Les associations gestionnaires qui disposent souvent d’un budget significatif sont particulièrement sensibles aux risques opérationnels liés aux mouvements de fonds et opérations diverses de trésorerie. Parmi ces risques, il faut bien-entendu mentionner les fraudes dont les associations peuvent être les victimes quand la fonction financière n’est pas suffisamment sécurisée.
Qu’ils soient commis pas des dirigeants bénévoles, des salariés ou des tiers, détournement de fonds, abus de confiance et escroqueries ne sont pas si rares dans les associations, notamment les structures gestionnaires qui manipulent des budgets importants, constitués essentiellement de fonds publics.
Qui a fréquenté également le secteur marchand estimera que trop souvent les associations font preuve d’un coupable amateurisme et se reposent sur la confiance aveugle faite aux préposés et aux intermédiaires financiers.
Voilà donc quelques règles de bonne gestion, pour la plupart empruntées au secteur marchand ou à l’administration, qui permettront de sécuriser le fonctionnement financier des structures dont le budget les expose à ces risques financiers.
Les précautions indispensables
1/Suivi comptable et rapprochement bancaire
Le meilleur moyen de se prémunir contre les mauvaises surprises est d’effectuer un suivi très rapproché des comptes bancaires et de leur solde. Les fluctuations de la trésorerie doivent être conformes au budget et à la saisonnalité des encaissements et des décaissements de l’association.
Connaissant le budget mensuel de l’association (ou sur la base des comptes prévisionnels), les dirigeants surveilleront l’évolution mensuelle du solde net de trésorerie et s’informeront de tout écart significatif. Ce suivi permettra de détecter toute opération anormale ainsi que d’éventuelles erreurs de la banque.
2/Limiter les instruments de paiement en circulation
Les risques de détournements et de malversations sont assez proportionnels au nombre d’instruments de paiement en circulation et au nombre de personnes habilitées à les faire fonctionner. On évitera donc de multiplier chéquiers et cartes bancaires et on tiendra un inventaire soigneux des instruments en circulation.
Les procurations bancaires ainsi que les code d’accès aux services bancaires à distance seront régulièrement changés, et systématiquement renouvelés après un changement de personnel ou de dirigeants.
Les précautions utiles
1/Formaliser le fonctionnement financier dans des procédures
Dans les associations dont le budget est significatif, les opérations impliquant la trésorerie sont quotidiennes et relativement banalisées. Des habitudes s’instaurent et progressivement l’attention se relâche, notamment quand l’association fonctionne « à la bonne franquette ». La « souplesse » du fonctionnement administratif combinée à un climat de confiance générale sont un terrain de prédilection pour les personnes mal intentionnées.
Pour cette raison, il est indispensable de formaliser les principaux événements du fonctionnement financier dans des procédures. Engagement des dépenses, autorisations de paiement, remboursement de frais aux bénévoles, dirigeants et salariés : selon leur fréquence et leur importance en terme de montants, ces différentes opérations feront l’objet d’une petite procédure prudentielle permettant d’effectuer des contrôles a priori ou a posteriori.
Souvent intitulé « règlement financier », cet ensemble de procédures, plus ou moins développé selon les besoins de l’association, s’intègre au règlement intérieur pour prendre un caractère obligatoire.
2/Séparer comptable et ordonnateur
Dans la fonction publique, il est rigoureusement interdit à ceux qui décident des dépenses (les fonctionnaires et les élus) d’en exécuter le règlement, cela s’appelle la « gestion de fait » et c’est sévèrement puni.
Il devrait en être de même dans toute association gestionnaire : les personnes en charge de la comptabilité, qu’ils soient bénévoles ou salariés non dirigeants, ne devraient pas en principe avoir accès aux moyens de paiement et aux instruments de trésorerie. Seuls les dirigeants élus ont vocation à engager les finances de l’association. Si des salariés ou des bénévoles non dirigeants se voient attribuer un accès aux moyens de paiement, ce ne peut être qu’en vertu d’une délégation expresse validée par les instances associatives, enregistrée auprès du banquier et encadrée dans son fonctionnement.
Les mesures qui ne servent pas à grand chose
1/Prévoir une double signature des chèques
De nombreuses associations prévoient statutairement qu’en cas de dépense supérieure à un certain montant, celle-ci doit être effectuée par un chèque comportant obligatoirement une double signature (par exemple, le président et le trésorier). Les banques qui ne sont pas en mesure techniquement de contrôler les signatures en bas des chèques déclinent en général leur responsabilité face à ce genre de dispositions. Cette précaution n’en est donc pas une ; elle permettra en revanche d’engager la responsabilité personnelle du dirigeants qui aurait initié seul une dépense nécessitant la double signature.
