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Le conflit dans l’association 1901, une source de progrès

Je republie dans ces colonnes un entretien qui est sorti sur le blog collectif Envied’entreprendre à propos des conflits dans l’association. Que les lecteurs d’Envied’entreprendre me pardonnent ce doublon.

Une fois n’est pas coutume. Aujourd’hui je vous propose l’interview de Christophe Medici, formateur et consultant en management. Avec Christophe, nous travaillons sur les conflits qui peuvent survenir dans l’association 1901. Il nous présente une vision novatrice des conflits.

Ta démarche vise à réhabiliter les conflits ¦

« Tout ce qui ne nous détruit pas, nous rend plus fort» écrivait Nietszche. Les associations ne doivent dont pas craindre les conflits. Elles doivent se préparer à en traverser et en tirer le maximum de profits possible.
Il n’existe aucune institution où l’on n’observe pas de conflits. Là ou il y a vie, il y a conflit. La confluence de deux cours d’eau ! cela donne du bouillonnement ; n’est ce pas ?

Trop longtemps l’occident n’a pensé les conflits que dans une dimension négative. Dans pareille perspective, il s’agit alors d’éradiquer tout conflit, et cela revient bien souvent à les dénier.
Il apparaît donc comme illusoire et déréalisé (en terme freudien) d’aspirer à un objectif « zéro conflit ». Et cela d’autant plus que certaines formes de conflits sont une opportunité pour l’association. Tout le monde connaît l’expression populaire « crever l’abcès ». Certaines situations sédimentées depuis très longtemps, s’apparentent à des abcès. Le conflit permet alors de sortir d’une impasse, de débloquer une situation et de continuer à progresser.

Le conflit peut donc être une source de progrès ?

Il en va des conflits comme du stress. Il existe un bon stress et un stress toxique, comme chacun le sait.
Sans bon stress, par d’adrénaline suffisante, et pas de possibilité de se surpasser lors d’un événement.
Un excès de stress paralyse, fait perdre ses moyens, voire, rend malade. Sans conflits, pas de possibilités de dépasser certaines situations bloquées.
Il est normal qu’une association traverse des crises de croissance tout au long de sa vie. Comme un être humain, qui vivra différentes crises pour grandir, s’accomplir et s’élever, l’association ne peut évoluer sans passer par des « moments difficiles », notamment ceux où des personnes s’affrontent en son sein.

Si le principe du conflit n’est pas négatif en lui-même, il faut toutefois rester vigilant : des conflits excessifs, tant en terme d’intensité que de récurrence, peuvent dégénérer, entraînant un blocage irrémédiable, voire la mort d’une association.
C’est pour cette raison que les dirigeants de l’association doivent être en mesure de reconnaître les situations conflictuelles et de les traiter avant qu’elles ne deviennent toxiques pour l’institution.

Comment reconnaître les situations conflictuelles ?

Etymologiquement, le terme « conflit » vient du latin « conflictus » qui signifie « choc », « heurt ». Pour qu’il y ait conflit, trois éléments sont nécessaires :

– les protagonistes de la situation, que le conflit va transformer en antagonistes ; il peut s’agir d’individus ou de groupes,

– un objet de conflit (au minimum), qui constitue le différend à résoudre, -le prétexte-,

– une proximité dans un système donné, l’association.

Un conflit émerge toujours suite à l’installation, voire la prolifération de situations toxiques entre membres de l’association. Certains conflits peuvent être larvés, non visibles, non audibles. Ils n’en sont pas moins existants.

Qu’est-ce qui définit un confit toxique ?

Les conflits toxiques sont les conflits qui prennent une telle ampleur, en terme d’intensité ou de récurrence, qu’ils en deviennent paralysants pour le bon fonctionnement de l˜institution.
Les acteurs deviennent sourds et aveugles les uns envers les autres. Les échanges sont énergétivores, perfides, pernicieux. Sciemment ou inconsciemment, les protagonistes finissent par adopter des stratégies qui se situent uniquement dans la logique du conflit et non plus dans celle de l’objet associatif et des activités de la structure. C’est le conflit qui devient la principale raison d’agir et non plus le projet associatif.

Peux-tu donner un exemple ?

Une forme de conflit est particulièrement fréquente dans les associations 1901 où coexistent des bénévoles et des salariés, le conflit de territoire.
Lorsque les domaines d’activités ou les champs de compétence ne sont pas définis ou de manière trop imprécise, les acteurs sont en permanence à la recherche des limites de leur territoire.
Cette recherche des limites est un phénomène normal en soi, car, dans une association, le champ d’intervention d’une personne ou d’un groupe est variable dans le temps et dans l’espace. Selon le contexte, la motivation de chacun, les modalités des chantiers de l’association, les rôles et l’engagement des parties prenantes sont amenés à évoluer, quelque fois de manière très rapide. La fluctuation des limites des territoires respectifs est un signe de bonne santé de l’association ; c’est même une condition indispensable de sa survie, lui permettant de s’adapter à un contexte par définition changeant.

C’est la théorie des hérissons développée par le philosophe allemand Schopenhauer : trop loin les uns des autres, ils meurent de froid ; trop proches, ils se piquent mutuellement et se font mal. C’est là que survient le conflit.

Ce conflit peut se manifester de différentes manières. Pour rester dans la métaphore animale, on peut distinguer la violence du tigre, brutale, celle des coups, du bruit et de la fureur, et la violence de l’araignée, plus insidieuse ¦il existe des conflits « tigresques » et des conflits « arachnéens ». Dans une perspective chinoise, nous dirions que les conflits tigresques sont yang (polarité masculine) et les conflits arachnéens sont yin (polarité féminine).

Dans ce cas, comment faire ?

Il faut tout d’abord un certain courage pour faire éclater un confit, décider de le gérer et se préparer à le dépasser. La dimension régressive elle-même, momentanée, est incontournable. Car il n’y a pas de progression possible, sans le passage obligé par un temps de régression. C’est ce que le sociologue Henry Lefebvre appela l’approche « progressive/régressive ».

Dans les conflits « arachnéens », ceux qui ne font ni bruit, ni heurts dans l’association, la part de déni est très importante. Il peut être alors plus difficile de reconnaître le conflit et d’accepter de le prendre en considération.

Dans un deuxième, on va utiliser des outils de gestion des conflits. Cela passe forcément par des temps de régulation, par des échanges de paroles, de la mise en perspective. Le partage de la parole permet de prendre de la distance par rapport aux émotions vécues. Cette phase doit viser à faire passer les différents protagonistes du conflit d’une posture « réactionnelle « à une posture relationnelle.

Souvent il suffit de dévoiler aux acteurs la face lumineuse du conflit, les aider à considérer ce qui se joue entre eux. Les gens prennent alors conscience qu’ils sont en train de construire maladroitement quelque chose de nouveau, de débloquer une situation héritée du passé de l’organisme ou d’un contexte particulier. Le conflit peut être réinterprété dans la dynamique du projet associatif.