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Le peuple des facilitateurs

Il y a eu ce livre de Thierry Crouzet qui s’appelait le Peuple des connecteurs. J’avais bien aimé le travail qui décrivait assez explicitement l’émergence de ce cinquième pouvoir, porté par une nouvelle vision de la politique et du lien social. J’aime bien le blog de Crouzet, il y agite des idées neuves et des modèles alternatifs autour des stratégies réticulaires, une façon de voir les choses qui rejoint souvent notre paradigme associatif (par exemple le modèle bottom-up).

Parmi ces « connecteurs » de Crouzet qui se distinguent par leur capacité à susciter l’action collective, je distingue les facilitateurs qui sont également en interposition. Il s’agit de personnes ou d’organismes qui interviennent dans la création du lien social, visant un objectif altruiste ou militant ; ils sont en général immergés au sein d’une population d’acteurs, dont ils facilitent les inter-relations. Leurs stratégies sont souvent réticulaires (mise en réseau), elles peuvent aussi viser à raccourcir un circuit qui a fait la preuve de son inertie (AMAP).

Les facilitateurs manipulent du capital culturel, notamment « relationnel », technique, voir financier. Ils interviennent de plus en plus souvent avec l’outil internet qui leur ouvre de nouvelles perspectives (voir plus bas l’exemple de B.Willot).

De nombreux facilitateurs se recrutent dans le monde associatif ; ils relèvent souvent de l’Economie Sociale et Solidaire mais on en rencontre dans tous les secteurs d’activité, marchand et non-marchands. La structure de la loi de 1901 est en elle-même facilitatrice, dans le mesure où elle donne un corps à l’action collective.

Qui sont les facilitateurs ?

Un inventaire à la Prévert, qu’il vous appartient de compléter…

Insertion

Un bon exemple de secteur facilitateur se trouve dans l’insertion par le travail et l’activité économique. Que ces chantiers d’insertion s’adressent à des personnes handicapées ou à des publics économiquement fragiles, l’institution intervient pour aider la personne à s’inscrire dans une filière économique, en trouvant la place qui lui est adaptée. La facilitation peut porter sur l’accès au capital technique (locaux, ateliers, véhicules, machines) ou culturel (oeuvres de l’esprit, savoir-faire, marketing), la fourniture de débouchés (boutique, réseau de commercialisation), voire le financement (micro-crédit).

Culture

Dans le secteur culturel, on trouve également des associations loi 1901 qui sont en position de facilitateurs. Il s’agit des structures créées à l’initiative d’un artiste, pour lui servir de « cordon sanitaire » (selon la très jolie expression de J.Karinthi). Ces associations permettent à l’artiste de loger tout ou partie de ses activités dans une structure juridique indépendante. Cette structure est facilitatrice dans la mesure où elle augmente (souvent artificiellement) la surface financière de l’artiste, permet de réaliser un portage salarial de certaines activités et peut intervenir sur le plan juridique en complément de l’artiste (comme producteur, diffuseur, soutien à la création).

Commerce équitable

Le commerce équitable est également un secteur où les facilitateurs sont nombreux. Un bon exemple est donné par les AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) qui établissent des relations directes entre producteurs agricoles et consommateurs, en général sur la base d’une proximité géographique et d’une exclusivité donnée à l’agriculture biologique. L’AMAP ne participe à l’acte commercial que comme facilitateur. Elle met en relation l’agriculteur avec un groupe de consommateurs et aide à l’établissement entre eux d’une relation directe et privilégiée.

L’utilité sociale de l’AMAP réside dans la mise en réseau de producteurs et de consommateurs. Des facilitateurs travaillant à la mise en réseau des acteurs pointent également leur nez dans le domaine culturel (AMACCA). Les démarches réticulaires sont privilégiées par les facilitateurs : de nombreuses initiatives individuelles ou institutionnelles visent à faire partager à une catégorie d’acteurs un certain capital culturel ou informationnel (voir un excellent exemple avec le travail remarquable de B.Willot à propos des maisons de l’emploi).

Services de proximité

Tiens, justement les maisons de l’emploi, voilà un autre type de facilitateurs, comme les maisons des associations (RNMA), les coopératives d’activité et d’emploi (CAE). Travaillant sur une base locale, ces organismes d’accompagnement disposent en général de peu de moyens propres. Leur valeur ajoutée réside dans leur carnet d’adresse et leur recommandation. Les prestations de services concernent le minimum vital attendu par les usagers/bénéficiaires : un lieu, des sources d’information, un avis d’expert.

D’une manière générale, le secteur des services à la personne et de l’aide à domicile assure auprès de larges franges de la population des fonctions facilitatrices, qu’il s’agisse de besoins élémentaires (soins, repas) ou plus sophistiqués (écrivain public, soutien scolaire, initiation informatique). Il en va de même pour les régies de quartiers et de nombreuses structures fonctionnant sur une base hyper-locale.

Financement

La fonction financière a également ses facilitateurs. Dans le domaine de l’insertion, une association comme l’ADIE utilise le levier du micro-crédit pour favoriser la création d’activités indépendantes. Il existe également des réseaux de business-angels qui interviennent pour faciliter l’accès aux fonds propres des jeunes entreprises. Autre exemple dans le milieu associatif, le site internet SOLFIA publié par le CNAR financement, présentant en réseau tous les acteurs professionnels et institutions intervenant dans le financement des associations loi 1901 (Les CNAR sont d’ailleurs un archétype de facilitateurs).

Facilitateurs publics

Dans le secteur public, la Caisse des Dépôts est un organisme public qui excelle depuis toujours pour jouer le rôle de facilitateur dans les différents domaines où il intervient (ESS avec l’AVISE, forêt avec la Société Forestière, collectivités locales avec Localtis)

En faisant un petit détour par l’administration, on se rend compte que de nombreux services n’assurent « plus » qu’une fonction de « facilitateurs », en ce sens qu’ils ne disposent plus de moyens propres pour agir, notamment sur le plan financier.

Certains facilitateurs refusent toute institutionnalisation, ils vont même jusqu’à choisir la clandestinité : Thierry me signale Urban eXperiement dans le domaine des arts et de la culture.