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Rémunérer un dirigeant associatif : aspects juridiques et fiscaux

Le principe de non-lucrativité posé à l’article 1 de la loi de 1901 interdit à l’association de fonctionner comme une entreprise, en dégageant des bénéfices qui seront répartis entre des actionnaires ; les membres d’une association ne peuvent donc s’enrichir en partageant entre eux les excédents financiers dégagés par les activités associatives.

Cette interdiction de partager les excédents financiers peut poser problème chaque fois que l’on envisage de verser une rémunération à un dirigeant de l’association, qu’il s’agisse de rémunérer l’exercice de ses fonctions de dirigeant ou d’autres services qu’il rend à l’association.

Toutes les associations n’ont en effet pas vocation à être animées par des bénévoles. Dans le domaine de l’éducation (cours et soutien scolaire), de la culture et des arts (micro-compagnies théâtrales et orchestres amateurs, artistes graphiques et plasticiens), des pratiques de loisirs (danse, yoga, expression corporelle, relaxation, disciplines corporelles asiatiques, travaux manuels) et du développement personnel, il arrive souvent que le fondateur de l’association (et son futur dirigeant) souhaite voir rémunérer les services qu’il rend à la communauté associative.

Il s’agit le plus souvent d’activités d’enseignement, de transmission d’un savoir-faire ou d’animation des ateliers  associatifs. Le fondateur-dirigeant fait partager à un petit groupe de personne sa passion en dispensant des cours ou en organisant des séances. Les menus frais engagés par l’activité (location de salle, petit équipement, matières premières) sont pris en charge par l’association et «refacturés» aux pratiquants par le biais de la cotisation d’adhésion. Si l’activité se développe et donne des marges de manœuvres suffisantes, il est alors possible d’envisager de verser une rémunération à l’animateur des activités.

Dans ce cas, il faudrait parler de micro-entreprise à forme associative, la structure servant à héberger et fournir un cadre juridique à l’activité professionnelle de son fondateur-animateur.

La question de la rémunération des dirigeants associatifs est complexe et elle doit être traitée du point de vue juridique mais aussi du point de vue fiscal, car si dans le principe, il est possible de rémunérer un dirigeant associatif, les conséquences fiscales de cette rémunération doivent être prises en compte par les fondateurs.

Nous examinerons donc successivement ces deux volets, le droit et la fiscalité, en prenant comme hypothèse que la (ou les) personne(s) à rémunérer sont les animateurs de l’association (voir ci-dessous la notion de dirigeant de droit ou de fait) et qu’ils occupent les fonctions dirigeantes.

Considérations juridiques relatives à la rémunération d’un dirigeant associatif

Sur le plan juridique, rien n’empêche d’envisager la rémunération d’un dirigeant associatif pour ses fonctions dirigeantes ou pour d’autres services qu’il rend à l’association (par exemple, l’animation de cours ou de séances de pratique).

A condition que cette rémunération corresponde à un travail réel et nécessaire à l’association, qu’elle soit conforme aux rémunérations habituellement pratiquée par des entreprises similaires et qu’elle soit proportionnée aux capacités financières de l’association versante, les sommes versées en exécution d’un contrat de travail ou d’une décision d’assemblée générale ne seront pas considérées comme une entorse au principe de non-lucrativité des associations 1901.

A contrario, si la rémunération est exagérée, soit dans son montant, soit eu égard aux capacités financières de l’association, si elle est de complaisance (elle ne correspond pas à un travail réel) ou si elle ne repose pas sur une base juridique (contrat de travail ou décision d’AG), le risque existe qu’en cas de contrôle, cette rémunération soit requalifiée en prélèvement sur les excédents, ce qui pourrait entrainer la requalification de l’association en société de fait.

Ce principe posé, il faut maintenant distinguer deux cas de figure : la rémunération du dirigeant pour ses fonctions de président (éventuellement de trésorier ou de secrétaire), la rémunération d’une personne qui est à la fois dirigeant et intervenant pour le compte de l’association (il s’agit en général des professeurs, enseignants, animateurs des activités associatives).

