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Fiscalité des associations : un exemple d’application de la règle des « 4 P » par les tribunaux

Les sites spécialisés se sont fait l’écho d’une récente décision de la Cour Administrative d’Appel de Douai (à consulter dans son intégralité ici) à propos de fiscalité des associations loi 1901. Certaines interprétations de cette décision y voient les prémisses d’une remise en cause de la règle des 4 P ; il n’en est rien. La Cour fait une stricte application de la doctrine administrative. Même si la rédaction de la décision est un peu maladroite, on ne peut y voir aucune remise en cause et selon moi, il ne peut pas s’agir d’une décision de principe.

Les faits

Une association de « tracteur pulling » (ce « sport » où des engins bruyants et puants gaspillent des dizaines de litres de fuel pour tirer devant un public ébahi des charges aussi lourdes qu’improbables) organisait une manifestation ouverte au public et payante, à grand renfort de publicité dans les journaux et sur internet. L’administration fiscale a considéré qu’il s’agissait d’une activité lucrative et assujetti l’association aux impôts commerciaux. L’association a porté le contentieux devant les tribunaux qui lui ont donné raison (et l’ont donc déchargée des impositions). Le Ministre du Budget (l’administration fiscale) a fait appel et l’affaire arrive devant la Cour Administrative d’Appel de Douai.

La décision des juges

Les juges d’appel confirment la décision de première instance (la décharge des impôts) et condamnent le Ministère à indemniser l’association pour ses frais de justice (et oui çà arrive !).

Ils rappellent les éléments de fait du dossier en question (en les mélangeant joyeusement dans deux « considérant »).

Quand doit-on appliquer la règle dite des « 4 P » ?

Je vous avais parlé de la règle des 4 P (pour « Prix, Produit, Public, Publicité ») ici dans un ancien article. Cette règle stipule que si le prix des services rendus, le produit ou service proposé par l’association ou le public auquel elle s’adresse sont spécifiques et producteurs d’utilité sociale, celle-ci n’est pas assujettie aux impôts commerciaux, à condition qu’elle s’abstienne de recourir à des méthodes commerciales trop agressives (publicité).

La règle des 4 P permet de faire valoir pour les associations qui sont en concurrence avec des entreprises commerciales la spécificité de leurs activités et d’échapper ainsi aux impôts commerciaux. Mais cela ne s’applique qu’aux associations dont les activités font concurrence à des entreprises commerciales. Autrement une association qui est seule à proposer certaines activités dans sa zone géographique d’attraction n’a pas à faire valoir son utilité sociale au travers de la règle des 4 P pour échapper aux impôts commerciaux.

C’est ce que rappellent les juges de Douai (certes assez confusément) en ne tirant aucune conséquence du fait que l’association recoure à la publicité mais en soulignant le caractère « atypique » et « spécifique » des manifestations organisées par l’association et en constatant que « que les services rendus au public par l’association ne sont pas offerts en concurrence, dans la même zone géographique d’attraction, avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ».

Il aurait été suffisant pour les juges du fond de constater qu’aucune entreprise commerciale ne propose ce genre de spectacle dans la zone d’attraction de l’association pour aboutir au même résultat (l’exonération des impôts commerciaux), sans avoir à examiner si l’association remplit les critères des 4 P (ce qui n’était d’ailleurs pas le cas puisqu’elle faisait de la publicité).

Le principal intérêt de cette décision est de rappeler que lorsqu’une association n’est pas en concurrence dans sa zone d’attraction avec une entreprise commerciale, il n’est pas nécessaire qu’elle justifie de l’utilité sociale de ses activités et qu’elle s’abstienne de recourir à la publicité pour échapper aux impôts commerciaux. Il s’agit d’une application rigoureuse (mais sans surprise) de la doctrine administrative, doctrine que je vous expliquais ici (voir le paragraphe intitulé « L’exonération des activités lucratives pour cause d’utilité sociale »).

Publié initialement le : 12 septembre 2012