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Créer un collectif d’auteurs pour l’auto-édition (association loi 1901)

Rien dans la loi de 1901 ou dans la réglementation ne s’oppose à ce qu’une association édite et diffuse à titre habituel des œuvres de l’esprit, en rémunérant le cas échéant leurs auteurs. Il est donc possible de créer une Maison d’édition sous statut associatif, en indiquant dans l’objet statutaire l’activité d’édition ou de diffusion à titre principal. L’activité d’éditeur peut être organisée sous forme associative de manière parfaitement légale et se déployer librement au profit des membres de l’association.

L’auteur exerce une activité libérale, comme l’artiste ou l’interprète, et son statut juridique est civil. Il est donc légitime d’envisager le regroupement d’auteurs dans une personne morale régie par le droit civil comme une association loi 1901.

Une association loi 1901 d’auteurs autoédités ?

Peut-on ainsi envisager de constituer une association dont l’objet consisterait à éditer les ouvrages de ses membres, à charge pour elle de leur réserver le bénéfice de l’opération ?  Il s’agirait en quelque sorte d’une association de portage éditorial. Un tel système est-il acceptable d’un point de vue juridique ? Quel serait le régime fiscal de cette association d’auteurs s’auto-éditant de manière collective ?

Peut-on ainsi envisager de constituer une association dont l’objet consisterait à éditer les ouvrages de ses membres, à charge pour elle de leur réserver le bénéfice de l’opération ? Cette association mutualiserait les coûts et les démarches liées à l’édition des ouvrages de ses membres.

A partir d’une comptabilité analytique, l’association affecterait à chaque auteur ses dépenses et ses recettes d’édition, déterminerait le montant net de ses droits et acquitterait pour son compte les cotisations sociales  Il s’agirait en quelque sorte d’une association de portage éditorial.

Un tel système est-il acceptable d’un point de vue juridique ? Quel serait le régime fiscal de cette association d’auteurs s’auto-éditant de manière collective ?

Les exigences de la loi de 1901

Pour rester compatible avec les exigences de l’article premier de la loi de 1901 (but non lucratif), l’objet statutaire doit être formulé avec soin. Il faut se souvenir que l’association a l’interdiction d’enrichir ses membres, sous peine d’être requalifiée en société de fait.

Ce qui est interdit par le but non lucratif de l’association, c’est la constatation d’excédents de gestion et leur reversement aux membres. Il est donc essentiel que l’activité d’édition ne dégage aucun excédent financier pour l’association. Par ailleurs, l’auteur membre de l’association ne doit pas retirer de l’association un bénéfice financier supérieur à celui qu’il aurait encaissé s’il avait conduit seul les opérations d’édition.

L’association constituée entre des auteurs peut avoir comme objet statutaire de gérer les intérêts patrimoniaux de ses membres, de défendre leurs intérêts et d’accomplir pour leur compte les démarches de l’édition.

Si l’activité à titre habituel d’éditeur suppose la réalisation d’actes de commerce et une inscription au RCS, la conclusion à titre habituel de contrats de cession de droits d’auteurs avec les membres de l’association ne devrait pas à notre sens justifier la requalification juridique de l’association, dans la mesure où l’association réserve ses services à ses membres, que ceux-ci ne retirent aucun avantage financier ou économique, direct ou indirect, du fait de leur adhésion, que les services rendus par l’association sont refacturés à prix coûtant et n’entraînent pas la constatations d’excédents financiers.

Un mandat pour l’édition

Le régime juridique du mandat paraît solide à l’égard de ces différents postulats. Il s’agirait d’adopter un système similaire à celui de l’association mandataire dans le secteur des services à la personne. Agissant aux termes d’un mandat spécial donné par l’auteur, l’association exécute pour son compte l’ensemble des opérations nécessaires pour éditer l’ouvrage. Elle rend ensuite compte de sa gestion à l’auteur (arrêté des comptes).

Un tel mandat ne pourrait être requalifié en contrat d’édition à compte d’auteur ou de contrat de prestation de services, dans la mesure où il n’entre aucun versement de la part de l’auteur-adhérent hormis la cotisation d’adhésion à l’association. Toutefois, cela pose problème pour les invendus dont l’association ne peut supporter définitivement le coût sans faire entorse au principe de non-lucrativité.

Le mandat conclu par l’association devra donc prévoir les modalités de prise en charge des invendus par l’auteur, car si ceux-ci restent à la charge de l’association, on peut considérer qu’un avantage économique direct est conféré au membre de l’association, en violation de l’article 1 de la loi de 1901.

