Association1901.fr

Patrimoines associatifs en déshérence : haro sur les magots cachés

Il existe en France un certain nombre d’associations en sommeil, qui ont cessé toute activité sans pour autant publier officiellement leur dissolution. La loi de 1901 n’impose pas à l’association de déclarer sa cessation d’activité. Dans certains cas, il s’agit d’associations importantes dont les activités passées les ont amené à détenir un certain patrimoine et/ou à accumuler quelques réserves financières.

Le magot caché des associations en sommeil, fantasme ou réalité ?

Bon nombre des associations en sommeil sont de petites structures qui n’ont jamais connu de développements significatifs du projet associatif ; il survit de l’association quelques lignes dans un registre en Préfecture, éventuellement quelques euros sur le compte bancaire toujours ouvert au nom de l’association.

Pourtant, quelques fois, le patrimoine de l’association en sommeil n’est pas nul, il est quelques fois suffisamment consistant (immeubles, titres, contrat de capitalisation) que cela attire l’attention et soulève des questions (voire suscite des convoitises).

Je peux témoigner que ces « cagnottes » en déshérence existent ; on les identifie par un exemple dans le contexte bancaire : compte sans mouvement avec un solde créditeur important, plus d’interlocuteurs identifiés.  Les élus et les fonctionnaires territoriaux sont également en situation de détecter les structures dotées de patrimoine qui ne sont plus au service de l’intérêt général.

Je ne cacherai pas qu’il m’est souvent arrivé d’être interrogé -en tant que juriste- à propos des moyens légaux pour mettre discrètement la main sur le magot (mais ne comptez pas sur moi pour vous dire qui).

Comme une envie de réquisitionner ces patrimoines en déshérence

C’est la question que posait Mme Muriel Marland-Militello (qui semble disposer d’un quasi-monopole sur la question parlementaire orientée « associatif ») au Ministre des Sport et de la Vie associative :

Dans le cas où cette association n’a pas décidé de la dévolution de son patrimoine, lorsqu’elle était encore en situation de fonctionner, on peut supposer que son patrimoine se trouve alors en déshérence. Aussi […] , quelles procédures existent […] pour permettre au monde associatif de bénéficier de ce patrimoine à l’abandon.

Je reconnais qu’en ces temps de grande disette, il n’est pas totalement incongru de poser la question ; voici la réponse du Ministre.

Réponse ministérielle publiée au JO le 05/10/2010.

Une association n’est pas, en principe, tenue de rendre publique sa dissolution, mais elle peut le faire volontairement aux services préfectoraux à la suite de la décision prise en assemblée générale.

[…]

En dehors de la dissolution volontaire, il n’existe pas à ce jour de procédure de dissolution d’office des associations qui ont cessé toute activité.

En dehors de ces cas, seule une dissolution judiciaire prononcée par le tribunal de grande instance du siège de l’association, est possible, à la requête du ministère public ou de tout intéressé qui a un intérêt légitime.

Elle peut être mise en œuvre en cas d’objet illicite ou en application de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, pour non-respect des dispositions de l’article 5 concernant les formalités de déclaration initiale et de déclaration des modifications des statuts et des changements dans l’administration de l’association.

Conformément à la jurisprudence, elle peut également intervenir pour « justes motifs » en cas d’inexécution de leurs obligations par les membres de l’association ou de mésentente grave entre eux, paralysant le fonctionnement de l’association (transposition de la règle du droit des sociétés prévue par l’article 1844-7-5 du code civil).

Une fois cette dissolution judiciaire obtenue, la dévolution du patrimoine peut être réglée soit par des dispositions spécifiques réglementaires comme celle prévue pour les associations dissoutes en application de la loi du 10 janvier 1936 précitée, soit par les statuts, soit par l’assemblée générale de l’association.

La dissolution judiciaire, seule voie légale

Saisi par le Ministère Public ou toute personne ayant un intérêt à agir, le tribunal de grande instance peut dans certaines circonstances prononcer la dissolution judiciaire de l’association et confier à un curateur le soin de liquider la structure.

A quelles conditions l’action en dissolution sera recevable ?

Pour être recevable l’action en justice doit être introduite par une personne ayant un « intérêt légitime » à agir, c’est-à-dire direct et personnel .  C’est en général le cas pour les dirigeants et les membres de la structure. Par ailleurs, il faudra établir clairement que le fonctionnement de l’association pose problème.

Ce n’est pas difficile quand on peut prouver que l’objet de l’association est illicite ou si l’association s’est rendue coupable d’infractions pénales.  Il existe également un motif de dissolution lié au non-respect des obligations de l’article 5 de la loi de 1901 à propos des formalités obligatoires.

Une dissolution facultative

La loi de 1901 (article 7, alinéa 2) laisse la dissolution à l’initiative du juge ; elle est facultative et dans certains cas bien documentés en jurisprudence, l’association peut régulariser sa situation pour éviter la sanction.

La jurisprudence  encadre étroitement les marges de manœuvre du juge face à une demande de dissolution judiciaire et censure les dissolution prononcées à la légère (par ex. CA Paris 17-2-94, cité par F.Lefebvre).

Une voie plus étroite, la dissolution pour « justes motifs »

Transposée du droit des sociétés, la dissolution pour justes motifs des associations loi 1901 a été validée par la Cour de Cassation (Cass. civ. 13-3-2007).  L’action est alors réservée aux membres lorsque l’association a cessé l’activité constituant son objet ou que l’on constate l’inexécution par les membre de leurs obligations.

Liquidation et dévolution de l’actif net

Doté par le juge des plus larges pouvoirs pour liquider l’association (c’est-à-dire payer les dettes et réaliser les éléments de patrimoine), le curateur n’a pas la faculté de décider de la dévolution du produit de la liquidation. C’est à la collectivité des membres que cette décision revient ou au juge en cas de défaillance de celle-ci. Dans ce dernier cas, il y a fort à parier que c’est l’Etat qui empochera le bonus .