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Modèle de statuts pour une association humanitaire faisant appel aux dons

Un lecteur de notre blog, dirigeant d’une association de solidarité internationale, m’a fait part récemment de sa déception face à la décision du fisc refusant à son association humanitaire le bénéfice de l’article 200 du CGI (avantage fiscal aux donateurs).

Cela me conduit à reprendre ce dossier que j’avais ouvert (dans un récent article consacré au modèle économique des associations conduisant des projets de solidarité internationale). Je vous propose de fouiller un peu les  sources réglementaires dont nous disposons pour préciser la manière dont on peut formuler les statuts d’une association de solidarité internationale (ASI) faisant appel à la générosité et souhaitant octroyer à ses donateurs l’avantage de l’article 200.

Nos sources sont donc essentiellement l’article 200 du CGI (régime général de l’avantage fiscal aux dons), l’instruction administrative 5 B-17-99 du 4 octobre 1999 (à propos des dons pris en compte pour l’avantage fiscal) et la réponse ministérielle Lequiller (n° 89655, JO AN du 20 juin 2006) dont nous avons déjà parlé ici (exception au principe de territorialité de l’impôt).

Je vais me livrer à un joyeux mélange de ces différents textes puisque notre objectif est de rédiger des statuts qui tiendraient la route face à un examen critique du fisc (et non de faire une dissertation juridique). Je précise par ailleurs que dans l’analyse de l’administration fiscale, les statuts ne sont qu’un élément parmi d’autres. Vous aurez beau écrire noir sur blanc dans vos documents fondamentaux toutes ces choses, si l’activité réelle de l’association ne correspond pas à cette description statutaire idéale (et que le fisc s’en rend compte), vous vous ferez malgré tout « retoquer » votre article 200.

Une association d’intérêt général

Seuls les dons au profit d’associations dites d’intérêt général ouvrent droit à l’avantage fiscal. Pour être considérée par le fisc comme d’intérêt général, l’association doit répondre à trois critères essentiels : sa gestion doit être désintéressée, elle ne doit pas conduire de manière prépondérante des activités lucratives et ses activités ne doivent pas être réservées à un groupe restreint de personnes (Vous en saurez plus sur chacun de ces critères en cliquant sur le lien hypertexte).

Ces trois conditions correspondent à un état de fait mais il n’est pas inutile de les formaliser dans des mentions statutaires. En les intégrant au pacte associatif, on donne à ces exigences une force juridique et elles s’imposent à l’intérieur de l’association sans qu’il soit besoin de faire référence à des sources « externes ».

Les statuts peuvent donc préciser que l’association s’oblige à une gestion désintéressée, en ce sens que la participation des membres est bénévole, que les fonctions dirigeantes ne sont pas rémunérées et qu’en cas de dissolution, l’actif sera dévolu à une association poursuivant des buts similaires.

En ce qui concerne les activités lucratives, les statuts peuvent préciser que l’association s’interdit d’exercer des activités lucratives à titre habituel ou qu’elle les cantonne dans le cadre des manifestations de bienfaisance et de soutien, voire qu’elle les limite statutairement à une certaine fraction de son budget.

En ce qui concerne le groupe restreint de personnes, il suffira de préciser que l’association est ouverte à tous, sous réserve du paiement de la cotisation d’adhésion ou de s’abstenir de tout mode de recrutement des membres qui apparaîtrait comme trop sélectif.

Un objet centré sur les situations d’urgence ou de grande précarité

Ici, les choses se compliquent un peu. L’article 200-1.b du CGI précise que pour délivrer des reçus fiscaux « l’association doit présenter un caractère […] humanitaire ». La doctrine administrative a précisé ce que le fisc entendait par « humanitaire » : il s’agit de l’aide d’urgence dans des contextes de catastrophes naturelles ou de guerre et de l’aide « non urgente » (personnellement, j’ai honte d’écrire que l’aide au développement peut être non-urgente, mais bon je cite, hein) apportée à des populations en situation de détresse ou de misère dans des pays pauvres (pour la liste des pays concernés, voir ici sur le site de l’OCDE). Cette aide doit concerner les besoins fondamentaux de la personne.

Pour l’urgence, il n’y a donc pas de problème ; dès lors que l’objet de l’association fait référence à des situations de catastrophe, de famine, de conflits, de déplacements forcés de population, le caractère humanitaire est suffisamment documenté.