2/Se reposer sur la certification par le commissaire aux comptes
De nombreuses associations gestionnaires sont assujetties à l’obligation de désigner un commissaire et de publier des comptes certifiés. La mission du commissaire ne consiste pas à surveiller les finances de l’association ou à opérer un quelconque contrôle de légalité sur ses dépenses mais simplement à porter un avis a posteriori sur les documents comptables présentés.
Penser que la présence d’un commissaire aux comptes est d’une quelconque utilité pour prévenir les détournements est tout simplement une erreur.
Publié initialement le : 16 décembre 2011
BruLero14 says
Bonjour, excellent article, mais je suis un peu perdu vis a vis de la recommandation « 2/Séparer comptable et ordonnateur ».. Étant trésorier de l’association, je prend en charge le règlement des factures ainsi que le suivi de la comptabilité.. devrais-je au contraire laisser les règlements de factures au président, afin de n’opérer d’un contrôle par dessus son épaule ? Ou dissociez vous le rôle du Trésorier (membre de l’équipe dirigeante) et d’un comptable ?.. Enfin, recommandez vous ou non qu’un Président d’association possède un moyen de paiement?.. Merci par avance pour vos éclairages.
Laurent Samuel says
Dans ce 2/Séparer comptable et ordonnateur, « comptable » est à prendre au pied de la lettre, comme celui qui passe les écritures comptables.
Lorsqu’une personne dispose à la fois de l’accès aux instruments de paiement et au logiciel de tenue des comptes, il lui est facile de maquiller en comptabilité des mouvements bancaires frauduleux. Cela rend la détection de la fraude encore plus difficile puisque le mvmt bancaire est appuyé sur une écriture comptable crédible.
Pour votre seconde question, pas de réponse de principe. Certains présidents peuvent s’offusquer de se voir privés des pouvoirs bancaires (et certains banquiers peuvent trouver cela bizarre). Personnellement, je n’ai jamais accepté de fonctions associatives qu’à la condition de ne PAS avoir de pouvoirs bancaires (mais c’est ma parano de juriste 😉
DEMOTES says
Si les élus ne veulent pas disposer des instruments bancaires (manque de présence continue souvent) , il faut une certaine confiance dans le comptable… comme à tout délégataire. pour limiter les risques:
La « certification de service fait » signée de l’ordonnateur permet seule au comptable de procéder à un paiement.
On formalise les délégations de pouvoir du président aux responsables opérationnels des lignes de budget.
Le récipiendaire des factures les fait signer « pour service fait » par l’opérationnel qui vérifie la conformité au contrat s’il existe, ou au budget. S’il y a des réserves ou un refus de l’opérationnel l’opération est mise en comptabilité mais sans règlement et le comptable relance périodiquement l’opérationnel. Le comptable effectue le paiement si et quand tout est OK.
Ce circuit s’applique même s’il n’y a qu’un Président et un comptable.
Mais le comptable peut toujours s’enfuir avec les sous…
calculette says
Bonjour,
Je suis comptable dans une association dont l’activité est en étroite relation avec celle d’une entreprise privée.
– le gérant de l’entreprise privée est le directeur de l’asso, et il a plein pouvoir au niveau des finances : CB, chéquiers… il fait toute opération sans limite de montant et sans avis du trésorier ;
– l entreprise et l’asso ont leur siège à la même adresse ;
– l’entreprise prend à sa charge la plupart des frais et charges courantes : loyer, énergie, informatique, missions, déplacements… et refacture une fois par an une partie de ces charges à l’asso.
La comptabilité est restée en jachère pendant plusieurs années. En reprenant les comptes sur un an et demi en arrière, j’ai découvert d’importantes factures établies par l’entreprise ou le directeur (prestations de services très vagues), dont les montants (non validés par des justificatifs) me paraissent fantaisistes et exagérés. Ces factures ont été prétextes à des versements de fortes sommes d’argent de l’asso vers l’entreprise.
D’autre part, le directeur de l’asso fait de très importants retraits et virements à son profit sans raison, « mélange » les factures et les cartes bancaires entre les deux structures et son compte personnel, et il n’est pas rare que l’asso paie des factures pour les 2 autres.
J’ai saisi un an et demi de compta en tenant compte de tous ces éléments (les paiements faits par l’asso pour le compte des 2 autres mis à leur débit), et la balance révèle une situation catastrophique : découvert bancaire de 20 k€ (et clôture juridique sur un compte), dette à l Urssaf de 10 k€ (et procédure au tribunal des affaires sociales), créance du directeur de 20k€, créance de l’entreprise privée de plus de + de 100 k€ !
J’ai un compte rendu à remettre au Bureau avant la fin du mois… comment leur présenter la chose sans avoir l’air de « dénoncer » ce directeur ?
Merci de vos conseils.
calculette says
… j’ajoute que cette asso perçoit + de 60 k€ de subventions…
calculette