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Réquisitoire dans l’affaire Dray : un très mauvais signal au monde associatif

Jusqu’à présent, je me suis bien gardé de bloguer à propos de l’affaire Dray (bien que je n’en aie pas moins pensé). Puisque celle-ci semble s’acheminer vers son terme et l’élu essonnien (très probablement) absous par la justice, j’estime avoir retrouvé ma liberté de parole.

Dans le papier du Monde à propos de la conclusion de cette affaire, on peut lire certains extraits du réquisitoire (qui semble ne pas en avoir été vraiment un) et qui me paraissent tout à fait contraire à ce que l’on m’a enseigné sur les bancs de la Faculté de Droit.

A savoir :

Mais le procureur retient le terme de « famille associative », employé par les conseils des associations visées, et assure donc que si « les abus de confiance susceptibles d’être retenus » à l’encontre, entre autres, de Dominique Sopo « apparaissent caractérisés, leur gravité est relative si est admise la notion de groupe d’associations se portant mutuellement assistance ».

La famille associative, nouvelle notion de droit des associations ?

Il est donc introduit la notion de « groupe d’associations se portant mutuellement assistance« , qui constituerait pour les auteurs d’abus de confiance caractérisés une sorte d’excuse ou de circonstance atténuante.

Pour ma part, c’est la première fois que je rencontre ce concept de « groupe associatif » qui semble hâtivement transposé du droit des sociétés et qui paraît difficilement compatible avec les principes fondamentaux du droit.

Effectivement, en droit français, la personne morale dispose d’une personnalité juridique autonome et d’un patrimoine propre. Lorsqu’ils entretiennent des relations économiques ou financières avec l’entreprise ou l’association, les dirigeants doivent respecter les obligations de tout mandataire et s’abstenir de confondre leur patrimoine personnel avec celui de leur mandant. En droit des procédures collectives, lorsque les juges constatent une confusion des intérêts (par exemple, mouvements de fonds non justifiés entre la société et ses dirigeants), il leur arrive de sanctionner en prononçant la confusion des patrimoines et la mise en faillite personnelle du dirigeant.

Le droit des associations fonctionnerait sur d’autres principes : chaque fois que des associations ont des dirigeants communs et qu’elles organisent entre elles des mouvements de fonds, on pourra reconnaître une « famille associative » au sein de laquelle « on se porte mutuellement assistance ». Dans ce cas, il serait permis de tenir des comptabilités approximatives, de virer des fonds à des personnes physiques sans justificatifs comptables, d’organiser la circulation des subventions entre des associations…

Permettez-moi de rigoler. Pourtant il n’y a pas de quoi, car je pense que ce réquisitoire est

Un très mauvais signal envoyé au monde associatif

Pour être tous les jours sur le terrain, je sais que l’organisation comptable et le respect des réglementations ne sont pas toujours le fort des structures de la loi de 1901. Il règne à propos de cette faiblesse chronique un consensus mou et bienveillant : toutes entières consacrées à leur objet, les associations n’auraient pas toujours les ressources pour sacrifier aux contraintes d’une gestion rigoureuse…

Ce cliché doit être dépassé et il faut se débarrasser de cette idée reçue.

Les associations loi 1901 doivent se donner les moyens d’être exemplaires sur le plan éthique et de la gouvernance. Leur survie, qui n’est liée qu’à la confiance que le public leur prête, est à ce prix. Les associations vivant de subventions publiques supportent à cet égard une exigence toute particulière. L’argent public est rare ; il fait partout défaut. Les structures privilégiées qui en bénéficient doivent à la communauté une transparence totale et une gouvernance au dessus de tout soupçon. Cette exigence s’impose tout particulièrement quand des fonds publics profitent à des associations pilotées par des élus.

Même s’il est démontré que Dray n’a rien commis de répréhensible, je trouve inacceptable que les associations concernées, des structures vivant quasi-exclusivement de fonds publics, aient pu fonctionner dans une telle anarchie comptable.  J’ai écrit ici pourquoi je considérais qu’utilité sociale et transparence financière étaient intimement liées.

De fait, l’absence de toute suite donnée à cette affaire serait également un très mauvais message envoyé au grand public. On confirmerait une partie des citoyens dans leur idée que les associations loi 1901 sont des structures-bidons qui servent essentiellement aux politiques à détourner l’argent public.