La conclusion d’un contrat de travail pour des fonctions autres que celles de dirigeant

Dans le cas où c’est le Président qui conclut un contrat de travail avec son association, on doit se poser la question de la validité de ce contrat.

En effet, les tribunaux et l’URSSAF exigent pour qualifier une relation juridique de contrat de travail qu’il existe un lien de subordination entre l’employeur et le salarié. Par hypothèse, notre salarié est également Président de l’association et donc…l’employeur. Si employeur et salarié sont une seule et même personne, on peut difficilement soutenir qu’il existe un lien de subordination…à soi-même. La difficulté se pose dès la conclusion du contrat de travail où il faudra que l’association en tant qu’employeur soit représentée par un autre dirigeant que son Président. En droit français, il est en effet impossible de conclure un contrat avec soi-même.

Pour éviter la requalification du contrat de travail par l’URSSAF (sur la base de l’absence du lien de subordination), il faudra prendre de multiples précautions, consistant à organiser l’exercice du pouvoir disciplinaire de l’employeur de manière à « court-circuiter » le Président salarié. Cela est possible par exemple dans les associations qui disposent d’un Conseil d’Administration à qui l’on transférera statutairement ou par le Règlement Intérieur les prérogatives de l’employeur. L’objectif est de pouvoir démontrer que le Président dans ses fonctions salariées est bien dans un lien de subordination par rapport à un organe de l’association (ici, le Conseil d’administration) qui organise son travail, le contrôle et exerce les prérogatives de l’employeur. Ce n’est pas impossible dans une grosse structure, mais dans une « petite » association, ce lien de subordination sera très difficile à justifier en cas de contrôle de l’URSSAF.

Lorsque la rémunération est versée pour des fonctions distinctes de celles de dirigeant, elle est assujettie au régime général de la sécurité social (travailleurs salariés).

La rémunération des fonctions de dirigeant

Il est également possible pour l’association de décider que l’un de ses dirigeants recevra une rémunération pour l’exercice de son mandat. Une telle décision devrait en principe relever de l’assemblée générale mais selon nous, rien n’impose que cette faculté soit prévue aux statuts (hormis pour le cas des rémunérations versées à des dirigeants dont l’association reçoit plus de 200.000 euros de recettes privées, voir plus bas). On vérifiera toutefois que les statuts n’interdisent pas le principe de cette rémunération en stipulant comme c’est souvent le cas dans les statuts-type, que les fonctions de dirigeant sont bénévoles.

Pour fonctionner de manière transparente, on soumettra au vote de l’assemblée générale le montant et les modalités de la rémunération ainsi que les circonstances qui la justifient. Idéalement, le principe de la rémunération du dirigeant devrait être soumis chaque année à l’assemblée, cette rémunération ne devant être considérée comme un droit acquis pour le dirigeant.

Les précautions à prendre pour fixer le montant de cette rémunération sont celles évoquées plus haut. La rémunération doit être raisonnable, tant eu égard à la charge de travail du dirigeant qu’aux facultés financières de l’association. Elle doit bien entendu correspondre à une charge de travail réelle et non simplement au fait d’occuper la fonction.

Le versant fiscal du problème

Sur le plan fiscal, la rémunération des dirigeants associatifs est étroitement encadrée et limite considérablement les marges de manœuvres. La droit fiscal n’interdit rien mais tire des conséquences du fait que l’association se comporte comme une entreprise, en rémunérant ses dirigeants.

Pour le fisc, les dirigeants associatifs doivent être bénévoles, c’est-à-dire que leurs fonctions de mandataires ne sont pas rémunérées, ni directement (salaires, honoraires, défraiement forfaitaires, facture  d’auto-entrepreneur), ni indirectement (avantages en nature). C’est ce que prévoit l’article 261.7-1°-d du Code général des impôts (CGI) qui dispose « qu’un organisme doit, en principe, être géré et administré à titre bénévole par des personnes n’ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l’exploitation ». C’est ce que les fiscalistes désignent sous le terme de « gestion désintéressée« .

