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Toutes les raisons de ne pas vous porter caution de votre association loi 1901

Lorsque je travaille en formation avec des banquiers, j’ai quelques fois un peu de mal à faire passer mon message à propos de la caution personnelle des dirigeants bénévoles en garantie des dettes de leur association 1901. Je prends donc ici ma plume pour exposer mon point de vue de manière argumentée, en le faisant sous ce titre (un peu provocateur, je le conçois) mais qui correspond bien à la mise en garde que je veux adresser aux dirigeants associatifs.

Garantir à titre personnel les dettes de son association

Il faut commencer par rappeler que, sauf faute grave ou indélicatesse, les dirigeants bénévoles ne sont pas tenus personnellement aux dettes de la structure dont ils ne sont que les mandataires. La caution demandée par le banquier met à mal cette irresponsabilité relative, puisque le dirigeant s’engage alors contractuellement à régler les dettes bancaires de l’association au cas où elle serait défaillante.

Lorsque le banquier demande une caution personnelle, c’est en général pour garantir un découvert octroyé à l’association. Le découvert se définit comme un crédit passager destiné à anticiper la perception de recettes. Personnellement j’estime que, pour bon nombre d’associations, le  découvert pose un problème au regard des obligations des dirigeants, à savoir gérer l’association “en bon père de famille”. Ce principe de prudence extrême dans la conduite des affaires de l’association devrait conduire à ne dépenser que l’argent dont on dispose avec certitude ; l’anticipation des recettes ne peut avoir lieu que si celles-ci ont un caractère absolument certain. Or trop souvent le découvert est octroyé pour pallier une tension de la trésorerie, sans en rechercher vraiment les causes profondes (voir à ce sujet un billet consacré aux difficultés financières de l’association, où j’ai discuté de ces questions de financement).

Donc avant de se préoccuper de la caution personnelle, il y a toujours lieu de s’interroger sur la légitimité du découvert accordé.

Un engagement lourd de conséquences

Lorsque des dirigeants me demandent conseil au moment de se porter caution de leur association, je leur fait toujours la même réponse ; je leur demande si au lieu de signer le papier de la banque, il serait prêts -ici et maintenant- à signer un chèque du même montant.

Le caractère virtuel de la caution ne doit pas faire illusion : c’est bien un engagement de payer que vous souscrivez. Au moment de signer, pensez qu’il y a une chance pour qu’un jour, on vienne vous réclamer cet argent. N’oubliez pas que si les banques font souscrire des cautions personnelles, c’est dans l’intention de les faire fonctionner en cas de problème !

La garantie personnelle des dirigeants entraîne une certaine confusion des intérêts patrimoniaux

Par application des règles générales du mandat, il est nécessaire de cloisonner étroitement le patrimoine de l’association de celui de ses dirigeants. La confusion des intérêts est quelques fois relevée par les juges pour requalifier la structure associative et prononcer une confusion des patrimoines dont les conséquences financières seront douloureuses pour les dirigeants.

En tant que telle, une caution personnelle donnée par un dirigeant n’est pas la preuve d’une confusion des intérêts mais combinée à d’autres éléments factuels (prêts des dirigeants à la structure, remboursement de frais sur des bases peu précises ou forfaitaires, rémunération des dirigeants, etc), elle pourrait à mon avis éveiller les soupçons d’un juge qui aurait à statuer sur les difficultés financières de l’association.

La caution survivra aux fonctions du dirigeant

En principe, la caution est donnée pour toute la durée du crédit. Il est possible de stipuler dans l’acte de cautionnement que celui-ci est lié aux fonctions de dirigeants et qu’en cas de démission ou de révocation, la garantie tombe. Mais ce n’est pas la pratique bancaire et dans les faits, cette clause sera difficile à négocier avec le créancier.

Par ailleurs, une telle clause oblige l’association à fournir une nouvelle caution en cas de cessation des fonctions du dirigeant garant. Cela ne facilite pas son remplacement et il peut se retrouver “piégé”, la banque étant en mesure de dénoncer le crédit ou d’en exiger le remboursement anticipé si elle ne dispose plus de la garantie initiale.

A défaut d’une telle clause, le dirigeant qui s’est porté caution reste tenu des dettes, même après avoir quitté ses fonctions. Je trouve cette situation très inconfortable et parfaitement injuste.

Proportionnalité des montants et devoir d’information de la caution

Un dernier aspect me conduit à déconseiller à mes amis banquiers la prise de garanties personnelles sur des dirigeants bénévoles : c’est le principe de proportionnalité des montants garantis et l’obligation faite au banquier d’informer loyalement le garant à propos des risques de son engagement.

Sans rentrer dans le détail du droit bancaire, on sait que lors de la mise en jeu de la caution, sa validité peut être contestée parce que la dette garantie est disproportionnée en regard de la surface patrimoniale du garant. Il existe une jurisprudence abondante en matière de cautionnement d’entreprise par leurs dirigeants, où les juges annulent purement et simplement la caution parce que les sommes en jeu excèdent manifestement les capacités financières de la personne qui s’est portée caution.

Une autre source de contestation de la caution réside dans l’information du garant. Celui-ci doit avoir pris son engagement en parfaite connaissance de cause. Sinon le contrat de cautionnement est vicié pour cause de dol (pardon pour les barbarismes juridiques).

A propos de ces deux aspects, les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation. c’est à dire qu’ils décident en leur âme et conscience, et souvent sur la base de l’équité.

Je n’ai pas de jurisprudence pour étayer mon intuition mais je pense que face à des dirigeants bénévoles, -notamment s’ils peuvent prouver qu’ils sont peu expert en matière financière-, les juges adopteraient une attitude protectrice et auraient tendance à apprécier la proportionnalité de la caution et la conscience de la portée de l’engagement dans un sens favorable aux bénévoles et défavorable à la banque.

Publié initialement le : 27 février 2009