Dans les petites associations de membres régies par la loi de 1901, l’adoption de statuts-type (au modèle dit « de préfecture ») conduit souvent à des aberrations. La plus gênante est certainement l’institution d’un Conseil d’administration, qui alourdit la structure sans améliorer son fonctionnement démocratique.
Dans la pratique, je vois très peu de petites associations dotées statutairement d’un CA qui le font régulièrement fonctionner. Cette première violation des statuts est en général la porte ouverte à la dérive de la gouvernance (par exemple, lorsque des administrateurs-fantôches finissent par cautionner mollement une direction omnisciente et autoritaire).
Le CA dans la petite association de membres, un poids mort
(Raison 1) L’institution d’un CA dans une association loi 1901 n’a absolument rien d’obligatoire. D’ailleurs, la loi de 1901 ne fait aucune référence au conseil d’administration. Il s’agit d’une institution de la pratique, copiée sur les sociétés commerciales, au début du XXème siècle.
(Raison 2) La présence du Conseil d’administration implique certaines exigences formelles.
• Trouver 6 à 12 membres de l’association pour occuper les fonctions d’administrateur
• Réunir régulièrement le CA
• Etablir des procès-verbaux des discussions
• Renouveler les administrateurs à échéance régulière dans le respect des statuts
(Raison 3) En général, la fonction essentielle (et souvent unique) du CA est de procéder à la nomination/renouvellement des dirigeants et de contrôler leur gestion. Dans les petites associations et celles qui sont fortement auto-gérées par les membres, ces fonctions sont exercées directement par la collectivité des membres, soit en AG, soit dans un autre cadre moins formel. La principale raison d’être du CA tombe alors.
(Raison 4) Concrètement, les petites associations éprouvent des difficultés à faire fonctionner le CA.
(Raison 5) Le recrutement et le renouvellement des administrateurs sont souvent une source de complication pour la tenue des assemblées annuelles. Il est également difficile de trouver un effectif adapté : trop peu nombreux, le CA s’identifie plus ou moins au bureau ; trop nombreux, les administrateurs posent des problèmes de recrutement ou d’absentéisme. La nécessité de désigner 6 personnes au moins comme administrateurs (on voit mal un CA fonctionner en dessous de ce seuil) peut s’avérer problématique, voire impossible à réaliser. Le cumul de fonction « administrateur-membre du bureau » définit un clivage à l’intérieur de la communauté associative, entre ceux qui sont dirigeants et ceux qui sont simples administrateurs.
(Raison 6) Dans la plupart des statuts, il est prévu des réunions régulières du Conseil et la tenue d’un procès-verbal des discussions. Ce formalisme est lourd pour des petites structures qui comptent peu d’actifs et bénéficient d’une forte cohésion sociale. Ainsi de nombreuses petites associations estiment ces exigences inadaptées et ne tiennent pas de comptes-rendus des réunions en bonne et due forme ; elles se situent –souvent sans le savoir- dans l’illégalité.
(Raison 7) L’interposition entre la collectivité des membres et le bureau d’un organe supplémentaire s’avère en général préjudiciable au fonctionnement démocratique des petites structures. On constate que le CA fait « double emploi » avec le Bureau ou l’assemblée générale. Ce « glissement » institutionnel est ensuite une source potentielle de dérives dans la gouvernance.
Dans les structures auto-gérées, c’est de facto la collectivité des membres qui est largement décisionnaire pour tous les aspects du fonctionnement associatif. Le CA se démarque alors difficilement de l’AG et les deux institutions finissent par se confondre dans un flou juridiquement dangereux.
Lorsqu’une poignée de bénévoles particulièrement engagés mène une petite équipe, bureau et CA sont peu ou prou identiques dans leur composition et finissent par se confondre dans leur fonctionnement.
Association sans administrateurs : est-ce que çà marche ?
