Edit : En cette période de crise, marquée par une perte de confiance généralisée dans la parole et l’action publiques, je publie à nouveau cet article de 2013 à propos du rôle à tenir par les associations 1901 pour lutter contre la désaffection du politique par nos concitoyens.
Parmi les phénomènes inquiétants qui documentent la fragilité de notre démocratie, il y en a un qui interroge tous les acteurs de la société : c’est la perte de confiance des citoyens dans leur système politique en général et dans les acteurs de ce système en particulier. Un récent sondage vient de mettre en exergue ce phénomène qui atteint selon les commentateurs des proportions inédites et dont chacun d’entre nous peut prendre la mesure dans la vie de tous les jours.
Plus de deux Français sur 3 ne se sentent pas représentés par le système démocratique
Réalisé par IPSOS, le sondage auquel je fais allusion est récent et on peut en lire toutes les données ici. Ce qui m’a le plus frappé, c’est le tableau reproduit ci-dessous à propos de l’opinion des gens sur la vie politique en France.
Pour une grande majorité de personnes, les hommes politiques sont corrompus et ne travaillent que dans leur intérêt personnel. Pour plus de 2 personnes sur 3, le système démocratique n’a plus de sens, car ils ont l’impression que leurs idées ne sont pas représentées sur l’échiquier politique.
Un phénomène inquiétant
Je ne suis pas étonné par les résultats de ce sondage. Je partage moi-même largement l’avis de mes concitoyens. Comme tout le monde, je constate que la clique des partis a confisqué les rouages du pouvoir politique dans l’intérêt personnel de quelques uns, mettant notre système démocratique au service des ambitions personnelles et des appétits insatiables d’une petite élite de privilégiés. Comme tout le monde, je constate que les discours sont totalement coupés des réalités quotidiennes et que la soi-disante action politique vise essentiellement à maintenir les privilèges et les passe-droits d’une infime minorité au détriment des intérêts du plus grand nombre.
Je partage donc cette piètre opinion mais je ne peux m’empêcher de la trouver inquiétante.
Point n’est besoin d’être historien ou philosophe pour percevoir les dangers que porte en lui le divorce entre la société civile et ses élites politiques. Cette désaffection pour le politique fait le lit du populisme et de la démagogie. Dans un contexte de crise économique, elle fait le jeu de tous les extrémismes sur le leitmotiv du « tous pourris ».
Les associations loi 1901, l’autre lieu du politique
Pourquoi aborder ce thème -d’importance, certes- dans un blog consacré au monde associatif ?
Je pense qu’il y a urgence à réconcilier nos citoyens avec le politique et je crois que les dirigeants d’association ont un rôle à jouer dans cette immense entreprise.
En effet, l’association est un lieu politique au sens noble et étymologique du terme, une place où le débat peut s’instaurer, où l’intérêt général peut être érigé en objectif suprême et où une image de la bonne gouvernance peut être proposée de manière claire et intelligible aux citoyens.
Un défi et une responsabilité pour les dirigeants associatifs
En tant qu’institution collective, l’association fonctionne en général sur un modèle démocratique et républicain. Elle s’analyse comme un microcosme, lui-aussi régi par le politique.
Le débat
L’association loi 1901, quels que soient son objet et ses activités, doit être un lieu de débat. Trop souvent, ce débat est escamoté dans les associations pour des raisons plus ou moins valables. On déplore l’attitude « consommatrice » des adhérents, on se plaint des assemblées générales désertes pour excuser par avance le fait que finalement personne n’a voix au chapitre, hormis la petite clique qui a confisqué le pouvoir.
(Trop) nombreux sont les dirigeants bénévoles qui, comme le grand Charles, considèrent que les membres de leur association « sont des veaux ». Dans les faits, il suffit de donner la parole aux gens, de les laisser s’organiser, de leur proposer de prendre des initiatives pour que le débat s’instaure, pour que la participation d’un plus grand nombre (je n’ai pas dit de tous, nous sommes bien d’accord : il en restera toujours pour suivre sans piper mot) vienne réveiller l’association et la dynamiser de l’intérieur, offrant à chacun un espace d’épanouissement personnel.
La gouvernance
Le mécanisme électif qui conduit aux fonctions de responsabilité, l’accession à une certaine forme de pouvoir entrainent quelques fois une certaine confusion dans l’esprit des dirigeants associatifs. Ils se prennent pour des politiques et se mettent vite à se comporter comme eux.
Les dirigeants associatifs doivent en toutes circonstances se souvenir qu’ils sont investis par leurs pairs pour exercer un mandat consistant à gérer les affaires communes au nom de la collectivité.
