personnel…dossier et chéquier chez elle, ne répond pas aux mails ni aux recommandés etc…
Tout cela sans aucune impunité sauf le départ des meilleurs salariés. Qui puis-je contacter pour une médiation.
Je reçois régulièrement des mails de ce genre.
Dans de nombreuses associations (y compris des structures importantes), on se trouve en présence d’un directeur salarié qui est devenu dirigeant de fait.
Confisquant progressivement le pouvoir des dirigeants élus, le directeur salarié s’arroge des prérogatives qui sont légalement et statutairement réservées aux dirigeants bénévoles.
Cette situation est dangereuse pour toutes les parties en présence.
Pour l’association, elle entraîne un risque fiscal de requalification, le dirigeant de fait étant salarié, l’association ne peut plus prétendre au régime de faveur des organismes dont la gestion est désintéressée. En cas de problème, l’association peut également se voir requalifiée par le juge en société de fait.
Pour le directeur salarié, la requalification en dirigeant de fait est une source importante de responsabilité. Comme dirigeant, il sera tenu responsable d’éventuels déboires de l’association et ne pourra faire état d’une éventuelle « couverture » par le CA ou le Président. Regardez ici un exemple de mise en cause de la responsabilité d’un directeur salarié requalifié en dirigeant de fait.
Pour les dirigeants bénévoles, le fait de laisser le directeur salarié prendre le pouvoir et de renoncer à contrôler ses faits et gestes est également une source de responsabilité. Il faut se souvenir que ce sont les dirigeants bénévoles qui doivent rendre des comptes à l’association et à l’assemblée générale.
Je considère la confiscation du pouvoir par les salariés comme l’une des pires dérives dont une association 1901 puisse être victime, et certainement la plus dangereuse.
Alors comment reprendre le pouvoir en tant que dirigeant bénévole, lorsque cette situation délétère s’est déjà installée ?
Je ne vais traiter ici que certains aspects juridiques de ce dossier, mais il est évident qu’avant toute décision, les dirigeants bénévoles devront soigneusement mesurer la dimension psychologique et personnelle du conflit ainsi que ses éventuelles répercussions sur la continuité des activités associatives.
Par ailleurs, dans ce billet de synthèse, je ne développerai les différentes solutions proposées que dans leurs grandes lignes. Si telle ou telle piste vous intéresse plus particulièrement, écrivez moi et je développerai.
Les statuts, le Règlement Intérieur et le contrat de travail du directeur
Ces trois documents juridiques, pris séparément ou ensemble, organisent l’exercice du pouvoir dans l’association. On pourra prendre en assemblée générale toute décision visant à modifier les statuts ou le RI pour faire apparaître une répartition claire des pouvoirs et les limites des prérogatives du directeur salarié. Ces modifications seront transcrites dans un avenant annexé au contrat de travail du directeur. On tombe alors dans le domaine du droit social : dans certains cas, l’avenant pourra être refusé par le directeur salarié ; ce refus devrait en principe autoriser l’association à procéder à son licenciement.
Formaliser la délégation de pouvoirs entre le président et le directeur
Si le directeur peut agir au nom de l’association, c’est uniquement parce qu’il dispose d’une délégation de pouvoir du Président qui est en principe la seule personne habilité à agir légalement au nom de la structure. Dans la situation malsaine décrite plus haut, cette délégation est à la fois tacite et subie par le président. Un recommandé avec AR pourrait combler ce vide juridique ; la lettre énoncera les différents pouvoirs délégués au directeur. Toute action sortant de ces pouvoirs engagerait alors sa responsabilité.
Récupérer la maîtrise des instruments de paiement
Si le directeur dispose de la signature bancaire, il est facile de dénoncer auprès de la banque cette procuration ; une simple lettre recommandée signée du président suffit à cela. L’impossibilité pour le directeur d’engager financièrement l’association obligera à rétablir la collaboration puisque tous les chèques émis devront être présentés au président pour signature.
Consultez également mes autres articles à propos des conflits avec le directeur salarié.
