En début d’année, il est d’usage de souhaiter les vœux et prendre de bonnes résolutions.
Je vous présente donc mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année. En ce qui concerne les bonnes résolutions, il y a l’embarras du choix. L’attitude de Stéphane Hessel fait débat parce qu’il propose une juste indignation, en quoi il n’a certes pas tort mais qui nous laisse désespérément suspendus dans l’inaction.
Maintenant que nous nous sommes assez indignés, pourquoi ne pas envisager de passer à l’acte, en faisant les choses différemment. C’est ce que je vous propose de faire en évoquant quelques personnages ou institutions qui s’engagent à proximité de chez vous pour faire bouger les choses et nous sortir de l’impasse. Toutes ces initiatives sont en général portées par des associations loi 1901 et dans ce premier billet de l’année, ce sont bien ces milliers d’associations de défense que je voudrais célébrer.
En 2011, prouvez-vous que c’est possible !
En France, le plus souvent dans des structures associatives (mais aussi dans des cadres plus informels), des gens se donnent les moyens d’expérimenter des solutions alternatives pour la vie sociale et économique. Il s’agit de sortir de l’impasse à laquelle nous a conduit notre société hyper-libérale et mondialisée.
Les initiatives ne manquent pas, car les gens sont de plus en plus nombreux à penser que l’on marche sur la tête ; ils s’organisent donc de manière différente pour expérimenter d’autres façons de subvenir à leurs besoins, se loger, se nourrir, se cultiver et accéder à l’information.
Ils font vraiment bouger les choses
Toutes ces attitudes relèvent d’un engagement individuel et citoyen et s’appuient sur des solutions de proximité pour satisfaire les besoins de chacun, sans exclure personne, ni abuser des ressources naturelles, avec le soin d’instaurer une relation socio-économique respectueuse des personnes impliquées. Si donc, vous avez vous-aussi envie de fonctionner différemment, je vous propose un rapide (et très personnel) catalogue de possibles « bonnes résolutions » pour les temps prochains
Se nourrir autrement
- Ce que je retiens de cette année 2010, -l’une des 2 ou 3 choses que j’ai entendues et qui a le plus frappé ma conscience intérieure-, c’est l’exhortation de Pierre Rabhi dans le film Solutions locales pour un désordre global à retrouver l’habitude de produire par nous-même une petite partie de notre nourriture, en cultivant le moindre petit mouchoir de terre qui soit à notre disposition.
Je crois que les bénéfices que l’on pourrait tirer de cette résolution serait colossaux pour la santé publique, le développement socio-culturel, la stabilité économique et politique, bref la survie même de notre vacillante société. Pierre Rabhi est l’inspirateur du mouvement associatif des Colibris. - A propos de l’accès des gens à la nourriture, le mouvement locavore fait écho au conseil du sage Rabhi. De plus en plus, les gens sont sensibles à la portée économique de leurs actes de consommation, notamment pour la nourriture dont la production implique, là où elle a lieu, des conséquences concrètes sur le vie du producteur et de vrais choix éthiques. Les locavores s’alimentent à proximité de chez eux ; ils privilégient les circuits courts en matière de distribution de produits alimentaires et la réduction des distances de transport des marchandises.
- Ce sont les mêmes circuits courts (dont je vous parlais ici) entre producteurs et consommateurs de denrées alimentaires que les AMAP visent à instaurer. Raccourcir les circuits de distribution, supprimer l’empilement des marges, limiter drastiquement la consommation de CO2 liée au conditionnement et au transport, rétablir une distribution conforme à la logique naturelle de la proximité, augmenter notre autonomie alimentaire.
- Selon Ekopédia, les AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) sont, en France, le support de partenariats de proximité entre un groupe de consommateurs et une ferme locale, débouchant sur un partage de récolte régulier (le plus souvent hebdomadaire) composée des produits de la ferme. L’AMAP est un contrat solidaire, basé sur un engagement financier des consommateurs, qui paient à l’avance la totalité de leur consommation sur une période définie (la « saison »). Ce système fonctionne donc sur le principe de la confiance et de la responsabilité du consommateur ; il représente une forme de « circuit court » de distribution.
