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Associations partenaires des pouvoirs publics, on vous ment !

Dans de nombreux secteurs investis par les associations loi 1901, le climat est à l’anxiété : éducation populaire, politique de la ville, accès aux droits, culture mais aussi aide d’urgence, action sociale ou santé. Pourtant cela fait des années que les associations partenaires des pouvoirs publics voient se contracter leurs subventions.

Aujourd’hui les associations professionnalisées subissent les effets de la rigueur économique de plein fouet et se préparent à affronter la prochaine crise des finances publiques locales. Dans ce contexte dramatique, le seul message qui circule est une vaine exhortation à réinventer le modèle économique, pour trouver d’autres sources de financement. Personne n’accepte de tirer les conclusions d’un diagnostic sans appel (pas même Alternative Economiques dont le tableau de l’action publique est pourtant éloquent).

Navrant…

L’heure des choix cruciaux est arrivée

On continue à nous servir le débat stérile sur les fonds propres des associations et comment inventer d’autres « modèles » pour diversifier leurs revenus. On essaye de faire croire (par exemple ici à la CPCA) à toutes ces associations qui ont toujours vécu sur les budgets publics quil existe une autre manière de faire (à elles de découvrir laquelle) et qu’une martingale des fonds propres ou d’ailleurs leur permettra de passer le cap difficile et s’affranchir de leur dépendance à l’aide publique. On entend même dire que les associations sont un outil de sortie de crise (à moins que ce ne soit l’ESS !). Soyons un instant réaliste, s’il-vous-plait.

[quote author= » »]On ment aux associations loi 1901 de la même manière qu’on ment à toutes les catégories de la population, retraités, salariés du public et du privé, classe moyenne, épargnants, en leur cachant l’ampleur du changement qui se profile.[/quote]

Il faut accepter de considérer que la situation économique de notre pays est très précaire et que dans les mois qui vont suivre, la France pourrait à son tour être victime de la crise des dettes souveraines, l’Etat risquer de voir ses possibilités de refinancement mises sous contrainte. Un scenario à l’espagnole ou à l’italienne se déroulerait alors dans notre pays, avec une forte poussée du chômage, la mise hors service des principaux stabilisateurs sociaux et la réduction autoritaire des revenus de substitution (retraites, pensions, assurances sociales diverses).

Après avoir atteint les limites de la tolérance fiscale de la population, nos gouvernants n’auraient d’autres solutions que d’appliquer des coupes sombres dans de nombreux domaines où l’intervention publique n’est pas strictement nécessaire, d’abord et prioritairement en limitant drastiquement ce qu’il est convenu d’appeler les dépenses d’intervention.

Or il faut se souvenir que la survie de bon nombre de nos associations gestionnaires est exclusivement liée à la disponibilité de ces dépenses publiques d’intervention. Ces associations sont de purs produits de l’Etat-providence ; elles dispensent une utilité sociale qui n’est pas contestée et qui apparait indispensable au confort de la population, mais la valeur ajoutée de ces structures réside exclusivement dans la dépense publique qui la rend possible.

Pour fonctionner, l’immense majorité de ces associations gestionnaires est professionnalisée et consacre l’essentiel des subventions qu’elle touche de l’Etat et des collectivités locales à rémunérer la vaste fonction para-publique de ses salariés. Ces associations sont donc cruellement fragilisées par l’origine exclusivement publique de leurs ressources financières.

L’inéluctable réduction du périmètre public

Les associations dont la mission n’est pas indispensable à la population vont subir à brève échéance le désengagement brutal et massif de l’ensemble des acteurs publics. Dans un contexte de paupérisation globale et de délitement des solidarités, l’insolvabilité et le désintérêt des publics priveront ces associations de toute solution alternative.

Parce que le service qu’elles rendent à la communauté n’a de place que dans une société riche et capable de s’offrir plus que l’essentiel, il n’existe pour ces associations aucune alternative au modèle de financement public.

Quand on commencera à plafonner les retraites, réduire le salaire des fonctionnaires et que les médicaments manqueront dans les hôpitaux, pourra-t-on continuer à dépenser chaque année des centaines de milliers d’euros d’argent public pour tester les discriminations à l’entrée des boites de nuit ? Je ne le pense pas.

On peut craindre d’assister dans les prochaines années de la part de l’Etat et des collectivités locales à un désengagement massif  de toutes les missions qui ne sont pas indispensables à la population. L’Etat se recentrera sur ses fonctions régaliennes et les collectivités locales verront certainement leurs finances mises sous tutelle. Le recentrage sur les métiers fondamentaux de la puissance publique (police, santé) touchera en premier lieu les dépenses d’intervention, qui ne sont pas directement liées à la survie des services publics.

