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Comment contraindre les dirigeants de l’association à convoquer l’assemblée générale ?

Dans un précédent billet nous évoquions ces contextes où les dirigeants s’abstiennent de convoquer l’assemblée des membres, en violation flagrante des statuts.

Face aux abus de pouvoirs, les bénévoles et autres parties prenantes de l’association ne sont pas dépourvues de recours. Nous avons évoqué dans ces colonnes l’action en référé qui permet au juge d’ordonner la convocation et la tenue d’une assemblée générale, quand les dirigeants s’avèrent négligents ou de mauvaise foi.

Quelles conditions pour obtenir un référé ?

La procédure de référé est relativement rapide et elle ne requiert pas de ministère d’avocat. Avec un peu d’organisation et de bon sens, il est donc possible de saisir soi-même la justice et d’aller défendre sa cause.

La procédure de référé ne juge que de l’urgence ou de l’incontestable. Si on utilise cette voie, c’est qu’on estime ne pas avoir besoin de s’encombrer d’une procédure longue et inutile tant la solution « saute aux yeux ».

Le juge des référés peut être saisit sur plusieurs fondements. L’article 808 du Code de Procédure Civile (CPC) lui permet ainsi de prendre toutes les mesures nécessaires en cas d’urgence (1) et d’absence de contestation sérieuse de la mesure demandée (2). L’article 809 CPC lui permet au juge d’agir en cas de trouble manifestement illicite.

Votre argumentaire se devra donc de faire particulièrement ressortir ces deux éléments, au risque pour vous de voir le dossier renvoyé (par le système de la passerelle) vers la procédure traditionnelle, plus longue et nécessitant le recours à un avocat.

Prouver votre intérêt à agir

En France, on ne peut agir en justice que si l’on dispose de la qualité à agir et d’un intérêt à agir.

Si vous êtes une personne physique, il vous suffira d’être adulte (ou mineur émancipé) et sain d’esprit (ce qui est toujours présumé). Dans les autres cas, vous devez passer par votre représentant légal (parents, curateur, tuteur,…) qui peut faire ces actes à votre place.

L’intérêt à agir des personnes saisissant la justice est requis pour éviter que l’institution judiciaire soit confisquée par des plaideurs professionnels. Prouver votre intérêt à agir consiste ni plus ni moins qu’à apporter la preuve que la situation vous touche personnellement et que vos intérêts personnels légitimes sont en cause.

Ainsi l’intérêt à agir nécessite que le préjudice que vous invoquez soit légitime par rapport à votre statut. Deuxièmement, votre intérêt doit être né et actuel, c’est à dire qu’il ne doit pas être futur, hypothétique, douteux. Enfin votre intérêt doit être personnel et direct dans le sens où vous ne pouvez pas vous faire le procureur de quelqu’un d’autre, l’intérêt doit vous concerner au premier chef.

En bref, dans le milieu associatif il faudra au moins prouver que vous êtes membre de l’association ou bien dirigeant et que vous avez un intérêt personnel à ce que les dispositions relatives à l’assemblée générale soient respectées.

Prouver l’urgence

Cette procédure de référé de l’article 808 CPC n’est recevable devant le juge que si la situation de votre association est caractérisée par une certaine urgence. En d’autres termes, il doit y avoir « péril en la demeure ».

En droit, l’urgence est définie comme le « caractère d’un état de fait susceptible d’entraîner un préjudice irréparable s’il n’y est porté remède à bref délai ». On peut encore définit « l’urgence » par le fait « qu’un retard dans la décision [judiciaire] conduirait à un préjudice irrémédiable (Civ. 3e, 20 oct. 1976) ou à la paralysie d’organes de gestion (Com. 17 oct. 1989) ».

C’est une notion appréciée par le juge au cas par cas et il est difficile d’indiquer des cas où le juge statuera sur l’urgence à coup sûr. Un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite semblent être la marque de l’urgence mais cela reste de l’appréciation souveraine du juge.

Ainsi le juge prendra en compte de nombreux paramètres pour évaluer la gravité de la situation et les enjeux (manque à gagner financier, niveau des charges fixes, présence de salariés, mission d’intérêt général, etc). Ces risques devront être suffisamment réels et imminents pour justifier le caractère urgent de la procédure.

Prouver l’absence de contestation sérieuse

Toujours sur le fondement de l’article 808 CPC, prouver une urgence ne suffit pas. Il faut aussi que votre demande de convocation de l’AG ne se heurte à aucune contestation sérieuse (auquel cas, il faudrait passer par la procédure au fond !).

Au sens judiciaire, il y a absence de contestation sérieuse dés lors que l’évidence s’impose au juge sur le point contesté. Cette notion dépend largement de la réaction de votre adversaire dans le sens où s’il conteste au moyen d’arguments de défense clairs et précis votre argumentation alors le juge, ayant un doute quelconque, renverra la procédure par la voie traditionnelle. Lorsque les statuts prévoient une assemblée annuelle devant se tenir à date fixe et que cette date est largement dépassée, il sera difficile de contester sérieusement que l’association ne remplit pas ses obligations.

Mais le juge n’acceptera jamais de se prononcer sur le fond ; il ne doit pas être amené à se prononcer sur la validité du procès-verbal de la dernière Assemblée Générale ou le tort fait à l’association par la carence des dirigeants, cela serait en dehors de son pouvoir.

Bien évidement, si les arguments de votre adversaire paraissent manifestement voués à l’échec (par exemple une demande irréaliste ou des allégations sans preuves ou contre l’évidence des preuves de votre dossier), le juge pourra les écarter et considérer qu’il n’y a pas de contestation sérieuse. Un simple moyen de défense de votre adversaire n’est donc, à lui seul, pas suffisant pour soulever une contestation sérieuse.

Le fondement juridique de l’article 809 CPC

Dans certains cas, il peut être plus intéressant de fonder votre argumentaire sur le fondement de l’article 809 CPC et non 808 CPC. Dans ce cas, vous devez convaincre le juge que l’absence de convocation de l’Assemblée Générale cause un trouble manifestement illicite.

Un trouble, c’est à dire un préjudice, est un dommage quelconque (non renouvellement de subvention, impossibilité de gérer l’association,…) qui peut être futur mais il faut qu’il ne soit pas hypothétique (« on risque de… », « il y a des chances que… »). Il faut privilégier les troubles comme l’absence de rapport de gestion pour une association bénéficiant de fonds publics, le nom-remplacement de dirigeants dont le mandat est échu, par exemple, qui sont susceptibles de bloquer le fonctionnement des organes.

Ce trouble doit par ailleurs être illicite ce qui nécessite la preuve d’une violation caractérisée des statuts ou du règlement intérieur ou de toute autre lois ou règlements en vigueur. La plupart du temps cet élément doit « sauter aux yeux ».

Publié initialement le : 20 juin 2011