Pour l’aide au développement (en dehors des situations d’urgence), les choses sont plus délicates puisque la doctrine administrative exige que l’association se consacre à des populations en situation de détresse ou de grande misère, pour la satisfaction de besoins essentiels. Ces besoins essentiels recouvrent évidemment les besoins vitaux (se nourrir, se loger, se soigner) et certainement l’accès aux savoirs fondamentaux (lire et écrire) mais il faut être attentif à la formulation de l’objet statutaire dès lors que l’on s’éloigne de ces champs d’intervention (formation professionnelle, mise à disposition d’infrastructures autres que celles liées aux besoins vitaux). En cas de doute, il vaudra mieux éviter les formulations trop précises dans l’objet statutaire.

Une implication réelle de l’association française

En droit fiscal français, il existe un sacro-saint principe de territorialité, à savoir que l’impôt et la règle fiscale s’appliquent dans le cadre strict du territoire français.  Octroyer un avantage fiscal pour un don fait à une association dont les activités ne se déroulent pas en France arrache littéralement un bras à tout législateur fiscal qui se respecte.

Bon, mais si c’est pour la bonne cause, on peut concevoir une exception. Cette exception existe ; elle a été réaffirmée dans la réponse ministérielle citée plus haut et figure dans la doctrine administrative. Le paragraphe précédent vous montre néanmoins à quel point l’administration est suspicieuse et restrictive dans sa formulation des « bonnes causes ».

Une autre précaution (celle-ci est parfaitement justifiée à mon sens) prise par l’administration consiste à s’assurer que les activités humanitaires (nous dirons « PSI » -projets de solidarité internationale-) sont bien définies et maitrisées à partir de la France.  Cela évite que l’avantage fiscal (qui pèse malgré tout sur le budget national) soit octroyé à de simples officines de collecte de fonds venant profiter de notre généreuse législation .

Ici encore, il s’agit d’un état de fait dont il faudra apporter la preuve. Cet aspect est délicat car les ASI sérieuses s’appuient toujours sur un correspondant ou une organisation locale avec laquelle elles concluent une convention. La formulation des statuts, notamment les aspects de gouvernance, peut constituer un commencement de cette preuve, en précisant de quelle manière sont sélectionnés les PSI conduits par l’association et comment la maîtrise d’ouvrage est bien assurée par l’association française.

Pour les correspondants locaux, il peut être intéressant de créer une catégorie spécifique de membres (comme nous l’avons fait dans nos statuts ci-dessous). De cette manière, les partenaires seront « internalisés » et les modalités de coopération pourront faire l’objet d’un chapitre du RI plutôt que d’une convention. Cela limitera quelque peu les risques de voir l’administration considérer que les actions sont en fait conduites par des organismes ou des personnes extérieures à l’association.

Dans le modèle de statuts que nous vous proposons ci-dessous en téléchargement, nous avons conservé l’organe du conseil d’administration à qui nous avons donné des prérogatives précises pour assurer la maîtrise d’ouvrage des PSI.

Un financement direct et documenté des projets

Toujours dans l’objectif d’éviter la mise en place d’officines de collecte, l’administration exige que les PSI soient financés directement par l’association française et qu’elle soit en mesure de justifier les dépenses exposées dans le cadre de ces projets. Cela suppose aux yeux du fisc que « les fonds collectés soient versés sur des comptes bancaires de l’association et qu’elle tienne une comptabilité » établissant la réalité, la nature et la destination des dépenses (c’est moi qui précise ces derniers aspects).

Tout cela peut être documenté de la manière la plus simple par la tenue d’une comptabilité probante. Encore une fois, il est possible d’inscrire cette discipline dans les statuts en prévoyant que l’association tient des comptes annuels selon les normes en vigueur. On peut même pousser le perfectionnisme en précisant (plutôt dans un règlement intérieur) que la comptabilité retrace analytiquement les PSI conduit (ce qui permettra par ailleurs de mettre en place le suivi des fonds dédiés si les dons sont affectés à des PSI ou si l’association bénéficie de subventions dans le cadre de la coopération décentralisée).

Un modèle de statuts à télécharger

Avec ces informations, vous pouvez vous lancer dans la rédaction des statuts de votre ASI. Si vous ne vous en sentez pas le courage, je vous propose ci-dessous un modèle répondant aux consignes données dans cet article.

Publié le : 3 février 2011