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Communication de documents aux membres : quelles sont les obligations des associations ?

La question de l’accès par les adhérents aux documents internes de l’association n’a pas été réglée par la loi de 1901 et donne lieu à de nombreux conflits, quelques fois des contentieux, au sein des associations loi 1901.

J’ai publié quelques articles à propos de la question des comptes et je reviens sur cette question à la faveur d’une récente décision de justice qui pose d’une manière générale la problématique de la transparence du fonctionnement associatif.

Avant de rentrer dans les détails, une précision de vocabulaire, utile notamment pour les rédacteurs de statuts qui se demandent comment organiser cette nécessaire transparence. Un document quel qu’il soit peut être consultable ou communicable, ce n’est pas la même chose. Lorsque le document est communicable, l’association doit en faire une copie qu’elle met à la disposition du demandeur. Lorsque le document est seulement consultable (comme souvent les comptes détaillés et les pièces comptables), le demandeur peut consulter le document -en général au siège de l’association- mais il ne peut s’en faire délivrer copie ou le diffuser à d’autres personnes.

Pas d’obligation générale de communication des documents internes

Comme il a été dit plus haut, il n’existe pas dans la loi de 1901 ou dans un autre texte, ni même dans la jurisprudence, d’obligation générale de communiquer aux membres les documents relatifs au fonctionnement interne de l’association. Cela peut paraître un peu surprenant mais c’est comme çà.

Encore une fois, la loi de 1901 n’a pas entendu mettre en place des institutions forcément démocratiques et transparentes mais a préféré laisser aux fondateurs la possibilité d’organiser le fonctionnement interne comme ils l’entendent. De ce fait, les droits des membres de l’association sont définis par les statuts, complétés éventuellement d’un règlement intérieur, et -sous réserve de ce qui est dit ci-dessous-, l’obligation faite aux dirigeants de communiquer tel ou tel document aux membres de l’association ne peut résulter que des statuts, du règlement intérieur ou d’un usage constant dans l’association.

Il existe souvent dans les statuts une obligation de communiquer les comptes lors de l’assemblée générale annuelle (mais ce n’est pas systématique). Prise au pied de la lettre, cette mention statutaire oblige les dirigeants à présenter les documents de synthèse de la comptabilité (compte de résultat et bilan) lors de l’AG, éventuellement en distribuer une copie aux participants. Si les statuts ne prévoient rien d’autre, les dirigeants ne sont pas tenus de communiquer ces comptes en dehors de l’assemblée générale, encore moins de laisser les membres consulter le détail de la comptabilité et les pièces justificatives.

La possibilité d’obtenir en justice les documents dont la tenue est obligatoire

Une récente décision de la Cour de Cassation (Cass. Civ. 27 novembre 2013, n° 12-23694), signalée par mon cher confrère Loi1901 et publiée ici, apporte certainement un nouvel éclairage à cette question. Dans cette affaire, la Cour d’appel avait confirmé la condamnation d’une association agréée de chasse à produire certains documents qu’elle avait l’obligation de tenir, en vertu de dispositions légales du Code de l’environnement, ainsi que des documents internes (listes de présence aux AG, etc). La demande de production de ces documents avait été introduite par un membre de l’association qui souhaitait « s’assurer du bon fonctionnement de celle-ci en conformité avec les dispositions législatives et réglementaires applicables ».

La décision de la Cour de Cassation apporte quelques informations intéressantes.

Tout d’abord, la Cour accepte la position de la Cour d’appel selon laquelle un membre de l’association est fondé à demander en justice les documents qui permettent de s’assurer du bon fonctionnement de l’association au regard des dispositions législatives et réglementaires applicables. C’est la question de l’intérêt à agir du demandeur.