(Raison 8 ) Pour une petite association sans enjeux particuliers, il est facile de se débarrasser du CA dans les statuts et d’organiser l’association autour de l’Assemblée générale et du bureau. Toutefois, les rédacteurs prendront certaines précautions. A défaut d’organe de médiation, la répartition des pouvoirs entre Bureau et Assemblée générale devra faire l’objet d’une attention particulière, afin de préserver l’association des risques de dérives.
Le profil-type de l’association sans administrateurs
Votre petite équipe compte moins d’une dizaine de personnes. Elle est soudée et efficace, la prise de décision comme la réalisation sont collectives et une totale confiance règne entre les membres de l’association. Le budget de l’association est réduit et l’essentiel de ses ressources provient de l’engagement bénévole des membres. Les décisions sont prises sur une base collective et consensuelle : tout le monde est sur un pied d’égalité et dans la réalisation des projets, chacun est amené à prendre des responsabilités.
Le fonctionnement institutionnel est réduit au strict minimum ; on craint la « réunionite » et on se contente du strict nécessaire en matière de procès-verbaux.
Comment s’organiser sans CA ?
Dans les associations de membres, les enjeux de la gouvernance sont ailleurs. Pour obtenir l’engagement des bénévoles, l’association doit associer toutes les parties prenantes au processus de décision. Participation, démocratie, transparence, exercice collectif des responsabilités, recherche de consensus sont nécessaires à l’implication active et durable des personnes et à la mise en place d’une saine dynamique bénévole. Il s’agit de faciliter l’adhésion de chacun au projet associatif, en évitant deux risques :
- la confiscation du pouvoir par un Président hyperactif ou un bureau autoritaire,
- l’enlisement du projet associatif dans les filets d’une assemblée générale tout puissante mais non-agissante
Les rédacteurs de statuts prendront soin en supprimant le Conseil d’administration de
- Faciliter le fonctionnement démocratique
- Organiser l’exercice collectif des responsabilités
- Garantir la transparence et la collégialité
Publié le : 3 avril 2016 sous le titre « 8 bonnes raisons de vous débarasser de votre Conseil d’administration »
On peut télécharger ici un modèle de statuts d’une association fonctionnant avec simplement un bureau élu en AG.
Nicole COUTON says
Bonjour,
je cherche un modèle de statut sans CA pour créer une association ayant pour but de venir en aide aux enfants en difficultés scolaires, aide aux devoirs et soutien en français et en anglais jusqu’en 3ème – activité rémunérées –
bertrand says
Une autre solution est de supprimer le bureau !
Dans notre cas, une association sportive d’une cinquantaine de personnes, un CA de 4 à 7 membres est institué par les statuts. Ceux ci ne mentionnent pas l’existence d’un bureau (c’est un choix délibéré). Pour le moment, nous fonctionnons sans bureau, et à six administrateur actuellement, nous n’avons pas de souci. Si le besoin se faisait sentir, le CA pourrait créer un bureau en son sein sans difficulté.
L’avantage de la formule est de ne pas trop se singulariser par rapport aux statuts type des clubs sportifs tel que ceux qui nous sont (lourdement) proposé par notre fédération.
Laurent Samuel says
Oui, bien entendu c’est aussi une solution. Je pratique plus souvent l’asso sans CA parce qu’en général, le petit noyau de bénévoles actifs se rapproche plus d’un bureau que d’un CA sur le plan numérique.
Mais il est vrai que l’asso sans CA n’est pas forcément adaptée aux sportifs, notamment s’il y a demande d’agrément ou insertion dans un dispositif fédéral.
Lionel Ginoux says
Bonjour,
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre article sur les asso sans CA. Je suis tout a fait d'accord avec vous que dans la réalité, une association fonctionne très souvent sans CA et grâce au noyau du bureau. La question que je me pose, est ce que le fait de ne pas avoir de CA peut poser problème pour des demandes de subvention.
