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Salariés dirigeants de fait : (grave) dérive de l’association loi 1901

Quand je travaille avec des banquiers ou des fonctionnaires pour définir ce qu’est une association loi 1901 « à risques », je commence toujours par évoquer la situation où les cadres salariés ont pris le pouvoir dans l’association, évinçant les dirigeants bénévoles et se transformant ainsi en dirigeants de fait.

Comment cela arrive ?

Cela se produit en général au bout d’un certain temps, après une lente érosion du pouvoir et de l’autorité des dirigeants bénévoles. Il peut s’agir du manque de motivation ou de disponibilité de ces personnes ou bien d’un désintérêt face à une structure qui ronronne. Plus rarement, on constate une véritable prise de pouvoir de la part du (des) salarié(s), avec une stratégie délibérée pour exercer seul le contrôle sur la structure.

Les dirigeants bénévoles abandonnent alors leurs prérogatives aux salariés de l’association, le mode de fonctionnement évoluant insidieusement vers l’auto-gestion.

Les dirigeants de fait sont alors ceux qui exercent dans la pratique des prérogatives de dirigeant sans en avoir le titre, ni le statut juridique. Lorsque l’association n’est plus dirigée par ses dirigeants de droit, la notion de dirigeant de fait permet de mettre en cause la responsabilité des vrais « patrons » de la structure.

Cette situation n’est pas conforme à la loi de 1901 et nous avons attiré l’attention à dans nombreuses reprises dans ces colonnes sur les différents risques engendrés par cette situation (par exemple le risque fiscal).

Une situation risquée

La requalification peut être décidée par un juge dans les affaires pénales. On la trouve également pour les sociétés commerciales : un banquier par exemple qui s’immiscerait d’un peu trop près dans les affaires d’une entreprise cliente pourrait se voir requalifié en dirigeant de fait. Une commune peut également se voir requalifiée.

Lorsque le directeur salarié d’une association loi 1901 confisque le pouvoir, les juges n’hésitent pas à le considérer comme dirigeant de fait (ici une jurisprudence de la cour de Cassation).

Cela pose immédiatement un problème sur le plan fiscal. Si le fisc considère que le directeur salarié est dirigeant de fait, il constate que ce dirigeant perçoit une rémunération (normal puisqu’il s’agit d’un salarié). Le fait de rémunérer un dirigeant peut entraîner la requalification de tout l’organisme et lui faire perdre son statut fiscal privilégié.

L’instruction fiscale du 18 décembre 2006 est à ce sujet tout à fait claire :

Toutefois, certains organismes ont recours à un directeur salarié qui participe à titre consultatif au conseil d’administration et dispose, le plus souvent, de pouvoirs étendus. La requalification de la fonction de directeur salarié en dirigeant de fait ne pourrait être mise en oeuvre que s’il apparaissait que les membres du conseil d’administration n’exercent pas leur rôle, en particulier celui de contrôler et, le cas échéant, révoquer ce salarié et le laissent en fait déterminer la politique générale de l’organisme à leur place.

Se prémunir contre le risque de requalification

Il est donc essentiel en présence d’un directeur salarié que les organes dirigeants fonctionnent de manière régulière. Le Conseil d’Administration doit se réunir et délibérer, de même pour l’Assemblée Générale qui doit déterminer la politique et les grandes orientations de l’association.

Aux réunions du CA, il est ménagé un temps de parole pour le directeur ; il peut également assister à titre consultatif au reste de la séance. Ses interventions et les remarques des administrateurs seront consignés sur le procès-verbal.

La plupart du temps, le directeur dispose des plus larges pouvoirs pour faire fonctionner l’association. Dans ce cas, il doit rendre compte de ses activités en relation avec le cadre écrit qui définit sa mission (contrat de travail, fiche de poste, règlement intérieur, DUD). Ce rapport d’activité suppose toujours une forme d’aval ou de quitus, donnée a posteriori -et (trop) souvent tacitement-, par le Conseil.

En cas de désaccord, les remarques seront notifiées de manière formelle. Le Conseil exercera à l’égard du directeur toutes les prérogatives (y compris disciplinaires) de l’employeur.

Publié le : 21 août 2009