Selon le fisc, les dirigeants d’association ne devraient donc en principe recevoir aucune rémunération, sous quelque forme que ce soit et peu importe que la rémunération soit versée au titre des fonctions dirigeantes ou d’autres fonctions dans l’association. La sanction est simple : l’association dont les dirigeants sont rémunérés sera traitée par le fisc comme une entreprise et assujettie aux impôts commerciaux. Elle devra donc acquitter l’Impôt sur les Sociétés (IS) sur ses bénéfices, la TVA sur ses recettes et supportera également la Contribution Economique Territoriale (CET), l’ancienne taxe professionnelle. Nous aurons donc une association régie par la loi de 1901 qui supporte un régime fiscal exactement identique à celui d’une entreprise commerciale, un SARL ou une SA par exemple.

Ce régime assez rigoureux (mais justifié par des considérations d’égalité des structures juridiques devant l’impôt) est tempéré par deux tolérances : la première concerne les rémunérations modestes, la seconde concerne les « grosses » associations, celle dont il semble normal que les dirigeants soient professionnalisés, compte-tenu de la taille de la structure.

La tolérance des trois quarts du SMIC

La première tolérance résulte d’une circulaire administrative (Inst. 09-1998) qui admettait la rémunération des dirigeants, à condition que celle-ci soit limité à 3/4 du SMIC brut annuel (Loi de finances pour 2002 et Décret n°2004-76, 20 janv. 2004 : JO, 22 janv.).

Dans toutes les associations, quelle que soit leur taille et la nature de leurs activités, il est donc possible de rémunérer les dirigeants de droit pour un montant symbolique plafonné aux 3/4 du SMIC mensuel, sans que l’association voit son caractère non lucratif remis en cause.

Au 1er janvier 2017, ce montant des 3/4 du SMIC représente  1.110 euros brut mensuel ou 861 euros net.

Le plafond des 3/4 du SMIC s’apprécie par dirigeant, et non pas par association (Rep Weber : AN22-2-1999, p 1064-1065). En revanche, si plusieurs associations liées entre elles versent au même dirigeant plusieurs rémunérations inférieures au plafond, l’administration estimera que la gestion n’est pas désintéressée si la limite des 3/4 du SMIC est franchie avec le cumul des rémunérations.

De la même façon, il peut arriver que le dirigeant exerce une activité dans l’association au titre d’un contrat de travail distinct de ses fonctions de mandataire social (par exemple, les enseignants ou moniteurs). Dans ce cas, le plafond des 3/4 du SMIC s’applique à la rémunération globale, y compris celle versée au titre du contrat de travail.

Lorsque le versement de la rémunération se fait dans le respect du caractère désintéressé de la gestion (entendez : il reste inférieur aux 3/4 du SMIC), la rémunération est assujettie aux charges sociales dans les conditions de droit commun (régime général de la sécurité sociale) et les sommes peuvent être déclarées dans la catégorie «Traitements et Salaires» pour être soumises à l’Impôt sur le Revenu. Dans le cas contraire, les rémunérations perçues doivent être déclarées dans la catégorie des « B.N.C.» (Bénéfices Non Commerciaux).

La rémunération des dirigeants d’associations de taille importante

Il existe une seconde tolérance fiscale qui concerne les associations gérant un budget important (recettes hors subventions supérieures à 200.000 euros). Dans ces associations, un ou plusieurs dirigeants peuvent être rémunérés pour un montant qui n’est plus symbolique, sous réserve de respecter certaines conditions.

Le nombre de dirigeants qu’il est possible de rémunérer ainsi que le montant de leur rémunération sont plafonnés (Seuil 2016 : montant mensuel par dirigeant de 9 807 €). Par ailleurs, l’association doit justifier d’un fonctionnement transparent et démocratique ; la rémunération doit correspondre à un travail réel.

Le nombre de dirigeants qu’il est possible de rémunérer est fonction de la taille du montant des recettes d’origine privée de l’organisme, majorées des ressources des organismes affiliés et hors ressources issues de versements publics :

Cette tolérance fiscale est entourée de nombreuses conditions à respecter par l’association, à propos de son fonctionnement démocratique et de sa transparence financière. Elle doit notamment désigner un commissaire aux comptes qui rendra un rapport annuel sur la convention de rémunération du (des) dirigeant(s). Ces exigences sont détaillées à l’instruction fiscale du 16 décembre 2006 mentionnée ci-dessus.