Publié initialement le : 26 janvier 2008
Bertrand says
Cet exemple est malheureusement courant, effectivement. Il est tentant pour un cadre dirigeant de prendre le pouvoir, et parfois, il arrive également que ce soit les administrateurs qui par nonchalance ou manque de motivation ou de temps laisse toutes les rênes au directeur. Personnellement, j’ai toujours refusé ça (en tant que cadre dirigeant) et je donne ce conseil aux bénévoles en charge du recrutement : poser les questions suivantes au directeur que vous voulez recruter :
– votre présence est-elle indispensable en bureau ?
– votre présence est-elle indispensable en CA ?
– associez-vous un administrateur bénévole lors d’un recrutement ?
– quelle limite mettez-vous à votre délégation financière ?
En ce qui me concerne, les bonnes réponses sont les suivantes :
– Oui, la présence du directeur est indispensable en bureau, organe de gestion de l’association (un par semaine est un bon rythme).
– Non, la présence du directeur n’est pas indispensable en CA, et si elle est souhaitée ce sera uniquement à titre consultatif. Le CA est un organe politique, le directeur est un technicien, tout cadre soit-il.
– Oui le directeur doit associer, en phase finale du recrutement, un bénévole de l’association. Pour un avis contradictoire, mais surtout pour faire comprendre au candidat qu’il entre bel et bien dans une association dont les vrais dirigeants sont représentés par le directeur.
– Personnellement, la délégation de signature pour le directeur ne devrait pas dépasser 500 euros, somme qui constitue le seuil de l’amortissement d’un achat. Cette somme permet de faire face à quasiment toutes les dépenses urgentes.
Un militant professionnel…
Safran says
J'ai lu avec intérêt les commentaires concernant les présidents, les directeurs, etc… J'ai un problème à exposer : je suis adhérente d'une association, dans laquelle nous avons une jeune directrice, embauchée par le précédent bureau démissionnaire. La nouvelle présidente a décidé de tout gérer, et de retirer petit à petit toutes les responsabilités à la directrice, qui s'en sortait très bien auparavant. Notre directrice subit très clairement un harcèlement moral pour la pousser au départ. En effet, comme exemple : la présidente embauche du personnel, sans en parler à la directrice, sans la convier aux entrevues (alors qu'avant elle s'en chargeait seule), elle questionne toutes les personnes "qualifiées" sur les méthodes et les décisions de la directrice, dans son dos, mais bien sur cela lui revient aux oreilles. Je ne m'étendrais pas plus, il y a trop de choses incroyables. Il faut savoir que cette présidente, n'est absolument pas qualifiée, mais qu'elle se permet de décider de gérer des choses qu'elle ne connait pas (il s'agit là d'un club équestre). Je travaillais moi même dans le milieu, que je connais donc très bien.
Que peut-on faire ? Nous ne souhaitons pas que notre directrice parte, mais plutôt la présidente…
Merci de vos conseils.
association1901 says
Pour démettre un dirigeant, il faut emprunter la même voie que pour l'élire : AG, vote. Préparez donc la prochaine AG en réunissant un groupe des adhérents mécontents qui voteront la destitution de la Présidente.
Bertrand says
La confiscation du pouvoir par un salarié est un risque, la confiscation du pouvoir par un président, un même risque… Une association doit-être démocratique et fonctionner comme fonctionne une bonne entreprise. C'est à dire avec une visibilité claire des responsabilités et pouvoirs. Pour le salarié, c'est le contrat de travail, le positionnement sur la convention collective, le statut cadre ou pas, la fiche de poste, les évaluations, le règlement intérieur qui donnent un cadre, une légitimité et une sécurité. Pour le président, ce sont les statuts, le règlement intérieur, le code du travail et la convention collective qui le font. Sans oublier les représentants du personnel ou l'inspection du Travail. Mais avant d'en arriver au conflit, il est aussi du rôle des membres du bureau de rappeler quelques limites à celui ou celle qui exerce la Présidente (et au final qui ne fait que la représenter juridiquement). C'est au bureau de faire prendre conscience qu'un bon accord vaut mieux qu'un mauvais procès si le besoin de se séparer d'un directeur est avéré ; ou alors de destituer le président qui outrepasse ses fonctions.
