Association1901.fr

Le Fonds Social Européen ( #FSE), serial killer de l’ESS française ?

Selon le secteur d’activités dans lequel se trouve votre association, vous êtes un familier du Fonds Social Européen ou pas. Pour toutes les associations partenaires des pouvoirs publics dans le domaine de l’inclusion sociale, de l’accès à la l’emploi ou de la formation des adultes, la manne de l’Europe est devenue incontournable comme source de financement.

Une enveloppe de 6 milliards

Selon les sources officielles, le Fonds Social Européen (FSE) est l’un des 51 fonds structurels de la politique européenne de cohésion économique, sociale et territoriale dont les objectifs visent à réduire les écarts de développement existants entre les 274 régions de l’UE et à promouvoir une croissance durable, intelligente et inclusive dans ces territoires, conformément aux objectifs de la Stratégie Europe 2020.

L’objectif premier du FSE est de soutenir la création d’emplois de meilleure qualité dans l’UE et d’améliorer les perspectives professionnelles des citoyens (jeunes, demandeurs d’emploi, inactifs, handicapés, salariés étudiants etc.), prioritairement en direction des groupes les moins qualifiés et les plus exposés au chômage et à l’exclusion.

Plus spécifiquement en France, sur 2014-2020, le FSE est doté d’une enveloppe de 6 milliards d’€, mobilisée autour de 4 objectifs thématiques :

Un mécanisme de financement à la gestion byzantine

Comme les autres Fonds structurels, le FSE n’intervient jamais seul pour soutenir un projet, mais toujours en cofinancement d’autres financeurs publics et/ou privés (Etat, collectivités locales, chambres consulaires, entreprises, etc.). Ce principe se traduit par l’obligation, pour les porteurs de projet, de trouver au préalable des financements auprès de leurs partenaires ou sur leur trésorerie propre. Le niveau de cofinancement du FSE à un projet est variable d’une région à l’autre et dépend de sa richesse relative. Dans les régions plus développées, la part des fonds FSE dans le cofinancement des projets est limitée à 50 % du coût total du projets.

Sur 2014-2020, la France a fait le choix d’une nouvelle architecture de gestion du FSE, qui se caractérise par une décentralisation partielle de la gestion du FSE aux Régions. Les Conseils régionaux gèrent ainsi 35 % de l’enveloppe nationale du FSE au titre, en particulier, de la formation professionnelle, de l’apprentissage et de l’orientation, et l’Etat les 65 % restants, au titre principalement de la lutte contre la pauvreté, de l’accès à l’emploi et de la formation des travailleurs.

Dans les faits, les procédures d’instruction des dossiers et de mise en paiement des subventions sont d’un formalisme extrême ; ce formalisme doit être respecté à la lettre, sous peine de refus de remboursement des dépenses. De nombreuses associations voient leurs justificatifs remis en cause ou rejetés, aboutissant à une diminution plus ou moins sévère de la subvention promise.

Une fois les projets conduits et les justificatifs fournis, les délais de versement des fonds sont particulièrement longs ; certaines associations attendent plus de deux ans avant d’obtenir les sommes dues.

Des conséquences financières dévastatrices

Dans les secteurs d’activité concernés par le FSE, il n’est pas rare de voir certaines structures dont le budget est abondé à hauteur de 30-40% par les fonds européens, l’Etat et les collectivités locales ayant largement profité des programmes FSE pour se désengager du financement des associations œuvrant dans le domaine de l’inclusion et de l’accès à l’emploi.

Ces associations tributaires du FSE supportent souvent une double peine : des tensions de trésorerie importantes liées au délais de règlement de la subvention et un aléa significatif sur le montant obtenu in fine.

Imaginons une association au budget de 300 k€ dont un tiers des ressources provient du FSE.  Avec un délai de règlement à 20 mois, le besoin de financement atteindra : 300 x 33% /12 *20, soit 165.000 euros : plus de 6 mois de budget !

De plus, si l’association joue de malchance, elle subira pour des raisons obscures une réfaction plus ou moins importante sur le montant effectivement versé, qui peut la priver de 5, voire 10% des recettes attendues. Cette perte exceptionnelle constatée ex post ne pourra être refinancée auprès d’autres partenaires ; elle viendra donc directement grever les fonds propres de la structure.

La destruction programmée de pans entiers de l’ESS

Les nombreuses associations concernées dans le domaine de la lutte contre la pauvreté, l’aide et l’hébergement d’urgence, l’insertion par l’activité économique, les acteurs privés du Service Public de L’Emploi avaient déjà eu à subir le désengagement des pouvoirs publics, celui historique de l’Etat d’abord, puis plus récemment, les collectivités territoriales.

C’est maintenant le boulet du FSE qui vient donner le coup de grâce à toutes ces structures, souvent mal capitalisées et accédant difficilement au crédit bancaire.

Soit dit en passant, il faut constater que les choses sont décidément très mal faites. Pendant que la bureaucratie étrangle nos associations pour quelques centaines de milliers d’euros de fonds européens, la Banque Centrale Européenne consacre chaque mois 30 milliards d’euros à racheter aux banques et aux marchés des actifs financiers…

Quelques conseils pratiques

Si vous êtes dirigeant associatif et que votre structure envisage de s’engager dans un projet FSE, réfléchissez-y à deux fois. Examinez la situation avec votre expert comptable/commissaire aux comptes et assurez-vous que la structure financière de votre association est suffisamment robuste pour supporter ce besoin de financement ainsi que l’aléa sur le montant reçu. Au besoin, consultez également votre banquier pour évaluer d’éventuelles marges de manœuvre de son côté. De toutes manières, limitez la taille du projet FSE à une petite partie du budget global de votre association et dimensionnez-le de manière à pouvoir en assurer à la fois la trésorerie et l’essentiel de l’autofinancement

Si votre association ne dispose pas de solides moyens administratifs et comptables ou si sa structure financière n’est pas parfaitement assise, passez votre chemin et cherchez les ressources de votre association ailleurs que dans les fonds européens.

Si vous êtes dirigeant d’une association bénéficiaire de fonds FSE (et même si pour l’instant, tout semble bien se passer), faites bruler un cierge rapprochez-vous également de votre expert-comptable et de votre banquier pour anticiper les conséquences d’un très probable besoin de financement lié aux créances FSE. Provisionnez éventuellement un risque de non-recouvrement d’une fraction des sommes attendues.

Si vous êtes dispensateur de subventions, co-financeur de projets FSE, essayez de faire prévaloir une vision réaliste et prudente du budget de la structure ou du projet, en intégrant la charge et les risques du financement européen.