Association1901.fr

Chronique « Action collective » inspirée par l’actualité

Dans l’actualité en ce moment, il y a le suicide de cette fonctionnaire de police, qui avait exprimé publiquement le malaise policier et pris la direction d’une association loi 1901 pour porter ce mouvement. Accusée de détournement des fonds de son association, elle a mis fin à ses jours avec son arme de service.

Cette affaire dramatique  (et tellement démesurée dans ses conséquences : on parle de quelques centaines d’euros !) pose directement la question de la gouvernance des structures associatives, plus particulièrement de la fonction financière.

Le dirigeant bénévole est confronté à la personnalité juridique de « son » association, qui lui permet d’accumuler des fonds et de constituer un patrimoine. Tout cela fait partie de l’apprentissage de la fonction et l’immense majorité des dirigeants associatifs a bien en conscience le fait que l’argent de l’association n’est pas à sa disposition personnelle, autrement dit que le dirigeant dispose simplement d’un mandat pour conduire les affaires de l’association et procéder aux actes de gestion nécessaires.

Les risques liés à la confusion des patrimoines

Mais certaines personnes (manquant d’expérience associative, par exemple) peuvent s’en trouver désorientées, notamment si dans leur quotidien personnel, elles n’ont pas l’occasion de manipuler des sommes d’argent ou de conclure des transactions.  Elles peuvent également céder à la tentation de confondre les patrimoines, notamment si leur propre situation financière est un peu tendue.

Ce contexte de confusion des patrimoines (mouvement de fonds non justifiés entre les comptes des dirigeants et ceux de l’association, utilisation à titre privé des ressources et du patrimoine associatifs, etc) est dangereux sur le plan juridique pour les dirigeants (risque civil et pénal). Il met fortement en cause la pérennité de la structure et pose un sérieux problème aux bailleurs de fonds de l’association (banquiers, pouvoirs publics, mécènes).

L’isolement d’un dirigeant, terreau de toutes les tentations

Pourtant des mesures simples au niveau de la gouvernance financière permettent de circonscrire ces risques. Ces mesures visent à éviter que la fonction financière soit appropriée/confisquée par une seule personne, disposant des instruments de paiements de l’association. A cet égard, la pire situation est celle de l’association où le président détient les moyens de paiement, reçoit seul à son domicile les relevés bancaires, rends compte très épisodiquement ou pas du tout des opérations bancaires à son trésorier ou un autre collègue de l’association.

Il existe mille moyens de partager la fonction financière de l’association entre plusieurs personnes, pour assurer un minimum de sécurité juridique et éviter les tentations liées à un trop parfait isolement.

Certains vieux briscards du monde associatif acceptent des postes de Président.e mais refusent d’avoir la signature bancaire, obligeant ainsi l’association à organiser d’une autre manière le circuit de ses paiements. C’est une mesure radicale, qui peut être source d’un peu de lourdeur, mais qui a ses vertus sur le plan juridique : l’ordonnateur et le comptable sont deux personnes distinctes, comme on le pratique dans l’administration.

La bonne méthode est celle qui convient à votre association et aux personnes impliquées avec vous. Le plus souvent, il suffit de faire envoyer par la banque une édition du relevé bancaire à un trésorier ou n’importe quel autre bénévole de confiance, qui pointera les opérations et s’assurera qu’elles sont normales. Si après réflexion, vous n’identifiez personne dans votre structure avec qui partager la fonction financière, vous devez être conscient que vous êtes dans une situation à risque (et peut-être réfléchir à un statut plus entrepreneurial).

Lorsqu’il est trop tard…

Enfin il faut savoir qu’une erreur ou une étourderie sont toujours possibles. Au cas où des opérations litigieuses ont déjà été commises, il est toujours possible de régulariser la situation en procédant au remboursement intégral des sommes en cause. On prendra bien soin d’identifier de manière exhaustive toute les opérations qui sont douteuses et elles seront isolées comptablement. Les personnes fautives procèderont sans délai au remboursement par un chèque bancaire dont on gardera la copie. On appliquera ensuite les règles de gouvernance en vigueur dans l’association pour respecter une certaine transparence, sans toutefois donner à l’affaire une publicité exagérée, qui pourrait porter préjudice aux personnes concernées, comme on le voit dans cette triste affaire.

La régularisation des sommes litigieuses n’empêche pas toujours le déclenchement d’une action pénale, mais la situation du dirigeant est malgré tout bien meilleure face au juge.

L’action collective à l’heure des réseaux sociaux

Autre actualité : le mouvement des gilets jaunes contre la hausse des taxes sur le carburant.

Une bande de copains (cinq hommes et trois femmes de 27 à 35 ans), sans passé militant, ni attaches politiques, dont le seul point commun est d’être amateur.e.s de rassemblement automobiles (!) parvient à organiser par le seul truchement des réseaux sociaux une mobilisation sans précédent, avec plus de 1500 événements prévus à l’échelle nationale et le soutien de plusieurs dizaines de milliers de personnes.

C’est décidément une nouvelle ère de l’action collective. Ici plus d’associations 1901 ou de syndicat, de simples citoyens profitant d’un momentum politique parviennent sans moyens particuliers à organiser une mobilisation de masse. Attendons de voir ce qui se passe réellement demain, 17 novembre, mais il s’agira peut-être d’une date clé dans l’histoire des mouvements citoyens et de l’action collective.

L’article cité plus haut souligne -à bon entendeur…- que les premiers auteurs de ces incitations à manifester ont été repérés et identifiés. On notera donc au passage que ces fameux réseaux sociaux, s’ils sont bien efficaces pour le recrutement et la mobilisation, sont totalement inopérants lorsqu’il s’agit d’assurer une certaine immunité juridique aux initiateurs de ces mouvements citoyens (ce que je visais ici, dans un article pratique pour les militants).