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Partenariats « entreprise-association » : pourquoi c’est si difficile

Rien ne m’énerve plus que les injonctions lancées par les gens éloignés du terrain, les théoriciens de l’action ou ceux qui, plongés dans leur bulle, croient que le reste du monde leur ressemble. Cette histoire de partenariat entre les associations et les entreprises, censée sauver le monde associatif de la disette financière dans laquelle il sombre depuis 10 ans, fait partie de ces fausses bonnes solutions dont on nous rebat les oreilles.

J’ai longtemps fait la chasse aux partenariats pour le compte d’une association de spectacle vivant. Sans beaucoup de succès, à l’instar de bon nombre de dirigeants bénévoles de petites et moyennes structures qui me font part de leurs déconvenues à ce sujet.

Ce mariage entre la carpe et le lapin reste difficile à organiser et les résultats sont rarement au rendez-vous, en dépit des heures de « tire-sonnettes » et des trésors de séduction déployés par les associations.

Petit rappel avant de commencer (bien trivial mais nécessaire, à entendre certains discours totalement déconnectés de la réalité) : une entreprise est un organisme à but lucratif ; toutes ses actions et le moindre euro qu’elle dépense sont tournés vers un seul objectif, dégager du profit. La soi-disant responsabilité sociale des entreprises est une invention récente ; elle est pour l’instant l’apanage de très grandes entreprises, souvent des entreprises publiques qui appliquent des consignes politiques, ou bien des géants du CAC40 qui n’ont pas la conscience parfaitement tranquille. La généralité des entreprises ne se reconnaît qu’une seule responsabilité sociale (et elle est déjà suffisamment lourde à porter), celle de leur survie dans un environnement difficile et du maintien des emplois qu’elles ont créés.

Pour ces entreprises « normales », les motivations à collaborer avec une association font l’objet d’une liste très limitative :

Les débouchés commerciaux

Par débouchés commerciaux, j’entends non pas la possibilité de transformer l’association en client (la clientèle de l’association n’est souvent pas très motivante pour les entreprises, la plupart n’ont que peu d’argent à dépenser et préfèrent se débrouiller avec des bouts de ficelle), mais bien la multitude de prospects que représentent les adhérents des associations de membres.

Cet axe de collaboration est à mon avis le plus porteur, notamment pour les petites et moyennes associations qui s’adressent à des petites entreprises locales. L’exemple archétypal est celui du magasin de sports qui sponsorise un club sportif. A une autre échelle, un grand réseau bancaire avait ciblé les petites associations de proximité, proposant des partenariats qui consistaient pour l’association à prescrire à ses membres les services de la banque, en contrepartie de primes financières : succès plutôt mitigé.

Mais tout çà ne fonctionne que très rarement, pour plusieurs raisons dont deux principales.

La force de prescription de l’association est en général faible, notamment si les activités associatives et celles de l’entreprise sont sans lien apparent. L’adhérent de base se demande pourquoi il devrait faire ses courses dans tel magasin sous prétexte que celui-ci a versé un don à son association. Il faut dépasser la simple prescription et trouver des moyens de mettre en scène l’offre commerciale dans le contexte associatif sans que cela paraisse incongru.

C’est effectivement là où le bât blesse : les dirigeants associatifs ne joueraient pas complètement le jeu, éprouvant une certaine gène à faire rentrer les marchands du temple dans la bergerie associative. Présenter ou prescrire des produits et services marchands dans un cadre associatif suppose effectivement des dirigeants assez « décomplexés » et une entreprise mesurée dans son action « marketing ».

Gagner en visibilité

Il faut pour cela que la zone de chalandise et les cibles commerciales de l’entreprise correspondent avec la zone d’influence de l’association et son public. Lorsque le chef d’entreprise compte sur les doigts de la main les membres de l’association susceptibles de se transformer en clients, il finit par trouver que le jeu n’en vaut pas la chandelle.

L’intérêt d’associer la marque de l’entreprise aux actions de l’association est souvent surestimé par les dirigeants associatifs. Le retentissement des spectacles ou des manifestations organisées par la petite ou moyenne association est souvent limité. Comparé à un budget publicitaire bien géré, les sommes engagées dans le partenariat peuvent paraître disproportionnées.

Associer la marque de l’entreprise à des valeurs positives

Ce qui peut être intéressant pour Les restos du Coeur ou EDF est totalement inopérant dans le cas de votre petite (ou moyenne) association et la PME de proximité.

Sauf exception, il faut se rendre à l’évidence que votre association ne dispose que d’une notoriété très limitée. Au delà des personnes qui ont eu affaire avec elle, la marque de votre association n’évoque pas grand’chose pour le public. Par ailleurs, les petites et moyennes entreprises n’ont que très rarement une communication de « marque » ; ce qu’elles préfèrent en terme de marketing, c’est de mettre en avant leur offre de produits et de services et pas l’identité de l’entreprise.

Le climat social de l’entreprise

Effectivement, dans les grands groupes, le partenariat de l’entreprise avec des organismes associatifs peut être utilisé dans la gestion des ressources humaines, pour améliorer le climat social interne et sortir les salariés de la monotonie productiviste. Les salariés sont invités à participer au partenariat, à se lier aux chantiers associatifs.

Je reste dubitatif quant au caractère transposable de ce mécanisme à des petites entreprises. Si l’initiative vient de la direction, le partenariat sera vu comme une « danseuse » du dirigeant et on peut parier qu’une partie de l’effectif mettra toute son énergie à boycotter le dispositif. Si l’initiative vient des salariés, elle risque d’apparaître comme suspecte aux yeux de la direction, soucieuse de maintenir la productivité de ses troupes et d’éviter que les forces de l’entreprise se dispersent sur des chantiers extérieurs. Je pense que bon nombre de responsables voient déjà d’un œil suspicieux les engagements associatifs personnels de leurs salariés (j’en ai déjà parlé ici).

En dehors de ces motivations, il existe deux autres contextes favorables au partenariat :

Si le concept de RSE reste bien théorique pour la plupart des dirigeants d’entreprise, il existe des petites et moyennes entreprises dont le dirigeant est sensible aux impacts sociaux de son activité et cherche à les optimiser. Ce peut être en recrutant local, en organisant pour les salariés des conditions de travail les plus agréables possibles ou en privilégiant des filières d’approvisionnement de proximité, par exemple.

Avec ces dirigeants, il est possible de construire des partenariats à condition que ceux-ci y voient un sens. C’est aux associations de faire preuve alors d’imagination et de conviction pour proposer des collaborations qui ne se résument à l’échange d’un chèque contre l’apposition d’un logo sur les bulletins d’adhésion.

Autre cas de figure favorable : lorsque l’association compte dans ses troupes un dirigeant d’entreprise, motivé par le projet associatif et prêt à contribuer. Dans ce cas, il est souvent inutile de chercher à tout prix des contreparties de nature économique ou commerciale pour l’entreprise. La satisfaction d’aider son association, une distinction de nature symbolique (un statut de membre d’honneur ou la mention de l’aide en AG) suffisent en général à récompenser l’entreprise partenaire. Dans ce dernier cas, l’association sera particulièrement attentive au régime fiscal du partenariat de manière à ce que l’entreprise puisse -à défaut de contrepartie économique- valoriser son effort sur le plan fiscal.

Publié initialement le : 7 février 2012