J’ai déjà écrit que les petites associations de membres étaient un réceptacle idéal pour une solidarité de proximité. Un récent article à propos du prêt entre particuliers m’a permis de reposer la question de la tontine associative, je souhaite maintenant approfondir un peu ce dossier.
Je vous propose de commencer une série d’articles pour approfondir un peu ce dossier et vérifier sa faisabilité
Une tontine, qu’est ce que c’est ?
Je donne ici ma propre définition, on en trouvera d’autres, par exemple ici sur wikipédia ou là chez Jean-Christophe Capelli.
La tontine est un regroupement volontaire de personnes qui épargnent ensemble. Elle consiste à créer un « pot commun » alimenté par les versements réguliers des participants. A échéances régulières ou en fonction des demandes adressées à la tontine, l’épargne accumulée est redistribuée -en tout ou partie- à l’un des participants, sous forme d’un don ou d’un prêt. Le bénéficiaire de la tontine -celui qui emporte le pot commun- peut être désigné par tirage au sort ou d’un commun accord, en fonction des besoins exprimés par chacun.Une fois la tontine consommée, on recommence à constituer le « pot commun » qui est à nouveau attribué à l’un des participants et ainsi de suite…
Pourquoi une tontine dans une association ?
Installer une tontine dans l’association revient à doter la communauté associative d’un fonds de solidarité financière entre ses membres. En accessoire à ses activités statutaires, l’association se dote de la capacité de distribuer des micro-crédits à ses membres, selon des critères et des modalités qu’elle définit.
Cette extension du champ des activités associatives présente pour l’association et ses membres de nombreux avantages.
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- Elle renforce le lien social à l’intérieur de la communauté associative. En introduisant la dimension de la solidarité financière dans ses activités, l’association prend une véritable dimension sociale ; elle conforte le faire-ensemble qui est sa raison d’exister.
- Cette dimension de solidarité financière augmente l’attractivité de l’association pour ses membres, qui ne la voient plus comme un simple lieu de partage d’activités mais également comme un organisme protecteur et bienveillant.
Quelques contraintes de la tontine en association 1901
Pour envisager ce système de solidarité de proximité dans une association régie par la loi de 1901, il faut tenir compte de quelques contraintes, à commencer par la loi de 1901 elle-même qui définit un champ étroit pour les relations économiques entre l’association et ses adhérents.
L’interdiction de partager les réserves associatives
Dans la loi, il y a pour les associations 1901 cette interdiction de partager les excédents financiers qui empêche les membres de tirer de leur participation à l’association le moindre avantage financier. Nous l’avons déjà dit ailleurs : la tontine dans son fonctionnement classique octroie une sorte de don à l’heureux bénéficiaire du tirage au sort, celui-ci empoche la tontine, par construction supérieure au montant de l’apport de chacun, il y a donc un phénomène d’enrichissement prohibé par la loi de 1901 (mais pas éventuellement par le code local applicable aux associations d’Alsace-Moselle).
Cela interdit également de rémunérer les épargnants dans la tontine en leur octroyant des intérêts (nous reverrons cette question par la suite).
Notre mécanisme de solidarité intra-associatif ne peut donc distribuer le montant de la tontine au participant sous la forme d’un don ; la loi de 1901 n’interdit pas toutefois qu’il s’agisse d’un prêt, notamment si l’objet associatif tourne autour du lien social et à l’instauration de toute forme de solidarité entre les membres.
Rien dans la loi de 1901 n’interdit en effet à l’association de prêter des sommes d’argent à ses membres, du moment que les sommes sont remboursées et qu’elle ne viennent pas enrichir le patrimoine de l’adhérent bénéficiaire.
Le monopole des établissements de crédit
Le problème ici serait que la loi définit les établissements de crédit comme « des personnes effectuant à titre de profession habituelle des opérations de banque ». Même le statut d’intermédiaire en opération de banque (courtier) est étroitement réglementé. Tous ces établissement sont soumis à des contraintes énormes sur le plan réglementaire et doivent obtenir des autorités un agrément avant d’exercer.
L’association ne peut donc faire un métier de la distribution de crédits à ses membres, sans tomber sous le coup de ce monopole ; il doit obligatoirement s’agir d’une activité accessoire par rapport au projet associatif dans sa globalité. C’est la distinction classique entre des opérations habituelles qui doivent se situer au cœur de l’objet associatif et des chantiers accessoires (voyages, manifestations, spectacles) qui relèvent plus de la vie sociale au sein de l’association (et qui peuvent alors espérer échapper aux règlementations professionnelles).
Sauf à ce que ses statuts l’interdisent expressément, une association peut donc distribuer des crédits à ses adhérents, du moment que cette activité reste accessoire par rapport à son objet. Cela n’entrainerait pas -à mon humble avis- de risques juridiques (requalification) du côté du statut associatif.
S’il existe des risques juridiques dans cette affaire, c’est plutôt du côté des activités bancaires qu’il faut les chercher. la règlementation des opérations de crédit est très rigoureuse, avec toute une série de sanctions financières et pénales protégeant le monopole des établissements de crédit, sanctions censées conférer un haut niveau de protection à l’emprunteur…
Le prêt d’argent à titre onéreux est réglementé en France par deux textes légaux à prendre en considération :
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- L’article L313-1du Code Monétaire et Financier qui stipule que « Constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend, dans l’intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu’un aval, un cautionnement, ou une garantie ».
- L’article L.511-5 du Code monétaire et financier qui stipule que » Il est interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit d’effectuer des opérations de banque à titre habituel. Il est, en outre, interdit à toute entreprise autre qu’un établissement de crédit de recevoir du public des fonds à vue ou à moins de deux ans de terme ».
Ne pas réclamer d’intérêt facilitera grandement la gestion du système à tous points de vue ; on pourra notamment renoncer à faire semblant de jouer au « petit banquier » en calculant sur son tableur favori des colonnes avec pourcentage.
Notre fonds de solidarité associatif agira donc comme un organisme de micro-crédit interne à l’association, distribuant selon un système à définir des micro-crédits sans intérêts à ses participants.
Quelles associations pour ce système de micro-crédit gratuit ?
Toutes les structures associatives ne sont pas adaptées pour accueillir un mécanisme d’épargne collectif et solidaire.
On a donc compris que la tontine comme système de micro-crédits sans intérêts peut être installée comme activité accessoire dans toute association dont l’objet et les chantiers sont tournés vers la création de lien social entre les membres et/ou la solidarité.
Pour moi le profil-type de l’association hébergeant une tontine, c’est un groupement d’individus dans une certaine proximité géographique constitué sur le partage de valeurs communes.
Laurent Samuel says
Si ces questions vous intéressent, rejoignez Assolidaires, un groupe d’étude sur le micro-crédit dans les associations 1901. Cliquez sur le lien ci-dessous pour rejoindre le site : http://www.assolidaires.org