Dans votre cas précis Safran, vous êtes adhérente ; il vous faut donc vous rapprocher des membres du bureau et évoquer avec eux la situation. Ensuite que la directrice fasse un relevé de tout ce qui change dans ses fonctions, avec des témoignages (c'est dur à obtenir). Préciser aussi aux membres du Bureau que la présidente aura sûrement du mal à défendre sa position devant des Prud'hommes et que de fait, l'association peut se trouver dans une situation très compliquée, voire mortelle si des dommages et intérêts étaient attribués suite à un procès. Dans le cas d'un harcèlement et donc d'un licenciement non justifié, cela peut dépasser les 20 000 euros. Et en cas de dissolution, la responsabilité de TOUS les administrateurs peut être engagée. Les juges sont de moins en moins tolérants. Alors que votre présidente se calme ou qu'elle argumente sérieusement ses griefs via une procédure disciplinaire, ce qui permettrait à la directrice de se défendre.
Bien cordialement et bon courage.
LARROQUE says
Bonjour, mon épouse a fondé depuis 1 an une association loi 1901 dans laquelle elle s'est énormément investie.
Même si elle est parvenue à réunir autour d'elle des bénévoles, pour des raisons de disponibilité, c'est elle qui assume presque seule au quotidien l'important investissement en temps et, initialement, en argent, que nécessite l'association.
Je travaille avec elle sur la rédaction des statuts et du RI. Notre souci est de "sécuriser" sa position de fondatrice/directrice (en particulier en évitant de se voir un jour licenciée de la propre association qu'elle a fondé) tout en assurant un minimum de vie démocratique au sein de l'association.
Comment concilier ces 2 objectifs qui paraissent contradictoires ? Comment établir le contrat de travail de la directrice salariée ? Avec qui doit-il être signé ? Quelles garanties contre une éventuelle tentative de licenciement émanant d'un futur Président bénévole élu mal intentionné à son égard ?
LARROQUE says
STATUTS : PROTEGER LA FONDATRICE/DIRECTRICE
L'idée initiale était de faire apparaître dans les statuts la directrice/fondatrice comme membre de droit inamovible du Conseil d'Administration et du Bureau.
Dans le projet actuel des statuts :
– L'AG a pour seule attribution d'élire les membres du CA chaque année.
– Le CA, réuni une fois par an, a pour attributions d'élire les membres du Bureau (Président, Secrétaire, Trésorier), de définir les orientations stratégiques et de veiller au respect des statuts et du RI.
– Le Bureau, avec la Directrice, aurait pour fonction d'assurer la gestion quotidienne de l'association, bref l'opérationnel.
Comment délimiter les attributions respectives (en particulier financières) du Président, de la Directrice et du Trésorier… Qui tient le compte bancaire ? Qui représente l'association à l'extérieur et éventuellement en justice ? Comment, tout en sécurisant sa position au sein de l'association, éviter que la directrice soit requalifiée un jour en dirigeant de fait ?
LARROQUE says
RESSOURCES D'UNE ASSOCIATION : QUID DE L'INVESTISSEMENT FINANCIER INITIAL CONSENTI PAR LE FONDATEUR ?
Peut-on indiquer dans les statuts qu'une partie des ressources de l'association est venue (et pourra peut-être encore venir dans les mois qui viennent) de l'investissement financier personnel initial effectué par le fondateur de l'association ? Si oui, cela lui donne t-il des droits particuliers sur l'association ?
Merci par avance de vos éclaircissements.
Anne says
Je vais apporter de l'eau à votre moulin en resumant ici mon experience personnelle en tant que presidente pendant 2 ans d'une association locale familles rurales . Apres une grande implication du bureau pendant ces 2 ans pour essayer d'ameliorer la situation (l'asociation ayant 4 salariées premanent plus des CDD en periode de vacances scolaire) nous avons toutes demissionees (la secretaire la tresoriere la vice presidente et la presidente). Quand une structure est est tenue depuis sa fondation (20 ans plus tot) par sa directrice elle a perdu tout son caractere associatif. La directrice travaille donc alors à degouter le bureau en place pour qu'il parte et pour le remplacer par un bureau totalement fantoche lui laisse carte blanche.(lors de l'AG c'est la directrice qui a recueuilli les pouvoirs et qui les distribue à qui elle le souhaite…) Ce type de situation tue totalement le monde associatif et à mes yeux il est tres difficile de gerer une association des qu'elle emploie des salariés à plein temps.
association1901 says
merci de ce précieux témoignage