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Quelle est la valeur réelle de votre petite association ?

A la manière de ces magazines pour entrepreneurs, je pose également la question aux dirigeant bénévole des petites associations de terrain « Que vaut réellement votre association ? »  Au delà de toute provocation, je souhaite discuter des outils conceptuels qui permettent de mieux cerner l’utilité sociale de ces associations de proximité (elles sont en France des centaines de milliers).

Les petites associations de proximité (celles qui regroupent une poignée de bénévoles pour organiser des activités « ici et maintenant ») échappent à la plupart des tentatives de mesure et d’évaluation. Elles manipulent peu d’argent et travaillent dans une zone informelle de l’économie, celle de l’échange non marchand et de l’altruisme. Les outils, concepts et méthodes de l’évaluation sont pensés pour des structures de production, obéissant à la logique du marché et recherchant exclusivement le profit. Pour les grosses associations dotées de missions de service public, l’évaluation de l’utilité collective entre progressivement dans les mœurs ; il s’agit souvent de processus complexes et lourds imposés par les financeurs.

Mais pour les petites associations de proximité, on en est encore à se demander comment mesurer leur contribution réelle à la société.

Valoriser ce qui n’a pas de prix

Selon certains, la contribution des associations de proximité serait inaccessible par le biais de l’évaluation, il faudrait renoncer à tout effort de quantification de la contribution sociale de ces petites structures, sous peine de dénaturer le concept de bénévolat et de porter atteinte à la valeur altruiste du don. Pour d’autres, l’évaluation dans les petites associations est simplement synonyme d’un surcroit de travail et d’une fonctionnarisation rampante de l’activité, incompatibles avec les exigences de pragmatisme qui gouvernent l’association de terrain.

Effectivement, on peut se demander comment appréhender la contribution sociale d’une petite association qui réunit quelques personnes pour partager ensemble une activité, un idéal ou une passion. Comment valoriser la multitude des petits gestes, des paroles échangées, toutes ces petites étincelles qui ont permis à des personnes de se rencontrer et d’échanger, de tisser du lien social ? Et surtout pourquoi le faire, dans quel intérêt : tous ceux qui ont participé s’en souvienne, point n’est besoin de mettre un chiffre sur ce qui relève du pur vivre-ensemble.

L’absence d’évaluation du travail associatif, un handicap plus qu’une fatalité

Le fait que nos associations de proximité échappent à toute tentative d’évaluation présente pourtant des inconvénients significatifs. D’une manière générale, il contribue à la dévalorisation du travail associatif de proximité. A partir de l’idée que « ce qui ne se mesure pas n’existe pas », la petite association de proximité n’est pas vraiment reconnue au niveau institutionnel. Les pouvoirs publics et les discours convenus célèbrent le bénévolat mais sans parvenir à le reconnaitre vraiment.

Autre inconvénient, l’absence d’outils et de méthode pour évaluer les petites associations les empêche d’accéder à toute forme de financement autre que ses ressources propres. Qu’il s’agisse de financements privés (appel à la générosité, crédit bancaire) ou publics (subventions), personne ne peut prendre au sérieux une structure dont les activités restent inaccessibles à toute forme d’évaluation. Les banquiers et les dispensateurs de subvention sont particulièrement démunis face à des structures qui n’entrent pas dans leurs grilles d’évaluation (budget financier trop modeste, manque de visibilité sur les activités).

Cela constitue un handicap évident et condamne ces petites associations à un modèle économique tourné vers la survie à court terme. La mortalité de ces petites associations est d’ailleurs élevée. Si on se doute bien qu’elles constituent l’essentiel de 70.000 créations annuelles d’association loi 1901, on ignore totalement combien meurent chaque année, faute d’avoir été reconnues dans leur fonction et soutenues dans leur travail. Rassurez-vous : tout le monde s’en fout, la petite association de proximité n’est pas un sujet.

La notion de capital associatif

Du point de vue du banquier, l’incapacité à appréhender l’association de proximité (notamment dans la perspective du crédit) est certainement liée à l’absence d’actifs matériels de ces petites structures. Pour cette raison, il paraît nécessaire d’introduire le concept de capital associatif, un ensemble d’actifs producteurs de valeur et faisant partie intégrante du patrimoine de l’association.

D’un point de vue économique, il s’agit d’actifs immatériels : l’engagement des bénévoles de l’association et son savoir-faire particulier. Ces actifs sont représentatifs des ressources de l’association et de son aptitude à réaliser des actions concrètes au service de la collectivité. La valeur d’une association reposant sur le bénévolat est directement fonction de sa capacité à mobiliser efficacement les énergies individuelles au service de réalisations collectives.

