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Les monnaies complémentaires au service des échanges de proximité

Le chiemgauer, monnaie régionale allemande acceptée dans 600 points de vente

Un peu partout en France (et ailleurs) fleurissent des monnaies locales ou complémentaires.

Dans le cadre du projet Assolidaires, nous nous intéressons à ces initiatives car elles ont aussi pour objectif de changer le rapport à l’argent.

Les organismes gérant ces mécanismes sont souvent des associations régies par la loi de 1901 et il s’agit typiquement d’associations de proximité, puisque leur zone de rayonnement est par définition locale et l’initiative du projet comme son développement reposent en général sur un noyau de bénévoles motivés et militants.

L’échange, modalité du vivre-ensemble

Comme son nom l’indique, la monnaie complémentaire n’a pas vocation à se substituer à la monnaie légale. Elle n’est vue que comme le moyen de renforcer le vivre-ensemble, en faisant une petite intrusion dans un domaine complètement confisqué par le secteur marchand, celui de l’échange économique.

Deux systèmes cohabitent sous ce concept de monnaie complémentaire : l’un correspond à une monnaie privée qui se substitue à la monnaie légale dans les échanges marchands, l’autre est un système d’échange de services reposant sur une unité de compte.

Quel que soit le système, le but est toujours de favoriser l’échange entre les personnes de la communauté, communauté qui se recrute à l’échelle d’un bassin de population ou d’un quartier, sur une base de proximité géographique.

Les monnaies permettant un échange marchand

L’objectif de ce système est de réunir dans une communauté conviviale différents types d’acteurs (particuliers, commerçants, producteurs, prestataires) pour envisager différemment l’échange marchand. Le support de cette communauté est une monnaie fictive (sol, violette, mesure, etc) qui sert d’unité de compte dans les transactions commerciales et qui est acquise par les participants en convertissant des euros.

L’un des objectifs de ce système est d’aider à la re-localisation de la consommation, en favorisant les achats des particuliers dans la proximité ou auprès d’acteurs qui respectent une certaine charte. Le gestionnaire de la monnaie locale convertit les euros des participants en titres de service qui peuvent être utilisés pour régler les achats auprès des commerçants et de toutes les entités participantes ; c’est le système des bons d’achats que proposent certaines associations de commerçants.

Ces monnaies sont adossées sur la monnaie légale par un système de convertibilité plus ou moins souple et la définition d’une parité avec la monnaie légale. Une unité de monnaie complémentaire « coûte » en général un euro.

Cet aspect un peu mercantile est compensé par un travail relationnel effectué par les promoteurs de la monnaie, consistant à se réunir entre utilisateurs pour développer la confiance et renforcer la convivialité du système. Ces réunions permettent de réfléchir à la place donnée à l’argent dans notre vie quotidienne ; elles ont une vocation pédagogique.

De nombreuses monnaies locales intègrent dans leur communauté des associations de proximité, qui acceptent alors la monnaie pour le règlement des cotisations d’adhésion.

Pour en savoir plus, consultez les sites de quelques monnaies locales : la luciole, la mesure, le déodat.

Les monnaies permettant un échange non-marchand

D’autres systèmes de monnaies complémentaires s’intéressent non plus à l’échange marchand mais à l’échange de services. Ce mécanisme a été popularisé en France par les S.E.L (voir ici leur site). Il met en relation des particuliers, éventuellement des associations aussi- qui échangent entre eux des services sur la base d’une unité de compte commune.

La vocation sociale du système réside dans la possibilité pour chacun de proposer des services ou des produits à la communauté et de se faire rémunérer en unité de compte qui pourront alors être utilisées pour consommer des produits ou services proposés par la communauté.

La vocation sociale de ce mécanisme est évidente puisqu’elle permet aux participants d’accéder à des produits et services sans avoir à disposer de monnaie légale. Pour les personnes en risque d’exclusion ou les activités IAE, les bénéficies sont évidents. Il en va de même pour toutes les petites et moyennes associations qui accèdent difficilement à la ressource financières, mais qui peuvent compter sur l’engagement de leurs bénévoles.

En plus des SEL, le type de dispositif est porté par les accorderies, des systèmes inventés au Canada dont il existe en France des exemples à Paris et à Chambéry.

Quelques leçons pour toutes les associations de proximité

On le voit : les associations gérant des monnaies complémentaires sont à la fois des associations de proximité, reposant sur l’initiative et le dynamisme de leurs membres, et des associations militantes promouvant un modèle alternatif et appliquées à le mettre en œuvre, ici et maintenant. Toutes les associations de proximité pourraient tirer des enseignements de l’expérience des monnaies complémentaires. J’en vois au moins trois qui s’imposent.

Même si elles font appel à un système pré-existant, les monnaies complémentaires se construisent de manière participative et invitent les communautés à s’auto-organiser. Au lancement du projet et dans le fonctionnement quotidien, les prises de décision se font dans le cadre de réunions, de concertations qui associent largement les membres de la communauté. La réussite du projet se mesure directement par le niveau d’adhésion de chacun, tant aux valeurs qui orientent le projet qu’au fonctionnement concret du système.

Autre aspect à méditer, les monnaies complémentaires mettent l’économique au cœur de leur projet associatif et ne rechignent pas à parler d’argent. Trop souvent, dans les associations de proximité où les gens se connaissent, les questions d’argent sont bannies parce qu’en France, et notamment dans le monde associatif, tout ce qui a trait à l’argent et aux questions économiques est considéré comme inintéressant, voire vulgaire.

Dernier aspect mais non le moindre, les monnaies complémentaires acceptent le compromis en ce sens qu’elles se présentant comme accessoires, complémentaires au système existant. Les promoteurs des monnaies complémentaires renoncent à l’utopie pour viser des résultats concrets, qui peuvent être modestes mais qui n’en sont pas moins réels, ici et maintenant.