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Requalification en dirigeant de fait : ce qu’en disent les juges

En matière de responsabilité des dirigeants bénévoles, il est utile de se reporter à la jurisprudence de nos tribunaux. En effet, peu de textes légaux et une abondante mythologie circulent à ce propos.

Décision après décision, les juges construisent un véritable cahier des charges des fonctions de direction d’une association régie par la loi de 1901. Je vous propose donc de commencer un voyage dans le monde du droit ; vous constaterez qu’il n’est point besoin d’être juriste pour se concocter un petit guide de bonne gouvernance.

Commençons par deux décisions à propos de la notion de dirigeant de fait.
On sait que certaines personnes peuvent voir leur responsabilité engagée même si elles ne figurent pas dans la liste officielle des dirigeants de l’association ; par opposition aux dirigeants de droit, elles sont qualifiées de « dirigeant de fait ».

Dans cette première affaire (Cour de Cassation, Civ., 17 décembre 1997, Pourvoi : 95-18834), la Cour de Cassation engage la responsabilité d’un dirigeant de fait, au motif qu’il a agi seul et en violation des statuts. Elle confirme sa condamnation à supporter une partie du redressement fiscal subi par l’association du fait de son comportement fautif. On trouve dans cet arrêt les deux principaux éléments de définition de la notion de dirigeant de fait : disposer de la signature bancaire et engager l’association envers les tiers.

Et attendu que par motifs propres et adoptés, l’arrêt retient qu’en tant que dirigeant de fait, M. Dorilas disposait pratiquement de la signature du compte bancaire, qu’il engageait l’association envers les tiers, qu’il avait recours à des méthodes commerciales, ouvrait largement les locaux au public en appliquant des tarifs proches, voire supérieurs, à ceux pratiqués dans le secteur commercial, sans être approuvé en cela, par le comité de direction et que son comportement était à l’origine de la violation des statuts qui avait fait perdre à l’association le bénéfice d’un régime fiscal favorable sous lequel elle avait été déclarée ;

Qu’en l’état de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a légalement justifié sa décision

Dans cette seconde affaire (Cour de Cassation, Crim. 25 janvier 1996, pourvoi : 95-80213), une commune est condamnée à payer une partie des dettes d’une association qu’elle pilotait. La chambre criminelle confirme la décision d’appel en rappelant de manière précise les critères qui permettent de reconnaître un dirigeant de fait : il dispose de possibilités de suivi, de contrôle et de pouvoirs au regard de la gestion et des décisions de l’association.

Mais attendu qu’ayant relevé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que le conseil municipal désignait trois des neuf membres de l’association, que la comptabilité était tenue par le secrétariat de mairie auquel l’état des recettes et des dépenses était remis chaque semaine, que la commune devait donner son accord aux projets d’investissements de l’association, que les tarifs de location de la salle polyvalente étaient établis en commun avec le conseil municipal et que le bilan financier annuel devait lui être soumis, l’arrêt retient que cette organisation conférait à la commune des possibilités de suivi, de contrôle et des pouvoirs au regard de la gestion et des décisions de l’association ;
qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a, en retenant que la commune avait dirigé en fait l’association, légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

Publié initialement le 24 avril 2008