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Précautions à propos de la nomination et de la révocation des dirigeants d’association loi 1901

ISBL consultants, qui suit de manière très précise la jurisprudence en droit des associations, publie une récente décision de la Cour de Cassation (Cass. Civ. 1ere, 5 mars 2009), rendue à propos de la révocation des dirigeants d’une association loi 1901.

Dans cette affaire, la Cour précise la manière dont les dirigeants peuvent être révoqués lors d’une assemblée générale, sur un incident de séance, et bien que cette révocation n’ait pas été inscrite à l’ordre du jour de ladite assemblée.

Nous expliquons dans notre guide pratique des associations (p.90) ce principe de la révocabilité ad nutum des dirigeants bénévoles et on lira également le commentaire de Colas Amblard à propos de cette procédure.

La révocabilité ad nutum, kesako ?

Le dirigeant bénévole étant un mandataire, son mandat peut être résilié à tout moment par le mandant, c’est l’application de la théorie générale du mandat. En principe, les dirigeants sont révoqués dans les mêmes conditions que leur nomination. Si les statuts prévoient que les dirigeants sont élus en AG, ils ne peuvent être révoqués qu’en AG, par un vote avec les mêmes conditions de quorum et de majorité que celles qui prévalent pour leur nomination. C’est le principe du parallélisme des formes.

Ce mécanisme se combine avec un autre principe du droit des associations : l’obligation d’inscrire à l’ordre du jour de l’AG toutes les décisions importantes qui y seront débattues. On sait en effet qu’une décision prise par une AG sans que les membres aient été informés du projet de résolution par l’ordre du jour, une telle décision est susceptible d’annulation par la juge.

Cette obligation de faire figurer à l’ordre du jour toutes les résolutions importantes qui seront soumises à l’AG connaît justement une exception : la révocation des dirigeants. Celle-ci peut intervenir sur un incident de séance, c’est-à-dire sans avoir été mentionnée dans l’ordre du jour. La notion d’incident de séance figure déjà dans la jurisprudence (voir par ex. Cass. Civ. 1e, 29 novembre 1994)

L’incident de séance, des faits graves empêchant le maintien des dirigeants à leur poste

L’intérêt de la décision de cassation mentionnée plus haut est de préciser la notion d’incident de séance en donnant une définition de ce qui justifie la révocation des dirigeants sans inscription préalable à l’ordre du jour.

Aux termes de la décision de la Cour de cassation, l’incident de séance doit résulter d’un « manque de confiance des membres dans leur président », notamment lorsque ce dernier est « suspecté de sacrifier l’intérêt de l’association », et que son attitude devient « un obstacle au fonctionnement de celle-ci ».

Le remplacement des dirigeants révoqués sur incident de séance, une situation délicate

La décision de la Cour de Cassation mentionnée plus haut pose une situation juridique assez inextricable. La Cour valide la révocation des dirigeants au motif que l’incident de séance était justifié mais elle annule la nomination de nouveaux dirigeants, au motif que cette élection n’était pas inscrite à l’ordre du jour.

Une AG ayant révoqué ses dirigeants sur incident de séance n’est donc pas compétente pour les remplacer immédiatement, à moins que ce remplacement (qui par hypothèse n’était pas prévu) figure à l’ordre du jour de l’assemblée. Plutôt délicat comme situation… Mais parfaitement logique dans l’optique de la Cour qui consiste à protéger le droit des membres d’être informé de ce qui va se discuter en AG pour exercer leur droit de vote.

Comment procéder dans la pratique ?

En conclusion de sa note, Colas suggère de renforcer les conditions de révocation des dirigeants en prévoyant une majorité qualifiée, par exemple deux tiers des membres.  Cela conduit à rendre plus difficile la révocation des dirigeants. Si cette disposition statutaire diminue effectivement la probabilité de révocation des dirigeants, la solution ne me paraît pour autant pas satisfaisante puisqu’elle ne résout par pour autant le problème mentionné plus haut : comment remplacer les dirigeants révoqués sur incident de séance ?

Je suggère une solution, également bancale, mais qui peut répondre à certaines situations.

L’assemblée générale ayant connu l’incident de séance pourrait prendre une résolution prévoyant la convocation d’une nouvelle AG afin d’élire de nouveaux dirigeants. Evidemment, cette résolution n’étant pas inscrite à l’ordre du jour, elle pourrait être attaquée. Pourtant je vois mal un juge l’annuler puisque qu’elle a justement pour but de mettre les adhérents en situation d’exercer leurs droits.

Dans l’intervalle, le dirigeant révoqué sera maintenu en fonctions, à charge pour lui de convoquer une nouvelle AG qui pourvoira à son remplacement. Si les soupçons contre le dirigeant destitué sont tels qu’il est impensable de le maintenir en fonction, on peut également prévoir que les dirigeants restant en poste (le cas échéant) assurent l’interim et la convocation de l’AG qui pourvoira au remplacement.

Bon, je sais, c’est du « bricolage juridique », mais je vois mal comment faire autrement.
Article Publié le 1 mai 2009