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Evaluer les associations partenaires des pouvoirs publics : tyrannie bureaucratique, imposture scientifique ou dérive politique ?

L’évaluation de l’utilité sociale est depuis quelques années au cœur des préoccupations de nombreuses associations loi 1901.  Nous en parlons régulièrement dans ces colonnes.

Aujourd’hui il semble que la culture du résultat ait moins le vent en poupe. Ces derniers temps, un peu partout, l’on sent gronder la sourde révolte des évalués (au premier rang desquels la communauté scientifique), dénonçant une nouvelle forme d’idéologie, insidieuse, rationnalisante à outrance mais parfaitement arbitraire.

Dans son éditorial au dossier « L’idéologie de l’évaluation : la grande imposture » de la revue Cité intitulé « Qu’est-ce que tyranniser le savoir ? », Yves Charles Zarka constate :

Ainsi l’hôpital, la justice, l’école, les universités, les institutions de recherche, les productions culturelles, l’accréditation de formes d’art, les politiques publiques sont investies par l’idéologie de l’évaluation. L’inversion idéologique consiste à faire passer pour une mesure objective, factuelle, chiffrée ce qui est un pur et simple exercice de pouvoir. L’évaluation est un mode par lequel un pouvoir (politique ou administratif, général ou local) exerce son empire sur les savoirs ou les savoir-faire qui préside aux différentes activités en prétendant fournir la norme du vrai. […]

L’exercice qui consistait à évaluer individuellement les membres du gouvernement a pour sa part fini à la trappe, vaguement reformulé en « point d’étape »  (selon une tribune libre de spécialistes du management publiée par le Monde).

A propos du culte des indicateurs, Philippe Dobler et Olivier Saulpic professeurs associés au département « contrôle et pilotage des organisations » de l’ESCP précisent les limites et les dommages collatéraux de cette culture du résultat :

Puisque ce type de démarche n’est pas pertinent pour les ministres, il est probable qu’il ne le soit pas non plus dans de nombreux autres contextes – y compris dans le secteur dit privé -, alors que les discours proclament le contraire.

De nombreux travaux académiques témoignent déjà de manière rigoureuse des risques de ces méthodes (en terme d’impact sur la performance – risque de focalisation sur le court terme, impact négatif sur les capacités d’innovation, la coopération ou la coordination, confusion entre l’évaluation des activités et des individus – et d’effets sur les individus – la corrélation entre ces pratiques et l’accroissement de la souffrance au travail est de plus en plus documentée, en particulier par la psychopathologie du travail) et de l’existence de nombreux autres moyens de pilotage de la performance (par les règles, par les pairs, etc.) souvent déjà largement mises en oeuvre avec succès dans les organisations dans lesquelles on souhaite introduire la culture de résultat.

L’évaluation et la culture du résultat qui l’accompagne seraient au pire une nouvelle idéologie totalitaire, au mieux un fatras bureaucratique inutile, -et dans tous les cas, un mode inefficace d’exercice du pouvoir-.