En vous remerciant par avance pour votre réponse.
combe34 says
Deux remarques:
On baptise souvent de NORME ce qui n'est qu'un existant. Et on oublie de voir s'il n'y a pas d'alternative.
Alors on dit qu'il faut obligatoirement un CA parce qu'on participe à des Associations qui en ont un. On ne cherche pas, ici comme ailleurs, ce qui pourrait être plus adapté !
2) on confond les "statuts préfecture" et la loi de 1901 (même modifiée 2009)
J'ai déposé un jour les statuts d'une Association rédigée en 12 lignes. Et je suis allé moi-même les déposer. Au seul vu de leur brièveté, l'agent m'a déclaré : "C'est incomplet." Alors je lui ai demandé : "Veuillez m'indiquer e qu'il y manque." Après la 3éme lecture, il a du convenir qu'il ne manquait rien.
Comme quoi on se complique la tache bien souvent, par routine et manque d'information !
Jacques 63 says
C'est tres intéressant, peut-on avoir une copie de ces statuts ?
Merci
Jacques 63
Philippe Bone says
Ces braves fonctionnaires des préfectures (et plus encore dans les sous-préfectures !) ont tellement l’habitude de voir passer les fameux « statuts-types » –souvent recopiés tels quels, d’ailleurs, sans la moindre adaptation au projet de l’association déposante– …qu’ils s’imaginent, au fil des ans, que ce genre de protocoles sont INTOUCHABLES, et OBLIGATOIRES de par la loi !
Comme par ailleurs, ils pensent avoir le pouvoir de « juger » de la conformité aux règlements d’un document qu’on leur présente –ce qu’ils n’ont pas, bien entendu–, la plupart du temps, ils commencent par dire « CA VA PAS » (on devrait composer un hymne de l’Administration dont le titre serait cette réponse-type ! !).
Combien de fois ai-je présenté des dossiers de constitution d’assoces… ne comportant ni président, ni trésorier, ni secrétaire… et ai-je vu la mine effarée –voire SCANDALISEE– de la pauvre employée de préfecture !
En effet, la législation en France est très claire : elle n’exige QUE de fournir les noms, prénoms, adresse, dates et lieu de naissance et nationalité … »de toute personne, qui, à un titre ou à un autre, participe à la gestion ou à l’administration de l’association ». Point. OÛ VOYEZ-VOUS MENTION du moindre président, directeur ou délégué général dans ce texte ? ?
Malheureusement, il faut à chaque fois demander à voir le « chef de service » –voire, dans les grandes préfectures, le « service juridique », texte officiel de la loi de 1901 à la main, pour faire enfin reconnaitre la validité de tels statuts… funky, je l’admets, par rapport aux statuts »tout-venants ».
Pour celles et ceux qui ont la fibre autogestionnaire, ou qui veulent, tout simplement, fonctionner HORIZONTALEMENT et non pas HIERARCHIQUEMENT, je leur dis qu’il faut s’armer de courage… et d’une bonne dose de patience, avant de faire « triompher » votre bon droit >:-/
associativement vôtre…
Cynthia L says
Bonjour,
Dans le cas d’une association sans CA, comment procédez-vous pour l’élection du bureau ? et comment déterminez-vous le droit de vote ? Merci de votre retour.
sailor80 says
Bonjour, nous sommes une petite association de retraité(e)s qui s’est dotée d’un CA lors de la constitution de l’assos il y a 30 ans, mais ce CA ne s’est jamais réuni et nous souhaitons le dissoudre (revoquer ?) Comment devons-nous PRocéder ? Notre assos a un bureau constitué de 6 PERSONNES.
Merci d’avance pour vos réponses
laurent samuel says
deux solutions : modifier vos statuts pour faire disparaitre le CA et rédiger un nouvel article concernant ce bureau à 6 personnes ou bien considérer (si c’est raisonnable) que ce bureau de 6 personnes faisait office de CA et à partir de maintenant, l’intituler « CA »n le faisant fonctionner conformément à vos statuts…