Deuxième apport de la décision, l’association ne peut s’opposer à la demande de communication des documents, dans la mesure où « ces documents devaient être obligatoirement tenus voire soumis au contrôle de l’autorité administrative, et conservés dès lors qu’ils intéressaient soit la vie intérieure de l’association soit l’exercice même du droit de chasse au sein de celle-ci ».

Si l’on extrapole cette décision, il faut considérer que l’association ne peut valablement refuser de communiquer à ses membres les documents qu’elle doit obligatoirement tenir par application de la loi et des règlements, mais (c’est nous qui complétons) certainement aussi par application de ses statuts qui ont force de loi en vertu de l’article 1134 du Code Civil (« les contrats sont la loi des parties… »).

Les documents dont la publicité est prévue par la loi

Certains documents concernant le fonctionnement interne de l’association doivent obligatoirement être tenu à la disposition du public. Il s’agit des documents prévus par la loi de 1901 faisant l’objet d’un dépôt obligatoire auprès du greffe des associations (préfecture ou TribunaI d’Instance en Alsace-Moselle) et des documents comptables des associations qui bénéficient de plus de 153.000 euros de subventions ou de dons défiscalisés.

La loi de 1901 fait obligation aux associations de déposer en préfecture (greffe des associations) les documents suivants :

Par ailleurs, pour les associations qui reçoivent plus de 153.000 euros de subventions ou de dons (base annuelle), l’article 10 de la loi du 12 avril 2000 (codifiée à l’article 612-4 du Code de Commerce) impose la publication de leurs comptes certifiés au Journal Officiel, accompagnés du rapport du Commissaire aux Comptes.

Documents dont la tenue est prescrite par un texte

Pour les associations dont l’activité est réglementée et qui sont astreintes à la production de certains documents (associations agréées de chasse et de pèche, associations de formation professionnelle continue, associations inscrites au RCS, associations du secteur médico-social, etc), les membres peuvent s’assurer que l’association fonctionne de manière conforme en demandant les documents obligatoires. L’association ne répondant pas à ces demandes légitimes s’expose à se voir condamnée en justice (éventuellement sous astreinte) à les produire.

Documents dont la tenue est prescrite par les statuts

Lorsque les statuts prévoient certains documents (tenue d’une comptabilité, établissement de procès verbaux des instances comme l’AG ou le CA), ces documents sont dès lors légalement obligatoires. La solution devrait en principe être identique et l’association ne pourrait opposer une fin de non recevoir aux membres demandant la communication de ces documents, si les statuts imposent qu’ils soient tenus par l’association. Cela est souvent le cas pour les comptes, mais aussi pour les procès-verbaux des AG, voire des Conseils d’administration.

En conclusion, cette décision de la cour de cassation ouvre des perspectives intéressantes en matière de transparence ; il faudrait toutefois qu’elle soit réitérée dans le contexte plus général d’une association ne supportant aucune obligation légale spécifique, mais prévoyant dans ses statuts la tenue de certains documents.

Associations agréées

Un décret du 6 mai 2017 précise les conditions que doivent remplir les associations qui sollicitent un agrément administratif en matière de transparence. Il est notamment prévu (Article 16) que pour présenter un fonctionnement démocratique, les statuts doivent notamment prévoir
2° Le droit de participation effective à cette assemblée et le droit de vote des membres à jour de leurs obligations ainsi que la communication à ceux-ci des documents nécessaires à leur information, selon les modalités fixées par ses statuts ou son règlement intérieur.

Il est également nécessaire que l’association adopte des règles de nature à garantir la transparence financière (Article 17), en établissant, d’une part, un budget annuel et, d’autre part, des états financiers ou, le cas échéant, des comptes, les communiquant aux membres dans les délais prévus par ses statuts, les soumettant à l’assemblée générale pour approbation, et en assurant la publicité et la communication aux autorités publiques conformément à la règlementation.

 

Publié le : 12 février 2014

Mis à jour avec le Décret n° 2017-908 du 6 mai 2017 portant diverses dispositions relatives au régime juridique des associations