- Fin 2007, environ 750 AMAP approvisionnaient en France environ 30 000 familles, soit 90 000 personnes. Le mouvement s’est progressivement et partiellement structuré, par la création de réseaux des AMAP, essentiellement à l’échange régional, puis plus récemment, par la formation d’un mouvement inter-régional des AMAP (MIRAMAP). Ces structures régionales ou inter-régionales visent essentiellement à l’échange d’expérience, à la formation des créateurs d’AMAP et à la représentation du mouvement auprès des institutions officielles (Régions, ministères, etc.). Je me félicite du formidable succès que connaissent en France les AMAP et j’espère que le mouvement va continuer à se répandre.
Echapper à l’impasse du modèle économique dominant
Contre les rapports de force déséquilibrés imposés par le secteur marchand, les associations de défense s’emploient à compenser l’asymétrie de l’information, à combattre les inégalités dans l’accès aux droits les plus fondamentaux et aider à préserver les publics économiquement faibles des ravages de notre société moderne.
- La Simplicité volontaire (ou sobriété heureuse) est un mode de vie consistant à réduire volontairement sa consommation par la maîtrise des besoins. On parle aussi parfois de frugalité. L’objectif est de mener une vie davantage centrée sur des valeurs « essentielles ». Les stratégies de la simplicité volontaire constituent une réponse appropriée à la politique d’obsolescence programmée menée par les marques dans le domaine de l’équipement des ménages. Elles reposent sur l’achat d’occasion, le partage des appareils et des équipements. Elles privilégient le recyclage et la réparation. Elles invitent les utilisateurs à former une communauté agissante pour réduire l’asymétrie de l’information.
Je n’oublie pas que 2010 fut l’année de HADOPI et de la LOPSI II. Pour cette raison, je réaffirme solennellement mon attachement à un internet neutre, soustrait aux règles du secteur marchand et libre de toute censure politique ou réglementaire. Au vaste chapitre de la lutte contre les monopoles, je voudrais signaler trois associations qui font un travail remarquable dans le domaine du logiciel et de l’accès à internet
- Pionnière du logiciel libre en France, l’April est depuis 1996 un acteur majeur de la démocratisation et de la diffusion du logiciel libre et des standards ouverts auprès du grand public, des professionnels et des institutions dans l’espace francophone. Elle veille aussi, dans l’ère numérique, à sensibiliser l’opinion sur les dangers d’une appropriation exclusive de l’information et du savoir par des intérêts privés. L’association compte près de 6.000 membres, personnes physiques, entreprises, associations et organisations d’horizons très divers qui se retrouvent autour des valeurs du libre. La mobilisation de ses bénévoles et de ses permanents lui permet de participer activement à la reconnaissance du logiciel libre au travers d’actions nombreuses et variées.
- Depuis 1998, l’AFUL a également pour but de promouvoir le logiciel libre, en particulier les systèmes d’exploitation (comme GNU-Linux ou les systèmes BSD libres), et aide à la diffusion de standards ouverts. L’AFUL est une organisation à but non lucratif (association loi 1901) qui réunit des utilisateurs, des professionnels, des entreprises et d’autres associations situées dans plus de dix pays et régions francophones (France, Belgique, Suisse, Luxembourg, Québec, pays d’Afrique francophone, etc.). LAPRIL
- Accès à internet (FAI) L’association loi 1901 FDN a été créé le 2 Juin 1992 pour proposer un modèle alternatif et associatif en matière d »accès au réseau internet. Considérant que l’accès au réseau est le support de la liberté d’information, il est essentiel que la fonction du fournisseur d’accès à internet (FAI) ne soit pas confisquée par un groupe d’opérateurs en situation oligopolistique, voire le pouvoir politique. Fort de son expérience de précurseur, et grâce à sa structure associative, FDN continue d’être un pionnier dans l’étendue et la qualité des services fournis à des prix accessibles aux particuliers.L’atout de FDN est la diversité de ses membres, à la fois composé de vieux routiers de l’Internet rodés techniquement, et de membres intéressés par les domaines les plus variés (musique, juridique, éducation, graphisme, …) et le dynamisme de son animateur-président Benjamin Bayart. L’association s’attache à promouvoir un Internet de qualité, reposant sur la neutralité, à la fois au niveau du service et des contenus, un internet qui respecte son éthique initiale : la maîtrise des ressources techniques par leurs utilisateurs, le partage et le don.
