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Pourquoi utilité sociale et transparence financière sont indissociables

Je consacre ma chronique mensuelle sur Envied’entreprendre à cette curieuse affaire de possibles détournements de fonds aux dépens de SOS Racisme et de la FIDL.

Ce n’est pas l’aspect politique de cette affaire que je voudrais évoquer mais les première réactions qu’elle a suscité, notamment de la part de l’avocat de SOS Racisme, Dominique Tricaud, qui a déclaré à la presse que «L’argent n’a pas été détourné de sa destination et personne n’a volé un centime ; après ça, que pour les règles de la comptabilité, [ces associations] soient nullissimes, je suis tout prêt à le croire.»

Implicitement, c’est « bordel interne » – selon un raccourci évocateur de Libération- qui serait en cause ; cette association étant tout entière absorbée par son action sur le terrain, elle serait dans l’incapacité de consacrer quelques ressources humaines à tenir une comptabilité en bonne et due forme. (Encore qu’en examinant l’organigramme de l’association et en constatant la présence d’une directrice administrative et financière, on ait du mal à la croire).

Ce discours me paraît contreproductif à tous points de vue. En cas de manquements avérés, il ne constituera pas une ligne de défense bien solide. Ensuite, on apporte une nouvelle fois de l’eau au moulin de tous les néo-poujadistes qui ne voient dans le secteur non marchand que des profiteurs, vivant au crochet de l’Etat et échappant à tout contrôle.

Enfin, en opposant ainsi rigueur interne et efficacité sur le terrain, on commet à mon avis un grave contre-sens. Pour ma part, je considère que

Utilité sociale et transparence financière sont indissociables

Les associations qui vivent essentiellement de subsides publics (comme c’est le cas -je crois- pour SOS-Racisme) ne peuvent se contenter de conduire des actions légitimes et nécessaires. Elles doivent également garantir qu’elles le font au meilleur coût pour la collectivité.

Lorsque l’association est financée par des fonds publics, l’utilité sociale se mesure forcément par un rapport entre les bénéfices collectifs de l’action et son coût pour la collectivité. Raisonner autrement – comme le fait Maître Tricaud-, en distinguant l’efficacité sur le terrain et la qualité de l’organisation interne, c’est prendre le risque que soient remises en cause des actions légitimes et nécessaires, au prétexte qu’elles ne sont pas conduites de manière rigoureuse au plan économique.

Indépendamment de la légitimité et de l’utilité sociale de leur action, les associations qui reçoivent des subventions ont l’obligation morale -si ce n’est réglementaire- de justifier qu’elles prennent tous les moyens pour garantir l’utilisation optimale de ces fonds.

La lutte contre les discriminations est légitime : les actions de testing conduites par SOS Racisme, visant à épingler établissements et organismes qui pratiquent la sélection selon la couleur de peau, sont certainement un bon moyen de faire reculer ces discriminations sur le terrain. Mais si l’association veut documenter sans ambiguïté son utilité sociale, il faut également qu’elle justifie son efficacité « économique » dans la mise en oeuvre de ses chantiers.

Malheureusement, quand on visite le site internet de l’association, on se rend compte que la transparence financière ne fait pas partie de ses priorités. Ni les comptes, ni les rapports de gestion ne sont publiés (sauf erreur de ma part). On ne sait pas d’où vient l’argent, ni à quoi il est utilisé ; c’est la porte ouverte à toutes les suspicions et la possible remise en cause de l’activité de l’association, sans égard pour sa légitimité et son utilité sociale.

PS (heuh, sans jeu de mots, hein ?) : merci aux éventuels commentateurs de ce billet de s’en tenir aux aspects strictement techniques du dossier.