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Recherche du premier emploi : en quoi l’engagement associatif est-il bénéfique ?

J’écris cet article avec plusieurs casquettes : j’ai été et je suis toujours dirigeant bénévole de différentes associations accueillant des jeunes ; je suis également parent de jeunes adultes en recherche de leur premier emploi (et je mesure bien donc toutes les difficultés de la tâche) et enfin j’ai accueilli ou embauché dans des entreprises ou des associations de nombreux jeunes en stage de fin d’étude ou en premier emploi.

Pourquoi recrute-on si peu de jeunes diplômés à la sortie de leurs études ?

Autour de moi, de nombreux jeunes diplômés éprouvent des difficultés considérables à trouver un premier emploi correspondant à leur parcours universitaire et leur qualification. Après 5 ans d’études (quelques fois difficiles et sélectives), ils ne comprennent pas et n’acceptent pas d’essuyer tant de refus ; après tout ils sont titulaires d’un master, ont mené à bien des études supérieures ; que peut-on leur vouloir de plus ?

En tant qu’employeur ou maitre de stage, j’ai une explication pour cela, même si je pense qu’elle est désagréable à entendre. Je suis persuadé que la plupart des masters proposés sur le marché universitaire sont de la poudre aux yeux, que les pseudo-compétences transmises sont illusoires et débouchent sur une employabilité très médiocre des candidats. Par ailleurs, tous ces cursus oublient totalement de travailler le « savoir-être » des étudiants, qualité essentielle pour s’insérer dans une entreprise ou une organisation.

Une employabilité limitée

Les cursus universitaires et ceux des grandes écoles aussi (dans une moindre mesure) font l’impasse sur un aspect essentiel : développer l’employabilité de leurs titulaires, cette aptitude à s’emparer de choses concrètes, à s’insérer avec facilité dans une organisation pour lui être profitable.

Aujourd’hui, la plupart des masters dispensent une culture générale spécialisée ou thématisée dans une optique qui relève beaucoup plus du marketing que de la formation. Un panel alléchant d’intervenants professionnels dispense de micro-enseignements spécialisés au cours desquels ils consacrent beaucoup de temps à mettre en valeur leur propre expérience. Ce saupoudrage balaye les thématiques et les matières de la spécialisation de manière très large, dans une forme de story-telling, très éloignée d’un vrai transfert de compétence et très éloignée aussi de la réalité du travail en entreprise, où les postes sont hyper-spécialisés et les process morcelés à l’extrême.

Leur master en poche, ces jeunes ont la certitude d’être des « pro » du développement durable ou du droit de la propriété industrielle. Or quand on les embauche, on constate que leur employabilité à court terme est quasiment nulle. Il y a toutes les chances pour que la réalité professionnelle qu’ils auront à affronter n’ait pas occupé plus de quelques heures ou quelques lignes dans les enseignements qu’ils ont reçus et il leur faudra acquérir « sur le tas » les compétences très spéciales requises par le poste qu’ils vont occuper. Cela fait d’ailleurs écho au désenchantement qui s’abat sur les jeunes embauchés quand ils constatent à quel point leur réalité professionnelle est éloignée de l’image idéalisée qu’il ont construite pendant leurs études.

Un « savoir-être » en entreprise pas toujours bien maitrisé

Par ailleurs, les jeunes diplômés sans expérience professionnelle manquent souvent du « savoir-être » indispensable dans l’entreprise. Les codes comportementaux (la hiérarchie et ses contraintes, la relation commerciale et ses exigences) l’hygiène relationnelle (la langue de bois et le politiquement correct) et l’intelligence sociale (l’aptitude à saisir ce qui se joue dans une relation interpersonnelle) sont essentiels pour s’insérer facilement dans une organisation et devenir rapidement productif. Il n’est pas anormal que ces aspects soient encore en gestation chez de jeunes adultes, mais il faut reconnaitre que les cursus d’études les ignorent superbement (cela est en train de changer si l’on en croit cet article du Monde).

L’engagement associatif comme ersatz de la première expérience professionnelle

Si les employeurs privilégient les candidats qui ont une première expérience professionnelle, c’est parce qu’a priori ils présentent une meilleure employabilité. On suppose qu’ils seront plus faciles à insérer dans les rouages toujours complexes de l’organisation et pourront rapidement contribuer de manière efficace aux process de l’entreprise.

Or, à défaut de première expérience, l’engagement dans une association (avec de vraies prises de responsabilité et des réalisations concrètes) démontre cette capacité à s’insérer dans une organisation, à affronter des situations concrètes et à atteindre des objectifs tangibles.

On conseille toujours de mentionner dans un CV ses expériences associatives. Souvent les candidats expédient cette rubrique en mentionnant quelque chose comme « engagement dans mon association sportive » ou « accompagnement de jeunes en difficultés dans un cadre associatif » ; ils pensent (à tort) que l’association et l’entreprise sont deux univers distincts qui n’ont rien en commun et donc qu’il n’y a pas lieu de s’étendre.

C’est évidemment une erreur. L’expérience associative ne permet pas seulement de rajouter une ligne au CV ; pour un employeur, elle peut documenter les facultés d’adaptation et le sens du concret du candidat, constituer une preuve valable de son employabilité.

J’irais même plus loin en disant que lorsque la recherche du premier emploi reste trop longtemps infructueuse, le jeune diplômé aurait tout intérêt à rejoindre une association de quelque importance (si possible dans le champ de ses recherches professionnelles) et s’y engager résolument pendant une période significative, au cours de laquelle il pourra prendre en charge des dossiers et réaliser des choses concrètes. Les associations sont en manque structurel des ressources humaines qualifiées ; elles font en général bon accueil aux jeunes bénévoles qui proposent de s’engager.

Publié le : 13 octobre 2016