RMLL 2009 Table ronde politique – Neutralité du net
envoyé par ja-free. – Plus de vidéos de blogueurs.
Construire et habiter autrement
- L’année écoulée a vu la naissance officielle des Coopératives d’habitat. Cette nouvelle forme juridique est à saluer (ainsi que l’engagement de ses promoteurs habicoop). Devant la rareté de la ressource foncière à proximité de nos grandes villes, il nous faut trouver des solutions alternatives pour continuer à loger les gens et leur famille. Le patrimoine immobilier doit rester accessible et le caractère exclusif de la propriété immobilière ne doit pas être l’occasion de priver les personnes du droit au logement.
- Je n’oubliera pas de sitôt 2010 qui restera pour moi l’année où j’ai renoncé à participer à un projet d’habitat groupé. Décidément, les choses étaient trop difficiles à concilier ; il manquait un quelconque cadre pour structurer une démarche qui soit respectueuse des gens tout en répondant à d’étouffantes contraintes réglementaires. Pour cette raison, je veux également m’associer à tous ceux qui revendiquent justement le droit d’habiter autrement. A l’heure où de nombreuses personnes n’accèdent plus au logement traditionnel, je trouve révoltant de voir notre société se raidir dans une attitude étroite et normative, refusant tout droit de cité aux initiatives alternatives telles que les habitats mobiles, légers. Heureusement ces personnes ne sont plus isolées : une association a pris pour eux fait et cause : http://www.habiter-autrement.org/
D’autres manières de produire et échanger
- En 2010, j’ai du faire une dizaine de vide-greniers. Je suis très impressionné par cette nouvelle vogue et je trouve formidable le succès de ces foires au déballage, ouvertes aux particuliers, au cours desquelles on fait circuler massivement des vieux fonds de placard. Il y a un véritable engouement pour cette nouvelle manière de posséder les objets de la vie quotidienne, l’aspiration à une autre relation avec les choses et comme un refus du gaspillage inouï auquel nous condamne le « toujours plus » et l’obsolescence programmée (voir çi-dessus). Les gens revendent, ils récupèrent, ils recyclent, ils réparent ; ils s’emploient plus à donner aux choses une seconde vie, une seconde chance (hein, François ?) C’est l’émergence d’une attitude où l’on est l’acteur de sa consommation et de son équipement et non plus le jouet de la publicité et du discours des marques.
Auto-entrepreneur, une bouffée d’oxygène pour le small-business
- Toujours dans la veine sociologique, si un phénomène caractérise bien l’année 2010, c’est la montée en puissance du régime de l’auto-entrepreneur que nous avons signalée plusieurs fois dans ces colonnes. Malgré quelques errements et sans préjuger des vicissitudes fiscales du régime, il faut se féliciter de ce small-business-act. On a vraiment le sentiment que ce statut avantageux pour la très petite entreprise (TPE) a libéré en France de nombreuses énergies et je formule des vœux pour que les pouvoirs publics gardent une vision claire des bénéfices économiques et sociaux que procure ce petit paradis administratif et fiscal dans notre bien morose paysage économique. Je n’irai pas hurler avec les nombreux détracteurs de ce régime, « facteur de précarité et source de rapports économiques déséquilibrés » (je reste désespérément libéral, je sais).
Personnellement, je trouve très positif qu’avec le régime de l’auto-entrepreneur, il soit désormais possible pour tout un chacun de lancer une activité marchande ou productive dans un environnement réglementaire souple et allégé. Il faut se souvenir qu’à l’origine de cette réforme majeure, il y avait la nécessité d’encadrer juridiquement les activités de revente sur Ebay. En donnant la possibilité au plus modeste marchand ou producteur d’accéder directement et sans friction à un marché mondial, Ebay, gigantesque place de commerce en ligne, instaure le circuit court comme un modèle économique viable en ce début de XXIème siècle.
Je formule donc aussi des voeux pour le succès de tous ces auto-entrepreneurs et la nécessaire stabilité de leur cadre légal, indispensable à l’épanouissement serein des affaires.
