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Registre spécial : des centaines de milliers d’associations 1901 hors-la-loi

Edit : 24/07/2015 L’ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015 a supprimé pour toutes les associations l’obligation de tenir un registre spécial

Devinette : sur le gros millions d’associations enregistrées en France, combien respectent l’obligation (sanctionnée pénalement) de tenir un registre spécial comme il est dit à l’article 5 de la loi de 1901 ?

Une obligation peu respectée

Vous ne savez pas et ben moi non plus. Impossible à dire précisément : un tiers, un quart, un cinquième des structures, encore moins ? Allez soyons optimiste : disons qu’une association sur 4 tient le fameux registre obligatoire.

Parmi ces supposées 250.000 structures qui disposent du petit cahier, combien tiennent leur registre conformément aux dispositions de la loi et de son décret d’application, c’est-à-dire reportent de manière manuscrite sur un cahier côté et paraphé tous les événements de la vie associative ayant donné lieu à une formalité en préfecture (changement de dirigeants ou d’adresse du siège, création d’établissement et acquisition d’immeuble, modifications statutaires), en faisant figurer les références des récépissés délivrés par la préfecture ?

Alors là je dirai -toujours à la louche-, peut-être la moitié de ces associations, soit une centaine de milliers…

Conclusion : on peut supposer sans prendre trop de risques que l’immense majorité des associations régies par la loi de 1901 ne respecte pas ou respecte mal cette obligation de tenir un registre spécial.

Une obligation mal connue de l’administration

En revanche, il y a un public à propos duquel je peux produire des statistiques plus précises (bien que toutes personnelles et pas forcément représentatives), ce sont les fonctionnaires d’Etat ou territoriaux avec qui je travaille en formation. Je suis toujours étonné quand nous abordons cette question (à vrai dire bien peu stratégique) du registre obligatoire : il arrive que moins de la moitié des participants -pourtant tous en charge de partenariats publics avec des associations- connaissent précisément cette obligation à la charge des associations loi 1901 et de leurs dirigeants.

Pourtant la loi de 1901 précise bien que (art. 5) « le registre spécial devra être présenté aux autorités administratives ou judiciaires chaque fois qu’elles en feront la demande. »

Rassurez-vous ; il est rare que lesdites autorités en fasse la demande (elles ont d’autres chats à fouetter).

« Un truc pénible et qui ne sert à rien« 

Il y a donc à propos du registre spécial des associations une sorte de consensus tacite, aux termes duquel l’exigence légale serait désuette et de peu d’utilité, consensus qui permettrait finalement aux structures de s’affranchir de leur obligation avec la bienveillance quelque fois négligente des administrations en charge de leur contrôle.

Le principal argument pour justifier ce laxisme est que les termes du décret de 1901 (art.6)  -qui stipule que « les modifications apportées aux statuts et les changements survenus dans l’administration ou la direction de l’association sont transcrits sur un registre »- interdiraient la pratique des feuilles volantes que l’on colle dans le cahier et obligeraient de cet fait à une transcription manuelle des informations requises, un pinsum de copiste totalement incongru à l’heure de l’impression numérique.

Une situation insatisfaisante pour l’administration et insécurisante pour les dirigeants associatifs

La situation actuelle est donc totalement insatisfaisante. La loi pose une obligation et prévoit une batterie de sanctions administratives (suppression de l’aide financière accordée par les pouvoirs publics), civiles (dissolution judiciaire), voire pénales (amende de 1500 euros doublée en cas de récidive). Mais l’obligation de tenue du registre est dans la pratique peu ou mal respectée et, personnellement, je ne connais pas d’exemple d’application de ces sanctions.

Alors que faut-il faire ? Abroger ces dispositions anciennes et frappées d’obsolescence ? Ou bien au contraire, « sortir le bâton » et ramener les dirigeants bénévoles à un strict respect de leurs obligations légales.

Le registre spécial pourrait contribuer à la sécurité juridique du monde associatif

A bien y réfléchir, les informations portées au registre spécial (et qui sont ni plus ni moins que celles accessibles au public à la préfecture du siège de l’association) sont des informations fondamentales pour assurer la sécurité juridique de la structure, de ses dirigeants et de toutes les parties prenantes au projet associatif (notamment les adhérents et les pouvoirs publics).

Identité des personnes en charge de l’administration et de la gestion, siège géographique de l’association, modifications intervenues dans ses documents fondamentaux, patrimoine immobilier ; voilà autant d’éléments constituant l’état-civil de l’association que les tiers ont besoin de connaître facilement et de manière assurée.

Trop souvent, les associations et leurs partenaires souffrent d’une certaine insécurité juridique (mes amis banquiers verront tout de suite de quoi je parle). Qui sont les « vrais » dirigeants de l’association, où celle-ci a-t-elle son siège officiel, les statuts diffusés sont-ils à jour des dernières modifications décidées en AG ? Dans un certain nombre de cas, ces questions sont cruciales.

Monsieur Hortefeux, SVP, une p’tite modification du décret d’août 1901

Personnellement je vois bien une manière radicale de traiter ce problème : il suffirait d’organiser la publication en ligne de l’historique détaillé des formalités effectuées par l’association auprès de sa préfecture de rattachement (qui sont celles devant figurer au registre). Les informations seraient alors accessibles au public (comme le prévoit le décret de 1901 dans son article 2) et à l’administration qui pourrait en prendre connaissance comme n’importe quel tiers. De cette manière, l’état des formalités serait clairement et sans ambiguïté opposable à tous, à commencer par les dirigeants qui négligent trop souvent de faire leur formalité en préfecture.

On se débarrasserait ainsi du support papier (le maudit registre), qui est peu pérenne et fastidieux à réaliser, allégeant au passage la tache des dirigeants, au profit de la seule formalité en préfecture qui donnerait automatiquement lieu à une publication en ligne. C’est alors ces formalités dont l’absence serait sanctionnée administrativement, ce qui serait à mon avis beaucoup plus efficace comme « incitation ». Au passage, on allègerait également les services préfectoraux qui sont tenus de donner accès à ces informations à tout requérant.

Alors Monsieur le Ministre, voilà aussi une question de sécurité…

L’historique certifié de ces publications serait un fabuleux instrument au profit de la transparence du fonctionnement associatif et de la sécurité juridique des parties prenantes.