Association1901.fr

Associations et dirigeants face à l’interdiction bancaire

Un billet assez ancien à propos des erreurs commises par les banques dans leurs relations avec les associations me vaut toujours un abondant courrier.

Je reprend donc ci-dessous une argumentation que je développe depuis des années en formation et à laquelle on ne m’a jamais jusqu’à présent apporté de réfutation sérieuse.

Quels sont les textes applicables ?

Je vais vous décevoir ; il n’existe aucun article dans quelque code que ce soit qui explique ce qui arrive aux dirigeants dont l’association a émis des chèques sans provision ou inversement ce qui arrive à l’association dont le dirigeant est interdit bancaire sur son compte personnel. L' »interdiction bancaire » est décrite dans le Code Monétaire et Financier à l’article R.131-15 que je vous cite in extenso :

[message_box type= »note » icon= »yes » close= »Fermer »]Le tiré qui a refusé en tout ou en partie le paiement d’un chèque pour défaut de provision suffisante adresse au titulaire du compte l’injonction prévue par l’article L. 131-73 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Il lui précise le numéro et le montant du chèque dont le règlement n’a pu être assuré, ainsi que la situation du compte à la date du refus de paiement.

Il lui enjoint de restituer à tous les banquiers dont il est le client les formules de chèques en sa possession et en celle de ses mandataires. Il lui interdit d’émettre à l’avenir des chèques, sauf des chèques de retrait ou certifiés, jusqu’à la régularisation effectuée dans les conditions prévues par les articles R. 131-20 à R. 131-22 ou, à défaut, pendant cinq ans à compter de l’injonction.

Il informe par tout moyen tout mandataire que le titulaire, à sa demande, lui aura fait connaître comme étant en possession de chèques utilisables sur le compte qu’il ne lui est plus possible, jusqu’à régularisation, d’émettre des chèques sur ce compte.

En cas de refus de paiement du même chèque lors d’une nouvelle présentation, le tiré n’adresse pas de lettre d’injonction.[/message_box]

Vous lisez comme moi que le premier alinéa désigne le « titulaire du compte » comme cible à la vindicte bancaire. C’est le titulaire à qui on précise le montant du chèque et la situation du compte dans la fameuse injonction (alinéa 2) ; c’est lui qu’on enjoint de restituer les formules et c’est également à lui qu’il est interdit d’émettre à l’avenir des chèques, sauf régularisation (alinéa 3).

L’alinéa 4 est intéressant, car il impose au banquier (le tiré en jargon bancaire) d’informer les mandataires du titulaire du compte qu’ils ne peuvent plus émettre de chèque « sur ce compte » (le rédacteur prenant bien soin de préciser le compte dont il s’agit).

Le dirigeant n’est pas le titulaire du compte de l’association

Je l’ai rappelé maintes fois dans ces colonnes : le dirigeant associatif est un mandataire de la personne morale. Il agit pour le compte de l’association par le biais du mécanisme juridique de la représentation conventionnelle, autrement dit le mandat que lui confèrent les statuts ou bien un organe dirigeant (souvent le conseil d’administration) qui lui délègue ses pouvoirs.

En aucune manière, le dirigeant de l’association ne peut donc être considéré comme titulaire du compte, qui est ouvert au nom de la personne morale et fonctionne sous sa seule responsabilité.

L’interdiction bancaire d’un dirigeant pour des chèques sans provision émis par son association est infondée

Selon moi, l’émission de chèques sans provision sur le compte d’une association ne doit pas entrainer l’interdiction pour les dirigeants d’émettre des chèques sur leur compte personnel, ni même sur des comptes d’autres associations dont ils auraient éventuellement la signature.

La déclaration en Banque de France prévue par l’article R.131-12 du CMF ne peut porter que sur :

2° Le nom ou la dénomination ou raison sociale du titulaire du compte, son adresse ainsi que :
[…] b) S’il s’agit d’une personne morale, sa forme juridique ;
c) En outre, le numéro national d’identification des entreprises prévu par les dispositions réglementaires en vigueur, s’il s’agit d’une entreprise individuelle ou d’une personne morale qui en est pourvue ;

L’interdiction bancaire sur un compte personnel du dirigeant n’entraine pas l’interdiction d’émettre des chèques sur le compte associatif

C’est la situation inverse ; celle où le banquier constate une interdiction prononcée contre le dirigeant pour des chèques émis sur son compte personnel et en tire argument pour considérer qu’il ne peut plus émettre de chèques sur le compte associatif.

Ici encore, je me fonde sur la nécessaire distinction qui doit être faite entre la qualité de titulaire du compte et celle de mandataire. Le texte de l’article R.131-15 précise « Il lui interdit d’émettre à l’avenir des chèques, sauf des chèques de retrait ou certifiés, jusqu’à la régularisation […]« . Xavier, banquier de son état et commentateur de mon article mentionné plus haut, cite cette phrase pour affirmer que l’interdiction est « personnelle » et qu’elle vaut pour toute émission de chèque, quel que soit le compte sur lequel il est tiré.

Soit, mais gare au contre-sens : le pronom personnel « lui » renvoie au titulaire du compte mentionné dans le premier alinéa, titulaire qui est bien -comme on le répète depuis dix minutes- l’association personne morale et non son dirigeant personne physique.

Si l’association a confié des fonctions dirigeantes à un interdit bancaire, c’est son problème à elle, pas celui de son banquier.

Mais la banque reste libre de refuser la mise à disposition de chéquier à son client…

La mise à disposition d’instruments de paiement est une décision discrétionnaire du banquier. La loi et la jurisprudence consacrent le droit de la banque de refuser tout ou partie des services de compte à un client, sans avoir à justifier sa décision.

Suite à l’interdiction bancaire d’un dirigeant associatif, le banquier peut estimer qu’il n’a plus confiance et dénoncer la convention de compte le liant à l’association. Il en va de même à l’ouverture du compte de l’association ; le banquier vérifie en général le « pedigree » bancaire des dirigeants et si l’un d’entre eux est fiché à la Banque de France, il pourra être tenté de refuser l’ouverture du compte.

Si vous êtes concerné par cette situation

Laissez-moi un petit commentaire ci-dessous à propos de votre situation ; nous verrons ensemble ce que l’on peut faire.