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De quelques difficultés juridiques soulevées par le nouvel agrément d’intérêt général

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La circulaire Fillon a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Pourtant je pense qu’un certain nombre de difficultés juridiques soulevées par ce nouveau texte n’ont pas encore été envisagées concrètement.

Je reprends ici les exigences posées par cette circulaire du 18 janvier 2010 pour l’octroi aux associations de ce fameux « tronc commun d’intérêt général » qui conditionne désormais la délivrance des agréments sectoriels (voir ce billet où elles sont présentées dans le texte) et j’envisage celles de ces dispositions qui peuvent être problématiques eu égard aux pratiques que j’observe sur le terrain.

Une association ouverte à tous, sans discrimination

Cette exigence pose à mon sens une difficulté d’interprétation, si elle n’est pas replacée dans le contexte du droit associatif. En effet, il ne faudrait pas penser que la circulaire crée « un droit à devenir membre », obligeant toute association d’intérêt général à s’ouvrir à qui en fait la demande.

Une telle interprétation serait contraire au principe de liberté associative, qui se décline de différentes manières : nul ne peut se voir interdire la création d’une association (sauf quelques cas prévus par la loi), nul ne peut se voir obligé d’adhérer à une association (sauf également quelques cas particuliers) et enfin l’association est libre de recruter comme membre qui elle entend.

Les associations d’intérêt général ne seront pas des auberges espagnoles, ouvertes à tout vent et elles conservent cette faculté de refuser l’adhésion d’un candidat.

En revanche,il faudra bannir des statuts toutes les dispositions imposant aux membres de remplir certaines conditions (âge, sexe, diplôme, nationalité, résidence, etc). Je crains également que les dispositifs prévoyant la cooptation ou le parrainage des nouveaux membres soient considérés comme restrictifs par l’administration.

La réunion régulière des instances

Si la loi de 1901 n’imposait pas le tenue d’une assemblée annuelle, les associations d’intérêt général ne pourront pas manquer de la prévoir dans leurs statuts et d’en documenter la tenue régulière avec des procès-verbaux en bonne et due forme.

En ce qui concerne les instances dirigeantes (Conseil d’administration et bureau), il serait préférable que les statuts prévoient leur périodicité. Une réunion par trimestre semble être un minimum pour le Conseil d’administration, alors que le bureau se réunira une fois par mois.

Les clauses statutaires organisant les instances prévoient souvent l’établissement d’un procès-verbal. Il s’agit du principal moyen de prouver que les instances se réunissent bien conformément aux statuts. Mais attention un telle disposition engage la responsabilité des dirigeants qui auraient été négligents dans la tenue des réunions ou l’établissement des PV.

Une voix délibérative et l’éligibilité pour tous les membres tels que définis dans les statuts

Voilà une disposition qui pose un gros problème aux nombreuses associations qui ont distingué dans leurs statuts différentes catégories de membres, distribuant à certains une voix « délibérative », à d’autres une voix simplement « consultative ».

Dans les associations d’intérêt général, la qualité de membre est obligatoirement attachée au droit de vote en assemblée générale et à l’éligibilité aux instances dirigeantes. Plus d’adhérent « demi-solde », à qui on prélève une cotisation, mais sans leur donner voix au chapitre.

J’en connais qui sont bien embêtés…;)

L’assemblée générale élit les membres de l’instance dirigeante

Ici aussi, un « big » problème pour de nombreuses associations (dont de très grosses et de très connues) qui pour assurer chez elles la stabilité du pouvoir ont dilué le pouvoir électif des membres dans des dispositifs à strates multiples, en multipliant les collèges et les organes intermédiaires.

La circulaire impose une démocratie directe et représentative.

Évidement, toutes clauses statutaires prévoyant des dirigeants « à vie », non révocables, dont le mandat serait exagérément long sont à bannir. Il en va de même lorsque les postes de directions sont réservés de droit aux fondateurs ou à des personnes désignées.

La possibilité pour les membres de consulter les comptes de l’association

Là encore, j’entends des dents qui grincent. Il va falloir écrire dans les statuts quelque chose comme « les comptes associatifs ainsi que leurs documents justificatifs sont tenus à la disposition des membres ». Même si les conditions d’accès des membres à ces documents peuvent être définies par le règlement intérieur, il sera du meilleur effet pour les associations d’intérêt général de donner des garanties statutaires à ce sujet.

Une nouvelle ère de transparence va s’ouvrir dans certaines associations qui fonctionnaient jusqu’à présent dans la culture du secret.

L’exclusion des associations para-administratives

Au chapitre consacré à la transparence financière, la circulaire précise « La proportion des fonds publics ne doit pas être de nature à qualifier l’association d’association para-administrative ».

J’avoue ne pas bien comprendre l’intention du rédacteur. Tout d’abord, le terme de « para-administratif », s’il est bien utilisé par les techniciens, est peu précis. Les juges du Conseil d’Etat parlent d' »association transparente« , lorsqu’une association -créée à l’initiative des pouvoirs publics- est étroitement contrôlée par l’administration qui lui fournit l’essentiel de ses ressources (C.E. 27 mars 2007, Commune de Boulogne-Billancourt).

Par ailleurs, de très nombreuses associations vivent exclusivement sur des fonds publics. Elles n’en sont pas toujours pour autant des associations transparentes, dès lors qu’elles agissent de manière indépendante de l’administration. La proportion de fonds publics dans les recettes de l’association n’a jamais été un critère suffisant pour qualifier une association de « transparente ».

Dès lors je m’inquiète de l’interprétation qui pourrait être faite de cette disposition dans les services. Une lecture trop rigoureuse conduirait à écarter bon nombre d’associations gestionnaires dont on sait qu’elles sont souvent exclusivement tributaires de fonds publics, voire d’une financeur unique.

Des secteurs plus ou moins touchés par les nouvelles exigences

Si vous êtes dirigeant d’une association sportive agréée (ou d’éducation populaire), ces « nouvelles » exigences n’ont rien de très nouveau pour vous. Les agréments « sport » et « jeunesse » exigeaient déjà que l’association fonctionne de manière transparente et démocratique.

Dans d’autres secteurs, c’est plus délicat. Par exemple, la levée de bouclier des associations environnementales suite aux textes réglementaires parus cet été s’explique en partie par la réforme de leur agrément qui inclut désormais ces nouvelles exigences ; nous en reparlerons.

Et vous, avez-vous déjà été confronté au renouvellement de votre agrément depuis la parution de la circulaire ? Comment les choses se sont-elles passées ? Dites-le nous ci-dessous dans les commentaires.