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Célébrer le bénévolat, un discours contreproductif

Le 4 décembre, nous avons célébré la journée du bénévolat. En principe, dans la France entière, se sont déroulées différentes manifestations dont le but était de glorifier l’engagement bénévole et de susciter de nouvelles vocations. J’ai pour ma part l’impression que ces journées du bénévolat font peu recette, et, qu’à part quelques notables en recherche de visibilité, ce discours institutionnel tombe à plat.

Il n’est pas dans mon intention de « cracher dans la soupe » et ce n’est pas la valeur du bénévolat -le fait d’offrir son temps, ses compétences et son énergie- que je voudrais ici mettre en question mais le fait que l’engagement associatif continue au XXIème siècle d’être essentiellement décrit (stigmatisé ?) dans le discours ambiant par sa dimension économique, en l’occurrence l’absence de rétribution des intéressés.

Un discours qui fait fuir

J’ai souvent l’occasion de discuter avec des adolescents. Parlez-leur de bénévolat et on vous rétorque que les bénévoles sont des « pigeons », qui se font « arnaquer », que c’est un truc de « vieux ». Par contre, proposez-leur d’aller faire les sorties de supermarché pour collecter au profit d’une banque alimentaire, et vous recrutez des volontaires, motivés à l’idée de se faire une petite virée avec les copains et de participer à une entreprise sérieuse, collective, qui les sort de leur cadre scolaire.

On peut le regretter mais il faut se rendre à l’évidence : notre société de la performance et de la réussite individuelle ne place plus la philanthropie au sommet de l’échelle de ses valeurs. Entre le « tout travail mérite salaire » et le « travaillez plus pour gagner plus », les valeurs d’abnégation et de générosité sur lesquelles se sont construites le tiers secteur apparaissent désespérément surannées.

Encenser le bénévolat n’est plus efficace pour motiver les gens. J’irai même jusqu’à dire que présenter l’association essentiellement comme un endroit où l’on travaille « pour la gloire » est désormais contre-productif. L’abnégation est une motivation « en creux », donner SANS contrepartie. Les bénévoles sont à la recherche d’autre chose : ils veulent une vraie récompense pour leur engagement personnel, pas forcément pécuniaire, mais mesurable en terme d’enrichissement personnel, d’épanouissement de soi.

L’épanouissement personnel, la vraie motivation des bénévoles

En fait, quand on se promène parmi les bénévoles, on se rend compte que ce n’est plus le don de soi ou la philanthropie qui sont les leviers de l’engagement associatif. Ce phénomène a été assez bien décrit par un rapport parlementaire datant de quelques années et consacré à l’engagement bénévole (rapport Murat). Plus que le sentiment d’accomplir une bonne action, c’est d’épanouissement personnel que les nouveaux bénévoles sont en quête à travers leur engagement associatif.

Identifiant trois viviers principaux de bénévoles, les seniors, les actifs et les jeunes, le rapport Murat met en évidence des motivations qui sont devenues essentiellement personnelles et « égoistes » (sans connotation péjorative). Les seniors s’engagent dans le secteur associatif essentiellement pour gérer en douceur la transition entre activité professionnelle et retraite. Les actifs voient eux dans l’engagement associatif une manière de mettre à profit leurs compétences dans un cadre autre que celui de leur entreprise et du secteur marchand ; c’est souvent la dimension ludique de l’engagement associatif qui est mise en avant. Les jeunes bénévoles sont à la recherche de reconnaissance et d’action : l’association 1901 leur propose un cadre où il est plus facile de se faire une place que dans les autres institutions (entreprises, partis politiques) et ils privilégient les structures donnant la priorité à l’action.

Dans tous ces discours, la dimension militante et philanthropique tend à disparaître et il n’est pas étonnant que la célébration du bénévolat tombe de plus en plus à plat.

Changer de paradigme

Je me souviens du changement radical opéré par l’Armée de terre il y a quelques années dans sa politique de communication. Après des décennies de communication basée sur le Devoir, le service à la Patrie etc, l’Armée a brusquement changé son fusil d’épaule 😉 et s’est mise à communiquer sur le fait qu’elle proposait aux engagés une vraie formation et un vrai métier, quelque chose d’utile dans la vie de tous les jours et pas seulement dans l’espace confiné de la caserne.

Je pense qu’une révolution de ce type est nécessaire au marketing du tiers secteur. On fera à mon avis naître plus de vocation associative en insistant sur ce qui est donné au bénévole plutôt qu’en soulignant ce qui lui est demandé.

Arrêtons de parler de bénévolat et privilégions l’engagement associatif. Montrons l’association 1901 pour ce qu’elle est vraiment et non par rapport à des valeurs qui ne trouvent plus d’écho dans la majeure partie de la population.