Le recours à un prête-nom, un stratagème souvent inutile et toujours source de complications

Pour contourner cette disposition fiscale qui limite les possibilités de rémunération des dirigeants, certains fondateurs d’association pensent qu’il leur suffit de ne pas apparaître dans les instances dirigeantes de la structure. Ils désignent ce qu’il est convenu d’appeler des prête-noms pour occuper les fonctions du bureau, qui ne sont que des hommes (ou femmes) « de paille », et ils continuent de diriger en sous-main leur association.

Le choix des personnes « prête-noms » est délicat, puisque le texte fiscal prend la précaution de préciser que les dirigeants sont ceux qui exercent directement les fonctions ou « par personne interposée ». Il faudra renoncer à prendre comme prête-nom son conjoint, un parent ou un enfant qui porte le même nom que la personne rémunérée (le fisc n’aurait dans ce cas aucune difficulté à apporter la preuve qu’il s’agit de « personnes interposées »).

Par ailleurs, la limitation fiscale de la rémunération des dirigeants concerne les dirigeants de droit, ceux qui sont élus en assemblée et apparaissent dans les documents officiels de l’association, mais également les dirigeants de fait. Un dirigeant de fait est une personne qui exerce des fonctions de direction, sans avoir de titre officiel pour le faire. Pour identifier d’éventuels dirigeants de fait, le fisc peut par exemple interroger la banque de l’association et demander la liste des personnes qui sont habilitées à faire fonctionner le compte bancaire.

Même si vous n’apparaissez pas dans la liste officielle des dirigeants de l’association, le fait de pouvoir engager financièrement la structure fera de vous un dirigeant de fait aux yeux de l’administration fiscale.

On comprend donc que le recours à des prête-noms tout en conservant le pouvoir en sous-main n’est pas une stratégie bien efficace pour contourner la limitation des 3/4 du SMIC, sauf à renoncer effectivement à diriger l’association (ce qui peut se concevoir dans certains cas particuliers). Par ailleurs, il faut se souvenir que la présence de prête-noms sera une source permanente de complications dans le fonctionnement quotidien de l’association.

Comment coupler une association avec un statut d’auto-entrepreneur ?

Il arrive que le dirigeant associatif que l’on veut rémunérer soit par ailleurs entrepreneur individuel (par exemple avec un statut d’auto-entrepreneur). Dans ce cas, la rémunération se fait au travers de l’émission de factures par l’entreprise individuelle, factures qui sont réglées par l’association.

Cela ne change rien au problème fiscal évoqué ci-dessus, puisque le texte vise les rémunérations, sans distinguer selon la nature juridique de ces rémunérations (salaires, honoraires, prestations de service, etc).  En revanche, cette situation où l’auto-entrepreneur facture ses services à l’association dont il est par ailleurs dirigeant (de droit ou de fait) créée un risque supplémentaire, vis-à-vis de l’URSSAF, lorsque l’association est le seul client de l’auto-entrepreneur.

En effet, depuis quelques années, l’URSSAF contrôle les auto-entrepreneurs et leurs donneurs d’ordres pour vérifier que ce régime n’est pas détourné pour déguiser du salariat. Lorsque l’auto-entrepreneur n’a qu’un seul client, l’URSSAF peut contester l’indépendance économique de l’auto-entreprise et requalifier la relation en contrat de travail (celui-ci impliquant des cotisations sociales plus élevées), l’association faisant office d’employeur.

Idéalement l’auto-entrepreneur devra pouvoir justifier qu’il ne travaille pas uniquement pour l’association mais qu’il intervient bien pour plusieurs donneurs d’ordre. Il faudra ensuite organiser la relation entre l’association et l’auto-entreprise de manière à pouvoir démontrer que l’auto-entrepreneur reste bien indépendant dans ses décisions et n’est pas dans un lien de subordination avec l’association (Par exemple, c’est lui qui fixe les dates et modalités de ses interventions).

Par ailleurs, il est indispensable de respecter quelques précautions formelles qui permettront de documenter la réalité de l’auto-entreprise en cas de contrôle ou de contentieux.