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L’apport associatif, un régime juridique alternatif pour les bailleurs de fonds de l’association

Il existe pour les associations loi 1901 un mode de financement assez peu pratiqué bien que présentant de nombreux avantages : c’est l’apport avec droit de reprise. Cette technique juridique est quelques fois utilisée par les collectivités locales pour renflouer une association ou lui apporter des biens nécessaires à son activité. Elle est sécurisante pour les deux parties, apporteur et association bénéficiaire de l’apport, et constitue une bonne alternative à un prêt fait à l’association.

L’apport à une association, ni un prêt, ni un don

Sur le plan juridique, l’apport fait à une association doit être distingué de deux formes voisines : le prêt et le don.

Il se distingue du prêt, parce que le bien ou la somme d’argent apportée à l’association entre dans son patrimoine, l’association en est propriétaire dès la constatation de l’apport et il y a bien un transfert de propriété, ce qui n’est pas le cas avec un prêt, même si nous verrons plus bas qu’il est possible à l’apporteur de récupérer son bien.

L’apport n’est pas non plus un don, une libéralité pour utiliser la terminologie juridique, parce qu’il comporte une certaine contrepartie au profit de l’apporteur et cet aspect est très important, notamment sur le plan fiscal : les libéralités sont susceptibles d’êtres taxées, et même assez lourdement, tandis que l’apport ne supporte pas d’impôts.

Qui peut apporter quoi ?

Pour faire un apport, il faut nécessairement être membre de l’association. La technique de l’apport n’est qu’une application de l’article 1 de la loi de 1901 qui stipule que l’association est la convention par laquelle les membres mettent en commun […], dans un but autre que de partager des bénéfices.

Ainsi donc, si une collectivité locale choisit de faire un apport à une association plutôt que de la subventionner, elle devra préalablement à la signature du traité d’apport adhérer de manière formelle à l’association, en acquittant le cas échéant la cotisation d’adhésion et en se pliant à toutes les formalités éventuelles requises par les statuts. Ceci est indispensable pour que l’opération puisse valablement être qualifiée d’apport.

Tout type de bien peut faire l’objet d’un apport associatif : du matériel, un véhicule, un immeuble (dans ce cas il faudra passer devant notaire) et même une somme d’argent (c’est ce qui nous intéresse ici).

La possibilité de stipuler un droit de reprise et une clause résolutoire

L’intérêt de l’apport sur le plan technique est qu’il est possible de stipuler un droit de reprise au bénéfice de l’apporteur. L’apporteur se réserve le droit de récupérer son bien ou la somme d’argent mise à disposition de l’association, après un certain temps (la durée est alors fixée dans le traité) ou au moment de la dissolution de l’association. Les modalités du droit de reprise seront précisées dans le traité d’apport et éventuellement dans les statuts. Ce droit de reprise doit bien être prévu dès le départ, au moment de la signature du traité d’apport, car la reprise des apports n’est pas « de droit » dans le domaine associatif, c’est-à-dire que si le droit de reprise n’est pas stipulé dans le traité d’apport ou dans les statuts (clause relative à la liquidation), l’association peut s’y opposer.

Autre possibilité intéressante pour organiser les relations entre l’association et l’apporteur : la clause résolutoire. Cette clause consiste à prévoir une ou plusieurs conditions qui si elles se réalisent entrainent l’annulation -la résiliation- de l’opération d’apport. Elle est à manier avec précaution, mais elle permet par exemple à un dirigeant ayant fait un apport de récupérer son bien ou ses fonds si l’association le révoque de ses fonctions. Autre exemple : une collectivité locale faisant apport d’un immeuble à une association peut stipuler une clause résolutoire au cas où l’association modifierait son objet et exercerait dans les locaux une activité autre que celle soutenue par la collectivité.

Comment éviter la requalification ?

Pour être qualifié d’apport, l’opération doit remplir un certain nombre de conditions qui sont toutes essentielles.

Tout d’abord, l’apport doit être fait sans contrepartie matérielle, qu’elle soit sous la forme de remise d’un bien ou d’une somme d’argent. Il ne s’agit pas d’une cession à titre onéreux.

Ensuite, -et c’est fondamental-, l’opération ne doit pas être requalifiable en un don. La Cour de Cassation a précisé dans un arrêt du 7 juillet 2009 (n° 07.-21.957) que l’apport devait être fait « sans intention libérale », c’est-à-dire que ce ne doit pas être un acte de pure générosité. Dans l’espèce tranchée par la Cour, elle exigeait que l’association bénéficiaire prenne des engagements précis et concrets à propos du bien apporté et que l’apporteur en retire un bénéfice au-delà de la satisfaction morale. Ce bénéfice ne doit pas être matériel (voir plus haut) ; il peut par exemple être lié à l’octroi d’un siège au conseil d’administration ou de fonctions dirigeantes dans l’association.

Utiliser la technique de l’apport pour faire un prêt à l’association

On le voit : l’apport peut être utilisé pour faire un prêt à l’association. La technique est employée par des collectivités locales qui pour soutenir une association en difficulté préfèrent réaliser un apport avec droit de reprise plutôt que de verser une subvention. De cette manière, la collectivité peut se ménager un droit de reprise qui équivaut à une clause de retour à meilleure fortune : au cas où les finances de l’association se rétabliraient, la collectivité peut récupérer sa mise de fonds. Il en va de même si l’apport porte sur un bien, un immeuble en général- : le droit de reprise permet de s’assurer qu’au-delà des aléas de la vie associative, le bien reviendra dans le patrimoine public si l’association cesse ses activités, change d’objet ou dépose son bilan.

Pour les dirigeants bénévoles, la technique est également intéressante. Plutôt que de prêter des fonds à l’association (ce qui n’est pas si rare, malgré mes exhortations à ne pas le faire), il vaut mieux dans certains cas faire un apport avec droit de reprise. Le droit de reprise permet d’organiser le remboursement des fonds prêtés et une clause résolutoire peut être stipulée en cas de dépôt de bilan de l’association, ce qui -sur le plan juridique- donne un statut plus avantageux que celui de simple créancier dans la procédure collective.

Toutefois, si l’apport constitue un prêt, celui-ci est obligatoirement « sans intérêt ». En effet, la Cour de Cassation interdit que la somme d’argent apportée puis reprise soit actualisée avec un coefficient d’érosion monétaire (Cass. com. 5-7-2005, n° 02-10.233). Il sera donc préférable de stipuler un apport d’une durée relativement courte (5 ans par exemple), quitte à le renouveler dans le temps, pour éviter que l’apporteur ne récupère à l’issue de son « prêt » une somme trop amputée par l’inflation.

Nous proposons ci-dessous un modèle d’acte dont on pourra s’inspirer pour organiser ce montage.