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Les créations d’associations sont en baisse…et c’est une bonne chose !

L’association Recherches et Solidarités (R&S) se présente comme un réseau d’experts au service du monde associatif. L’association conduit régulièrement des études de terrain, auprès des dirigeants dont elle publie les synthèses dans d’intéressants rapports qui viennent utilement nuancer la situation de quasi-monopole sur la statistique associative dont disposent Viviane Tchernonog et son équipe.

L’étude annuelle « La France associative en mouvement » vient donc d’être mise à disposition du public (ce dont il faut se féliciter) ; elle peut être téléchargée ici sur le site de R&S.

Les créations d’associations en baisse

En 2011, le nombre des créations d’associations a baissé pour la deuxième année consécutive.

Depuis 2005-2006, le nombre de créations a augmenté régulièrement, passant de 68.000 en 2005-2006, à 73.000 en 2008-2009, ce qui constitue un record en la matière. L’année 2009-2010 met un terme à cet élan et ramène le nombre de créations sous la barre des 70.000 (68.819). La dernière année confirme ce tassement, avec 66.543 associations nouvelles.

Dans son introduction à ce rapport, le Président du comité d’experts de R&S, Roger SUE, qui est sociologue et professeur à l’Université Paris V Descartes, risque une interprétation de cette statistique :
[quote author= » »]La 9ème livraison de la « France associative en mouvement » en fixe les repères sensibles : essoufflement de la création de nouvelles associations, indicateur névralgique de la réactivité de la société civile […] Pour la première fois depuis plusieurs décennies, tous les indices d’une inversion de tendance, et peut-être d’un vrai retournement de l’élan associatif, semblent réunis chez ceux qui s’efforcent encore de maintenir les cadres souvent invisibles d’un vivre ensemble, dans une situation économique et sociale particulièrement dégradée. Le fatalisme gagne les esprits et l’exception associative finirait par plier devant les marchés et les déficits publics.[/quote] Mon Dieu, voilà à nouveau les marchés convoqués pour endosser une nouvelle responsabilité, celle de la baisse du nombre des créations d’associations !

Soyons sérieux -et le reste du rapport l’est-, il faut se féliciter de voir refluer la surnatalité du monde associatif qui n’était pas -loin s’en faut- une bonne nouvelle.

Trop d’associations tue l’association

Ce développement endémique du secteur associatif pénalise les structures existantes. Nous l’avons déjà signalé ici et R&S formule le même constat à la page 7 de son rapport : la ressource bénévole n’étant pas extensible à l’infini, l’augmentation du nombre de structures dilue le bénévolat et crée un effet de rareté sur la principale (et souvent unique) ressources des petites associations. Alors qu’il n’y a jamais eu autant de bénévoles en France, les dirigeants associatifs continuent de se plaindre de la difficulté à recruter des candidats de bonne volonté.

A l’échelle d’un territoire, le nombre trop important de micro-structures associatives contribue également à l’effet de saupoudrage des fonds publics. Même si les nouvelles associations (en général de petites structures) n’accèdent pas aux subventions publiques, la surpopulation associative entraine un gaspillage des aides, chacun réclamant avec force (et raison) sa petite imprimante « couleurs », des créneaux horaires bien placés ou son animateur socioculturel mis à disposition par la commune.

Conflictualité et projet professionnel déguisé, deux causes significatives de la surnatalité associative

La consultation de ce site par des porteurs de projets associatifs me donne aussi une bonne visibilité sur les motivations des créateurs d’association. Deux phénomènes sont à l’origine de près de 50% des projets qui me sont soumis : les conflits de personnes dans une association existante et la création d’activités logées dans une structure associative.

C’est un phénomène que nous avons déjà signalé dans ces colonnes : de nombreuses créations d’associations font suite à un conflit de personnes dans une structure existante. Qu’il s’agisse de concurrence déloyale (en mode : « je te pique ton fichier d’adhérents et m’en vais monter ma petite assoce à moi tout seul ») ou de la seule issue à une gouvernance bannière, le « schisme » associatif est un phénomène fort répandu et ces associations qui se déchirent puis se livrent à une concurrence sauvage ne sont pas du meilleur effet sur le public.

Autre vedette au hit parade de la création : la micro-entreprise associative (nous y avons consacré de nombreux articles). Personnellement, je vois cette catégorie de créateurs toujours aussi active : activités de loisirs récréatifs, enseignements divers en relation avec le bien-être, le développement personnel ou certains arts martiaux « doux »… De nombreuses personnes disposent d’un talent ou d’un savoir-faire qu’elles partagent avec un petit groupe de personnes, en logeant cette activité dans une association 1901, souvent dans la perspective de tester sa viabilité économique.

Ce n’est d’ailleurs pas une hasard si les secteurs d’activités déclarés par les créateurs dans l’étude de R&S citée plus haut concernent majoritairement le domaine de la « culture et de la pratique des activités artistiques et culturelles ».

On peut supposer qu’une certaine partie de ces créateurs d’activités se tournent maintenant vers le statut d’auto-entrepreneur, qui est -la plupart du temps- mieux adapté à la dimension économique ou professionnelle du projet.

Des associations moins nombreuses mais mieux dotées et plus efficaces

Je me suis toujours étonné qu’on donne tant de place aux statistiques de créations -qu’il s’agisse des entreprises ou des associations-, sachant que créer une structure juridique ne présente aucune difficulté et que ce qui intéresse la collectivité, ce n’est pas tant les naissances que le taux de survie passé le premier engouement et la valeur ajoutée apportée par la structure.

Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas de plus d’associations, mais des associations plus fortes, mieux dotées en ressources -aussi bien bénévoles que financières-, bref, des associations plus « à l’aise » dans leurs missions et plus efficaces sur le terrain.