Ce qui peut également poser problème sous la loi de 1901, ce sont les mécanismes mis en place pour rémunérer les auteurs par le biais de l’association. Si l’association doit centraliser l’encaissement des ventes d’ouvrage de ses membres, il paraît essentiel qu’elle ne dégage sur ce chiffre d’affaire aucun excédent et s’applique à répartir l’intégralité des sommes disponibles aux ayants droits (après remboursement des dépenses engagées pour l’édition des ouvrages).

L’encaissement des ventes de l’ouvrage par l’association

Dans un contrat d’édition, en contrepartie de la cession des droits patrimoniaux sur l’œuvre, l’éditeur encaisse tous les produits de l’exploitation et l’auteur ne peut revendre l’ouvrage pour son propre compte, ni céder ses droits à d’autres tiers.

L’association peut-elle assurer la distribution commerciale de l’ouvrage et encaisser les recettes des ventes, à la place de l’auteur, dans le cadre du mandat conclu avec lui ? La réponse est certainement positive : le mandat donné par l’auteur peut inclure la perception des recettes de la vente de l’ouvrage pour le compte de son auteur, l’association n’encaissant les recettes de l’édition qu’en sa qualité de mandataire.

Toutefois la limite à ce système est l’interdiction du but lucratif posée par la loi de 1901. Si l’association effectue de manière trop évidente la diffusion de l’ouvrage pour le compte de l’auteur, on peut considérer qu’elle lui rend un service qui pourrait être assimilé à un avantage financier interdit par la loi de 1901.

Cette question est d’importance, car elle conditionne largement le statut juridique et fiscal de l’auteur édité par l’association.

Le reversement du bénéfice de l’édition à l’auteur

Une fois les coûts d’édition de l’œuvre et les frais de fabrication remboursés, l’édition peut dégager un bénéfice. Qu’en est-il du sort de cette plus-value ?

Si l’association a agi comme simple mandataire de l’auteur, le bénéfice de l’édition est d¨à celui-ci et doit être lui reversé sans délai, après arrêté des comptes. Quelle est la qualification juridique de ces sommes et auprès de quel organisme doit-on verser des cotisations sociales ?

Actuellement la situation de l’auteur autoédité est inconfortable parce que le seul statut juridique et fiscal envisageable est celui de l’auto-entrepreneur. Ce régime est celui de l’auteur qui perçoit directement les produits de la vente de son ouvrage. Le statut d’auto-entreprise est doublement désavantageux pour les auteurs auto-édités, parce qu’il les prive du régime favorable des droits d’auteurs (cotisations AGESSA) et les assujettit aux cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu sur la base du montant brut des recettes des ventes du livre, sans pouvoir déduire les coûts d’édition, de fabrication et de diffusion de l’ouvrage.

Avec notre collectif d’auteur, c’est l’association qui perçoit l’ensemble des produits de la vente dans le cadre du mandat qui lui a été confié. L’auteur pour sa part ne reçoit que le bénéfice de l’opération et il peut donc déclarer dans le cadre de son régime « autoentrepreneur » une somme très inférieure au montant brut des ventes qui sert habituellement d’assiette aux cotisations sociales et à l’impôt.

On peut se demander si le mandat conclu entre l’association et l’auteur-adhérent, dont il a été question plus haut laisse la possibilité d’assujettir la rémunération de l’auteur au régime des droits d’auteur, l’association cotisant à l’AGESSA pour le compte de l’auteur.

L’affiliation à l’AGESSA

Il est en effet tentant de faire bénéficier les sommes reversées par l’association aux auteurs du régime très avantageux des droits d’auteur, de loin préférable à celui du régime de l’auto-entrepreneur (voir plus haut les inconvénients de ce régime)

Malheureusement, pour être affilié à l’AGESSA, l’auteur doit être lié à un éditeur ayant son siège en France (ou à l’étranger) et percevoir à ce titre une rémunération qualifiée de droits d’auteur. Il semble donc que l’édition doive être réalisée aux risques et périls de l’éditeur pour que la rémunération de l’auteur soit qualifiée de droits d’auteur. C’est pour cette raison que les auteurs autoédités, ou édités à compte d’auteur n’accèdent pas au régime de l’AGESSA.

Il peut craindre qu’il ne soit pas possible d’assujettir les versements aux cotisations AGESSA, si l’auteur n’a pas cédé à l’association ses droits en bonne et due forme, au terme d’un contrat d’édition « classique ».

Le mandat conclu entre l’association et l’auteur dont il a été question plus haut ne pourra être considéré comme un contrat d’édition au sens des articles du code de la propriété intellectuelle que s’il entraîne au profit de l’Editeur une cession par l’auteur de ses droits d’exploitation sur une œuvre déterminée, qu’il fixe le domaine d’exploitation des droits cédés quant à son étendue et sa destination, le lieu, la durée ainsi que la rémunération qui est due par l’éditeur à l’auteur en fonction des différents modes d’exploitation des droits cédés.

