Association1901.fr

La gigantesque contribution occulte des employeurs au monde associatif

Edit (24/03/2016) : Une étude vient de paraitre à propos du surf privé pendant les heures de bureau.  Elle conclut que les salariés consacrent en moyenne une heure 15 par jour à naviguer sur le web à des fins personnelles.

(article initialement publié en 2011) Quelques suppositions peuvent être formulées à partir du trafic bien régulier de ce site à destination des dirigeants associatifs (pour lequel je dispose désormais de plus de 10 années de statistiques), au vu notamment de la courbe de fréquentation des lecteurs de mes articles (voir schéma ci-dessous). On note la forme de « scie« , avec les creux caractéristiques des week-ends et des vacances scolaires.

Force est de constater que les gens qui s’intéressent à l’association 1901 (ceux qui se promènent sur internet pour se renseigner) le font essentiellement les jours ouvrables, pendant les horaires de bureau. On peut supposer que nombre d’entre eux se connectent depuis leur entreprise, sur leur temps de travail.

Engagement associatif : repassez aux heures de bureau, svp

L’essentiel de la fréquentation de notre site se situe du lundi au vendredi, de 9 heures à 18 heures, Le trafic baisse systématiquement entre midi et 2 heures, et le soir à partir de 18 heures. Il est également moindre les week-ends et périodes de vacances estivales ou chômées (comme le démontre la courbe de trafic ci-dessous, année 2010).

Il ne faut pas se voiler la face : une grande partie de 14 millions de bénévoles revendiqués en France cumulent leur engagement associatif avec un emploi salarié. Nombre d’entre eux utilisent une fraction de leur temps de travail et/ou des ressources allouées par l’entreprise pour mener à bien leurs missions associatives.

Je me suis amusé à faire un petit calcul à propos des connexions sur le site.

En 2010, 400.000 visiteurs ont consacré 32.000 heures à consulter les pages de notre site. Si l’on suppose que la moitié des visites ont été effectuées sur le temps d’un travail d’un salarié, on obtient le montant du coût caché supporté par les employeurs français du fait de la fréquentation de votre site-ressource préféré par des salariés « bénévoles » (291.000 euros en 2010, avec une valorisation horaire de 25 euros;-)

Plus sérieusement, un salarié qui consacre deux heures hebdomadaires de son temps de travail rémunéré à ses activités associatives privées coûte selon mon évaluation approximative 2.300 euros annuels à son employeur.(Comptons un coût pour l’employeur de 25 euros par heure « détournée » sur 46 semaines).

Remis à l’échelle de la population active française et de l’engouement pour le bénévolat associatif, cela laisse songeur. Pensez donc : plus de 12 millions de personnes déclarent en France avoir un ou plusieurs engagements associatifs.

Le bénévolat occulte des salariés : un transfert des employeurs aux associations 1901 de presque 14 milliards chaque année

Il n’est pas difficile de faire une grossière évaluation de ce que représente à l’échelle macro-économique cette contribution occulte des entreprises et de tous les employeurs aux structures associatives dont s’occupent leurs salariés pendant les heures de bureau.

Si l’on envisage que la moitié des bénévoles déclarés en France sont salariés et qu’ils consacrent en moyenne deux heures hebdomadaires de leur temps de travail rémunéré à leurs activités associatives privées, on atteint un chiffre vertigineux de presque 14 milliards d’euros, très exactement 13.800 millions € (à rapporter au budget annuel du secteur associatif français de l’ordre de 65 milliards).

Il n’est d’ailleurs pas exact d’attribuer l’ensemble de cette gigantesque subvention aux seuls employeurs du secteur marchand. De nombreux utilisateurs de ce site sont également fonctionnaires ou salariés du secteur public, si j’en crois la liste des adresses laissées par les abonnés.

Le statut délicat des activités associatives des salariés effectuées sur leur temps de travail

Juridiquement, la position du salarié qui emploie une partie de son temps de travail à des activités privées est délicate. Le fait de détourner les moyens de l’entreprise de leur usage professionnel ou d’occuper le temps de travail à des activités sans lien avec le contrat de travail serait certainement constitutif d’une faute justifiant la rupture du contrat de travail, s’il était avéré que le salarié a organisé délibérément un système pour conduire ses activités associatives aux dépends de son employeur

Sur un autre plan, on peut penser que les employeurs ne sont pas totalement dupes. Dès lors, il ne faut pas s’étonner à mon avis du bilan assez décevant des partenariats associatifs avec le secteur marchand (dont on parlait dans une récente étude). On évoque la difficulté à implanter un mécénat de proximité, les entreprises rechignant à soutenir les projets associatifs. Cela n’est guère étonnant si les entreprises craignent de supporter des coûts cachés du fait des activités associatives de leurs salariés.

La valorisation fiscale de la contribution occulte des entreprises

Rien ne s’oppose à ce que la contribution de l’employeur aux activités associatives de son salarié soit officialisée sous la forme de mécénat de compétence, par exemple, entre l’entreprise et l’association de son salarié. La contractualisation d’un statut formel pour les activités bénévoles du salarié effectuées sur le temps de travail est sécurisante pour toutes les parties

A condition d’être prévues par le contrat de travail, de faire l’objet d’une évaluation raisonnable et documentée et sous réserve de leur reprise dans la comptabilité de l’association, les heures de bénévolat effectuée par le salarié sur son temps de travail devraient constituer pour l’entreprise une charge fiscalement déductible.

Plusieurs arguments plaident pour une reconnaissance formelle de cette réalité sociologique du bénévolat occulte des salariés, en tirant le cas échéant toutes les conséquences en terme de fiscalité de l’entreprise. Cela mettrait fin à une certaine forme d’hypocrisie et permettrait à toutes les parties de sortir gagnantes.