Association1901.fr

Faire face à la baisse des financements publics aux associations (3) : accompagner le désengagement

La baisse des subventions publiques au secteur associatif est un mouvement inéluctable. Ce désengagement des pouvoirs publics répond à plusieurs logiques : la contrainte budgétaire qui pèse fortement sur l’Etat et les collectivités locales, la règlementation européenne qui se prête mal à la technique de la subvention et enfin un nécessaire effort de rationalisation des interventions publiques qui trop souvent conduisaient à distribuer des rentes à des structures qui ne contribuent pas réellement à l’intérêt général.

Dans deux précédents articles, nous avons décrit ce mouvement (Faire face (sérieusement) à la baisse des financements publics du secteur associatif – 1 : sortir du déni) et suggéré que les subventions, plus rares, soient désormais réservées à des associations qui présentent les meilleures garanties de sérieux et d’efficacité (Faire face à la baisse des financements publics aux associations (2) : réserver les subventions aux associations exemplaires). Aujourd’hui, nous nous adressons aux dispensateurs de subventions pour les exhorter à accompagner les associations qui voient leurs ressources diminuer et limiter ainsi les multiples préjudices qui sont liés au désengagement des bailleurs de fonds.

Une indispensable transparence

Certes il est de notoriété publique que partout les crédits vont baisser. La presse « grand-public » et les supports plus spécialisés sont font chaque jour l’écho de la contrainte budgétaire et de ses multiples conséquences sur le fonctionnement des pouvoirs publics en général et le secteur associatif en particulier. Les dirigeants associatifs sont donc censés savoir que la danger guette leurs structures. Pourtant dans les faits, quelques uns continuent à faire l’autruche, d’autres pensent qu’EUX échapperont à la lame de fond par un miracle inexplicable, d’autres enfin sont incapables de se représenter la situation tant qu’ils n’ont pas vu concrètement le montant de leurs subventions en diminution.

Par ailleurs, dans les services dispensateurs de subventions, on adopte quelques fois un profil bas, on se garde bien d’évoquer les sombres perspectives. Gêne vis-à-vis du partenaire, crainte que l’information déclenche des réactions incontrôlables : il existe de nombreuses bonnes raisons de taire la réalité des faits. Dans certains cas, cette abstention est criminelle, car bon nombre de structures seraient en état de supporter sans dégâts majeurs une réduction de leur subvention, à condition toutefois qu’elles puissent s’y préparer correctement et anticiper la baisse de leurs revenus.

Identifier les structures fragiles

L’application homothétique d’un coefficient de réduction à toutes les associations partenaires d’un même service est simple à pratiquer et paraît juste. Toutefois, il faut bien se garder d’un tel système : face à la baisse de leur subvention, toutes les structures ne sont pas égales. Certaines pourraient supporter sans dommage une baisse plus importante, d’autres vont immédiatement être mises en péril par la contraction -même minime- de leur budget.

Les bailleurs de fonds doivent donc identifier les structures les plus fragiles -éventuellement pour atténuer la réduction de leur subvention- mais surtout pour se donner les moyens d’accompagner ces structures tout au long du désengagement (voir plus bas).

Point n’est besoin d’être expert en analyse financière pour identifier les structures qui n’ont pas la capacité à résister à une baisse de leur subvention. Quelques critères simples peuvent être mis en place : monofinancement, structure financière déséquilibrée, difficultés récurrentes à équilibrer le budget, association fonctionnant à leur point mort d’exploitation, absence d’alternatives pour compenser la baisse des recettes publiques, etc

La volonté politique d’accompagner le désengagement

Dans les services, la tache des fonctionnaires consiste en général à négocier le partenariat avec l’association en définissant les modalités du soutien financier accordé par le bailleur de fonds, bref à instruire la demande de subvention sur la base du dossier CERFA, -cela, et rien de plus. La démarche consistant à dire « votre subvention va baisser, nous savons que cela va être difficile et nous voulons vous aider à surmonter au mieux ce cap » n’est pas forcément une démarche naturelle pour les fonctionnaires instructeurs. Dans certains cas, elle dépasse même leurs prérogatives.

Pour cette raison, l’accompagnement des structures subissant le désengagement doit résulter d’une volonté politique et/ou d’instructions claires de la hiérarchie. Les élus en collectivités locales, les chefs de service et directeurs de cabinet en Ministères et administrations déconcentrées doivent initier cette démarche et l’encadrer selon les spécificités de leur secteur et la pratique de leurs services.

Planifier le désengagement

Dans bon nombre de situations où le désengagement des bailleurs de fonds met en péril l’existence de la structure, ce qui est en cause, ce n’est pas la baisse des revenus par elle-même, c’est sa soudaineté. La responsabilité en incombe souvent aux dirigeants qui ont refusé de voir la réalité, mais si les bailleurs de fonds faisaient preuve de transparence suffisamment tôt dans le processus de désengagement, quelques catastrophes pourraient certainement être évitées.

Là aussi la solution est simple (en théorie au moins) : il s’agit de se placer sur un horizon pluri-annuel. En planifiant la diminution de la subvention sur plusieurs exercices, en anticipant l’annonce de la réduction des crédits -par exemple- au moment du dépôt de la demande de subvention, on allonge l’horizon des gestionnaires et on leur permet d’initier en interne les actions correctrices nécessaires pour faire face à la baisse des recettes. Plus cette question est intégrée en amont dans la stratégie de l’organisme, meilleures sont ses chances d’y faire face dans de bonnes conditions. Il s’agit certes d’une évidence mais elle vaut la peine d’être rappelée.

Informer sur les solutions d’accompagnement

Il existe de nombreux organismes et dispositifs dont la vocation est d’accompagner les structures en difficultés et celles qui se préparent à en affronter. Certains de ces dispositifs sont tout à fait opérationnels et utiles. Mon excellent confrère Loi1901 en a fait récemment le recensement. Informer les partenaires de l’existence de ces dispositifs est le moins que l’on puisse faire.

Préserver le capital associatif

Voilà un dernier aspect qu’il ne faut évoquer qu’avec certaines précautions. Dans certaines situations, la survie de la structure paraît à l’évidence sérieusement compromise. L’objectif est alors de limiter « la casse » et d’éviter que se gaspille le capital associatif (J’ai développé ce concept de capital associatif ici), accumulé pendant tant d’année et souvent financé par les fonds publics. C’est le cas par exemple pour des associations qui ont reçu des financements pour développer des outils (site web, ouvrages, documentations) ou mettre en place  des dispositifs spécifiques dont elles seules ont la maîtrise. Les associations qui ont su mobiliser une base plus ou moins large de bénévoles pour contribuer à des missions d’intérêt général disposent aussi d’un important capital associatif qui disparaîtra avec elles.

La faillite de la structure entrainerait la perte de ce capital associatif et le gaspillage irrémédiable des ressources (y compris les subventions) qui ont été mobilisées pour le constituer. Chaque fois que le capital associatif a été constitué sur des fonds publics et que sa nécessaire reconstitution entrainera à nouveau des dépenses, on peut considérer qu’il est de la responsabilité des bailleurs de fonds de travailler à la préservation de ce capital, au delà du sort malheureux de la structure qui l’a porté.

Publié le : 7 octobre 2013