Ils n’acquièrent de ce fait ni prérogatives spécifiques (hormis celles qui sont strictement attachées à leurs fonctions et nécessaires à leur bon accomplissement), ni passe-droits particuliers.
Ils sont soumis dans toutes les actions qu’ils entreprennent au nom de la communauté associative à l’objet spécifique de l’association, à ses règles de fonctionnement statutaires et au principe de l’intérêt général qui interdit que l’institution soit mise au service d’intérêts particuliers. Enfin, du fait de leur mandat, ils supportent l’obligation de rendre compte de leur gestion.
L’engagement citoyen des associations au service de l’intérêt général
Il est certain qu’à l’échelle individuelle, nous, citoyens, pouvons peu, sommes peu écoutés et hormis les périodiques grandes messes électorales, pas vraiment consultés. C’est regrettable mais c’est un fait.
Il en va autrement pour les associations, y compris les plus petites et celles dont les activités ne sont pas liées au débat politique ou citoyen. Dans sa zone de rayonnement, son quartier, sa ville, l’association peut toujours revendiquer une place dans le débat citoyen et chercher à peser sur les choix politiques. Évidemment ce poids sera souvent proportionnel à sa taille mais à force de convictions et de persévérance, l’association -même petite- peut faire levier sur des thématiques ou des dossiers à propos desquelles elle saura démontrer sa légitimité.
Trop souvent les associations négligent leur responsabilité citoyenne, se focalisant sur la réalisation de leur objet statutaire et la conduite de leurs activités habituelles. Au-delà de son objet, chaque association doit se sentir investie d’une mission au service de l’intérêt général. L’association ne doit pas être vue uniquement comme un prestataire désintéressé, toute entière consacrée à la satisfaction ou la défense du petit cercle de ses adhérents/usagers.
L’association est aussi -en tant qu’institution insérée dans son contexte socio-économique- au service de la collectivité au sens large, au service de l’intérêt général. Selon ses activités, son savoir-faire et ses forces, l’association doit accepter de replacer son objet statutaire dans un cadre plus ambitieux, plus politique.
Publié initialement le : 13 février 2013
ordonneau marion says
L’Association ETHIQUE et POLITIQUE a pour but d’insuffler l’éthique en politique par la réflexion, l’action, les propositions des citoyens.
Ses outils : une charte des valeurs de l’éthique en politique – un dialogue avec le monde politique – des thèmes de travail – l’engagement à l’exemplarité de la part de ses membres –
116 rue des moulins FONTENAY SOUS BOIS 94120
06 62 49 04 45 – [email protected] – blog pas encore fini.
Pradel pierre says
Le sentiment de ne pas se sentir représenté n’est pas qu’une impression, il s’appuie sur une réalité: la non représentation de catégories sociales pourtant les plus nombreuses. Combien d’ouvriers et d’employés au parlement?
Les sortants de l’ENA ou science po sont ils forcémént les plus aptes aux fonctions électives?
Il est significtif d’entendre les hommes ou femmes politiques s’affubler eux mêmes du terme de politicien. Ils considèrent leur mandat comme un métier et non plus comme une fonction.
Si nous souhaitons une meilleure représentation parlementaire, cela passe par le non cumul des mandats et par un véritable statut de l’élu (pas un nouveau privilège)garantissant à celui qui perd sa fonction de ne pas être pénalisé dans sa carrière professionnelle.
Concernant les associations, d’accord avec l’appréciation développée dans l’article avec un volet supplémentaire, c’est la dépendance de certaines de ces associations vis à vis du financeur (conseil général, municipalités…) qui nomment les dirigeants (souvent bien rémunérés à la hauteur de leur docilité) contraints à la dépendance sous peine de fermeture des robinets financiers.
Notons que souvent ces associations que je qualifeirais de fausses associations, exercent des activités de service public (aide à la personne, aux personnes en difficulté…) qui devrait relever de l’administration d’état ou de collectivités territoriales elles mêmes..
Laurent Samuel says
Petite précision suite à quelques réactions par mail : ce billet n’est pas un article CONTRE les hommes politiques (bien que je ne les aime pas trop en tant que classe). Les quelques hommes (et femmes) politiques que je connais personnellement sont des gens parfaitement intègres et infiniment dévoués au bien commun. Pour moi ce qui est en cause c’est effectivement le système des partis et la professionnalisation des mandats politiques qu’il induit. Pour en avoir discuté avec des élus, je ne suis pas convaincu qu’il faille à tout prix bannir toute forme de cumul. En réduisant le mille-feuille politico-administratif (comme l’Alsace est en train de le faire), on réduira de facto les cumuls. Le problème n’est pas à mon avis dans le cumul des fonctions, il est dans la multiplication des échelons et des organismes qui n’ont aucune utilité concrète, à part celle de fournir des postes à la clique des partis.