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Actions en justice des associations loi 1901 : conditions de recevabilité

Il aura fallu pour me tirer de mon long silence estival que mon excellent confrère Loi1901 signale une décision de la Cour d’Appel de Grenoble du 23 avril 2012, déboutant une association de son action en justice au motif « qu’aucun des 14 articles des statuts de l’association ne prévoit l’autorisation d’agir en justice ».

Loi1901 voit dans cette décision une nouvelle jurisprudence entourant de conditions plus restrictives l’accès des associations aux tribunaux et un commentateur aussi zélé qu’incompétent s’est immédiatement emparé de l’affaire en dénonçant sur Agoravox « les riches et puissants, bien conseillés et soutenus [qui peuvent] s’appuyer sur des arguties juridiques pour casser le pot de terre« .

Il y a dans tout cela pas mal d’erreurs et de contre-sens et c’est bien regrettable car on jette l’opprobre sur une décision de justice qui, en plus d’être parfaitement conforme aux principes du droit associatif, rappelle utilement que l‘assemblée générale peut toujours suppléer au silence des statuts.

Le droit des associations d’agir en justice

Chacun sait que les associations déclarées sous le régime de la loi de 1901 et celles de droit local ont la capacité d’agir en justice pour la défense de leurs intérêts personnels (par exemple, leurs intérêts patrimoniaux), la défense des intérêts communs de leurs membres ou la défense de certains intérêts collectifs de portée générale, ces deux derniers domaines étant entourés de conditions plus restrictives.

Ce n’était pas la question dans l’affaire tranchée par la Cour de Grenoble puisque l’intérêt à agir de l’association n’était pas contesté. En l’espèce, il s’agissait tout simplement d’un problème de représentation, personne dans cette association n’étant habilité à agir en justice pour le compte de la structure.

La nécessité pour l’association d’être valablement représentée en justice

L’association en tant que personne morale doit obligatoirement être représentée par une personne physique pour introduire son action en justice. Le Nouveau Code de Procédure Civile stipule dans son article 416 que « Quiconque entend représenter ou assister une partie doit justifier qu’il en a reçu le mandat ou la mission. »

A l’inverse des sociétés dont le dirigeant, représentant légal de la personne morale, est largement habilité à agir en son nom, les dirigeants associatifs ne sont que des représentants conventionnels (nous avons déjà discuté cette question à propos des pouvoirs bancaires). Le pouvoir d’agir des dirigeants au nom de leur association ne peut résulter que d’une convention, en principe les statuts de l’association.

A défaut de précision dans les statuts, il est de la compétence de l’assemblée générale des membres de donner pouvoir aux dirigeants ou à un organe, -le Conseil d’administration, par exemple- (qui à son tour désignera une personne physique comme mandataire) pour représenter l’association en justice. C’est ce que rappelle fort judicieusement la Cour de Grenoble en précisant « […] et aucune assemblée générale n’a été convoquée pour voter une telle autorisation de sorte que l’action de l’association doit être déclarée irrecevable ». Cette solution n’est en rien nouvelle ; elle a déjà été appliquée par la Cour de Cassation dans différentes décisions (voir par exemple Cass.soc. 16-1-2008 n°07-60.126) et par le Conseil d’Etat (CE 16-2-2001 n° 221622).

Au delà des « arguties juridiques »…

Je referme ici le dossier juridique (pardon d’avoir été un peu didactique) pour me situer sur le terrain du simple bon sens.

Engager son association dans une action judiciaire n’est pas pour les dirigeants un banal acte de gestion. Un procès peut coûter cher et les conséquences en sont souvent inattendues, l’association pouvant éventuellement se voir condamner à des dommages et intérêts pour avoir conduit une procédure abusive. Il en va donc de la sécurité juridique des associations d’exiger qu’à défaut d’autorisation donnée dans les statuts, les dirigeants sollicitent de la communauté associative (réunie en assemblée générale) le mandat d’engager une action judiciaire.

D’une manière générale, j’exhorte dans ces colonnes les dirigeants bénévoles à se souvenir qu’ils sont dans leurs fonctions plus « commis » que « patron ». Même lorsqu’ils ont à faire avec une assemblée générale fantoche, leur propre sécurité juridique passe par une définition claire de leur mission. Dès lors qu’une décision exceptionnelle est susceptible d’engager l’association, les dirigeants ont intérêt à vérifier dans les statuts l’étendue de leurs pouvoirs. En cas de silence ou de doute, une décision d’assemblée générale est nécessaire et suffisante pour leur donner mandat et leur permettre d’agir en toute sécurité : c’est ce que rappelle utilement la Cour de Grenoble.