Du point de vue comptable, toutes les associations disposent d’une méthode pour valoriser le bénévolat. Nous vous avons largement expliqué dans ces colonnes pourquoi et comment valoriser les contributions bénévoles des adhérents dans les comptes de votre association. Faire apparaître le bénévolat dans les comptes de l’association, c’est dévoiler une partie du capital associatif. Toutefois, la norme comptable préconise de ne pas valoriser le bénévolat de direction, celui effectué par les mandataires élus. Or dans nos petites associations, l’essentiel du bénévolat est procuré par des dirigeants. Il faut donc modifier la norme comptable et accepter une évaluation raisonnable du bénévolat de direction qui contribue très efficacement à l’utilité sociale de l’association.

Un autre aspect du capital associatif concerne le savoir-faire particulier accumulé par l’association et ses acteurs au cours des années d’expérience sur le terrain. Cette notion de savoir-faire (know-how) est parfaitement reconnue dans le domaine de l’évaluation d’entreprise. Il devrait en être de même dans le monde associatif, où la capacité de centaines de milliers de micro-structures  à prendre en charge efficacement une multitude d’activités très ciblées est source de valeur, tant sur le plan macroéconomique que microéconomique. Au delà des personnes, l’expérience accumulée dans l’association participe du capital associatif (notamment quand elle est formalisée, par exemple, dans un règlement intérieur).

Pas si immatériel que çà…

Par exemple, une association de danse folklorique qui organise avec un succès constant depuis des années une tournée de sa troupe à travers la France dispose d’un capital associatif appréciable. C’est d’abord l’engagement d’une équipe de direction bénévole, une dizaine de passionnés pas avares de leurs temps- qui consacre des centaines d’heures chaque année à monter un spectacle, trouver des dates et déplacer de manière efficace et sécurisée tout son petit monde. C’est ensuite un ensemble de procédures et d’information qui sont mobilisées pour l’organisation de chaque tournée, l’association capitalisant chaque année sur son expérience.

Il résulte de la mise en œuvre de ce capital associatif une valeur ajoutée indéniable. Ce que chaque année cette association réalise en promenant une troupe d’amateurs qui se donnent bénévolement en spectacle n’a certes pas de prix mais reste pourtant bien concret. Tout cela ne fonctionne pas sans la combinaison entre l’engagement individuel des personnes et le savoir-faire associatif qui caractérise ces associations de loisirs et de tourisme dites « populaires ».

Comment les petites associations peuvent-elles valoriser leur capital associatif ?

Hormis l’aspect théorique, cette notion de capital associatif n’a d’intérêt que si elle est sert une réflexion honnête à propos des ressources mobilisables par l’association et la qualité de ses réalisations concrètes. Pour avancer dans cette réflexion, deux outils sont d’ores et déjà disponibles : l’évaluation comptable du bénévolat et la formalisation du savoir-faire associatif dans un règlement intérieur.

La valorisation comptable des contributions bénévoles

En valorisant dans la comptabilité les heures de travail offertes par les bénévoles, la petite association peut s’affranchir de la taille de son budget financier pour présenter son vrai visage. Dans les petites associations, l’essentiel de l’engagement étant souvent fourni par les membres du bureau, il devient alors indispensable de valoriser également ces contributions des mandataires élus, comme essentielles au bon fonctionnement de la structure. Il faut que cela fasse consensus tant au niveau des professionnels que des dirigeants eux-mêmes.

En affichant aux tiers sa capacité récurrente à mobiliser les énergies individuelles, l’association s’installe dans la durée et s’ouvre la voie de partenariats plus durables.

La formalisation du savoir-faire associatif

Trop souvent le savoir-faire accumulé reste au stade oral, survit de manière informelle entre quelques initiés de l’association. Il est alors fragile, car tributaire des personnes qui en sont les dépositaires. Une bonne pratique pour toutes les petites associations consiste à formaliser leur savoir-faire, en décrivant leurs pratiques et en tirant leçon de leurs expériences. Cela peut être fait dans le cadre de l’adoption d’un règlement intérieur, par exemple.

La formalisation du savoir-faire particulier de l’association dans un document interne de type « règlement intérieur » présente à ce titre de nombreux avantages. Elle est un gage de sérieux envers les tiers, notamment les dispensateurs de subvention qui sont de plus en plus nombreux à l’exiger. Elle participe de la sécurité juridique de l’association en définissant droits et obligations des parties prenantes. Elle facilite la transmission des bonnes pratiques acquises par l’association au fil de ses expériences et réduit en cela les dysfonctionnements et la conflictualité.

Un enjeu pour les dirigeants bénévoles

Mieux cerner le capital de son association en documentant ses ressources et son savoir-faire devrait être une priorité pour tout dirigeant bénévole. La mise en évidence du capital associatif disponible dans chaque petite association de quartier conduit à jeter un regard nouveau sur l’utilité sociale du tissu associatif de proximité.

Publié le : 18 septembre 2012