Les exigences fiscales

En proposant à des particuliers de leur rendre des services dans le domaine de l’autoédition, notre association d’auteurs exerce une activité parfaitement concurrentielle, à l’instar de nombreuses entreprises spécialisées, services web, imprimeurs qui proposent aux particuliers de les accompagner dans l’autoédition.

Est-il envisageable qu’une telle association puisse échapper aux impôts commerciaux (IS, TVA et CET)  et quelles conditions doit-on remplir pour éviter la requalification fiscale des activités en activités lucratives ?

L’auteur étant régi par un statut civil, l’administration fiscale ne pourra pas prétendre que l’association fonctionne au bénéfice exclusif d’entreprises et constitue uniquement le prolongement de l’activité commerciale de ses membres.

La situation des auteurs dirigeants bénévoles de l’association

En revanche, il est certain que la notion de gestion désintéressée interdira à l’association de reverser à des personnes exerçant des fonctions de dirigeants une rémunération supérieure au plafond fiscal : les ¾ du SMIC mensuels, c’est-à-dire (2013) ….. €.

Peu de gens savent que ce plafond dont le franchissement déclenche l’assujettissement de l’association aux impôts commerciaux (IS, TVA et CET) s’applique à toute forme de rémunération versée, à quel titre que ce soit, donc également aux droits d’auteurs perçus par des dirigeants dont les ouvrages seraient édités par l’association.

Cette limite constitue un obstacle de taille si les porteurs du projet impliqués dans le fonctionnement quotidien de l’association sont eux-même des auteurs rémunérés. Les droits d’auteur versés à des personnes exerçant dans l’association les fonctions de dirigeants de droit ou de fait ne pourront dépasser cette limite individuelle, sans risquer de déclencher le changement de régime fiscal de leur association. Rien ne sert de masquer les animateurs de l’association derrière des prête-noms, la limite fiscale s’applique également aux dirigeants de droit, les personnes qui animent effectivement l’association sans être déclarés comme tels à la préfecture.

Pour éviter le désagrément fiscal, il faudrait prévoir de plafonner en tout état de cause les droits perçus par des dirigeants de droit ou de fait au montant du seuil fiscal.

Examen du caractère non-lucratif des services d’édition

A condition que qu’elle conserve une gestion désintéressée, l’association réunissant des auteurs autoédités peut envisager de rester en dehors du champ d’application des impôts commerciaux.

Pour cela, l’examen de sa situation fiscale sera réalisé à la lumière des textes qui régissent la fiscalité associative, à savoir l’instruction fiscale du décembre 2006.  Cette instruction prévoit un ensemble de critères cumulatifs à respecter pour rester en dehors du champ d’application des impôts commerciaux, dont le premier est l’exigence d’une gestion désintéressée (voir plus haut la situation fiscale des dirigeants).

Les services à l’autoédition qui sont l’objet de l’association et constituent ses activités principales seront facilement considérés comme concurrentiels par l’administration, puisqu’il existe de nombreux acteurs du secteur marchand qui proposent sous une forme ou une autre ce genre d’accompagnement. Il sera difficile de combattre cet arguement.

Par application de la règle dite des 4P, il faudra donc que l’association démontre son utilité sociale en faisant valoir que le prix des services rendus à ses membres est largement inférieur à celui du marché (la refacturation des services à prix coûtants constitue à cet égard un premier argument mais il n’est pas à notre avis suffisant pour caractériser la fonction « sociale » de l’association).ou que les auteurs auxquels elles réserve ses services font partie d’un public socialement digne d’intérêt.

Il faudra par ailleurs démontrer que l’association s’abstient de toute publicité et qu’elle ne pratique pas des méthodes commerciales similaires à celles employées par les acteurs du secteur marchand. Dans le fait, cela interdira toute forme de publicité pour les services rendus par l’association et obligera celle-ci à se cantonner à une très discrète présence sur le web.

Le régime fiscal d’exonération prévu par l’instruction du décembre 2006 et dénommé « association fermé » qui permet d’obtenir une exonération des impôts commerciaux sur le produit des services rendus aux membres ne serait pas applicable à notre collectif d’auteurs. En effet, ce dispositif est réservé aux services à caractère culturel, éducatif, sportifs ou sociaux dispensés par les associations à leurs seuls membres. Les services liés à l’autoédition d’un ouvrage n’entrent pas à l’évidence dans cette liste.