L’heure de choix cruciaux est arrivée.  Privé de possibilité de refinancement, sollicité par ses risques bancaires pour des montants toujours plus importants, le secteur public va subir des contraintes budgétaires dans des proportions inouïes jusqu’à présent. L’Etat-providence qui nous a bercé de son confort illusoire depuis 40 ans est en train de s’écrouler et bon nombre des structures de la loi de 1901 sont être assurées d’être aux premières loges.

Toutes les associations fonctionnant sur des ressources publiques et occupées à l’aide et au confort des personnes, très nombreuses parmi les associations dites « gestionnaires », seront en première ligne quand surviendra le tsunami de la réduction du périmètre public.

En première ligne dans l’effondrement de l’Etat-providence

Ce séisme me parait personnellement inévitable et la recherche d’un modèle économique alternatif n’a plus de sens. Pour ces associations gestionnaires occupées à des missions non indispensables, il n’existe pas de modèle alternatif à celui du financement public, soit parce que la demande est insolvable, soit surtout parce qu’elle est artificiellement créée par les pouvoirs publics eux-mêmes (accompagnement, prévention, cohésion sociale, accès aux droits…).

Quand votre association est chargée d’organiser l’accès au planning familial dans des quartiers défavorisés, quel modèle économique alternatif peut bien permettre de payer les deux assistantes sociales qui tiennent la permanence,  autrement qu’avec des fonds publics ?

La plupart de ces associations sont donc tout simplement condamnées à disparaître à brève échéance.

Pour les associations faisant appel à la générosité du public, les perspectives ne sont pas plus brillantes. Un récent rapport monte que la générosité des Français reste malgré tout tributaire des perspectives économiques globales et de l’avantage fiscal. Dans une perspective de paupérisation brutale d’une frange importante de la population, le modèle de l’appel à la générosité du public paraît d’autant plus fragile, qu’il est porté par un avantage fiscal exorbitant (article 200 du CGI), une niche de plus d’un milliard, qui ne manquera pas d’être remise en question.

Dans ce contexte d’extrême austérité économique, peu de structures parviendront à survivre. Celles dont la mission paraît indispensable feront l’objet d’une étatisation sommaire ; les autres disparaitront privées de ressources ou écrasées par les exigences insupportables d’un Etat  aux abois, réduit à son seul rôle de comptable des rares deniers publics.

Un avenir sombre pour les associations gestionnaires

Nous allons assister à une forte mortalité parmi les associations gestionnaires. J’estime que sur environ 100.000 associations gestionnaires (hors secteur médico-social), on peut s’attendre à ce que la moitié disparaisse à une échéance de 3 ans. Je laisse aux spécialistes le soin de calculer l’impact de cette lame de fond sur l’emploi associatif mais il doit s’agit de centaines de milliers d’emploi.

Qui seront les survivants ? Il s’agira de l’essentiel du secteur médico-social ainsi que quelques structures les plus viables dans le domaine de l’aide d’urgence et de l’action sociale, qui feront l’objet d’une étatisation plus ou moins autoritaire et reviendront dans le périmètre public de la santé et de la cohésion sociale.

Dans ce recroquevillement brutal de la puissance publique sur ses fonctions vitales, il n’y aura de la place pour quelques réseaux privés, -sous-traitants de l’Etat triés sur le volet-, des organisations fortement structurées, organisées à l’échelle régionale et disposant à la fois d’expertise et de ressources pour agir dans  la prise en charge des exclus qui seront toujours plus nombreux à frapper aux portes de notre société défaillante (sur le modèle du groupe SOS par exemple).

… à moins d’un réveil citoyen

Pourtant je veux croire à la possibilité d’une alternative à ce bien triste tableau : il pourrait s’agir d’une sorte de « réveil citoyen ». On pourrait envisager que les populations se mobilisent pour se réapproprier les services de proximité et les structures véritablement productrices d’utilité colelctive.

En adoptant une démarche « bottom-up » fondée sur le bénévolat et l’engagement individuel de citoyens, le modèle économique de certaines associations d’intérêt général pourrait être sorti des logiques de salariat et de marchandisation du service rendu.

900.000 petites associations de proximité sont d’ores et déjà pilotées par l’essentiel des 14 millions de personnes en France qui revendiquent des fonctions bénévoles. Ce formidable réseau de citoyens engagés au service de la collectivité dispose d’une réelle capacité à accompagner la transformation inéluctable de notre société.

On peut envisager que certaines organisations reprises en main par les citoyens parviennent à s’auto-organiser à l’échelle locale et à survivre en dehors du périmètre public, recomposant une infrastructure de proximité sur la base d’un volontariat solidaire.