Pour une économie sociale et solidaire
- Formuler des vœux pour le monde associatif doit viser en tout premier lieu l’Economie Sociale et Solidaire, (ESS) sur laquelle on fonde tant d’espoirs. Je veux retenir de 2010 qu’on y vit les SCOP gagner en visibilité. En tant que SCOP, l’entreprise Chèque déjeuner fait chaque jour la preuve que l’on peut travailler, produire de la valeur en plaçant au coeur du projet entrepreneurial d’autres valeurs que celle de la recherche du profit.
Les SCOP comptent de 2 à 1500 salariés. Elles démontrent au quotidien qu’on peut travailler, exercer le pouvoir de décision économique et se partager la valeur ajoutée autrement, dans tous les secteurs d’activité :
- le conseil et le service aux entreprises,
- le bâtiment,
- le commerce,
- la culture,
- le service aux personnes,
- le commerce équitable.
Je voulais terminer ce billet inaugural et « programmatique » par les secteurs de la solidarité,de la culture, de l’information et des loisirs mais le temps me manque un peu. Je vous proposerai quelques pistes (elles ne manquent pas non plus) à ce propos dans un prochain billet.
En vous renouvelant mes meilleurs vœux pour vos projets associatifs (et les autres), je reste
votre dévoué
Laurent SAMUEL
association1901fr says
Suite à la publication de ce billet, je reçois fort à propos un mail de MAG :
bonjour et merci pour vos voeux. Je vous présente les miens les plus sincères.
Je suis abonnée à votre newsletter que je lis toujours avec grand intérêt et profite de la présente pour vous remercier.
Mais je vous écris pour tout autre chose. Une sorte d'indignation, si je puis dire.
Vous évoquez ici un débat provoqué par l'attitude de Stéphane Hessel et renvoyez à un lien que je me suis empressée d'aller voir. Je ne connaissais pas ce site Causeur.fr. J'ai trouvé l'article vraiment odieux et suis allée un peu peu loin pour en savoir plus sur l'auteur et le site en question. Ma première recherche me mène à cet article que je vous soumets ci-dessous. Il vaut ce qu'il vaut, bien sûr. Et je n'ai pas le temps, pour l'instant, de poursuivre mes recherches mais je le ferai.
http://www.oulala.net/Portail/spip.php?article409…
Un débat suppose échange d'idées. Je trouve très gênant que vous proposiez ce seul article à vos lecteurs. Il eut fallu, pour le moins, en proposer un second, contradictoire.
J'ai connu Stéphane Hessel, un homme étonnamment bon, croyez-moi, dans son quotidien aussi. Je ne pense pas que ce soit le cas de Mr Rozensweig. Le petit livre "Indignez-vous" ne vise pas à donner LA solution. Il aide à réfléchir, sur des valeurs du coeur. Et son succès prouve à quel point les hommes ont besoin de bon. Pour le reste, l'auteur, dans chacune de ses interviews, insiste bien sur la nécessité absolue de l'action qui suit l'indignation.
Je m'arrête là. C'est un peu court mais j'ai fort à faire.
Merci encore pour le remarquable travail que vous réalisez.
Cordialement.
association1901fr says
Chère MA
Merci pour vos bons voeux et votre nécessaire recadrage.
Je veux préciser que j'ai moi-même bcp de sympathie et de respect pour Stéphane Hessel, que je n'ai pas lu, mais vu une fois à la télé, et dont je partage la plupart des indignations.
Le lien que vous citez (enlevé par mes soins depuis votre mail) a été fait -je le reconnais- à la va-vite. Je voulais évoquer le débat que suscite ce "Indignez-vous" pour faire écho à mon "Engagez-vous", mais sans aucune intention -je le jure- de déconsidérer le noble et juste travail de Hessel.
Merci donc pour votre msg qui me permet de faire cette mise au point
Bien à vous
laurent samuel
Gouguenheim says
Merci pour la prise en compte de ce recadrage. Prenez le temps de lire ce petit livre d'à peine 30 pages.
Bien à vous.
MA Gouguenheim
association1901fr says
Dans son interview au Monde, ici ; http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/01/14/st…
S.Hessel "Je souhaiterais que les lecteurs d'Indignez-vous ! aient envie de s'engager,.."
A la bonne heure !