Suite à la publication sur le blog envied’entreprendre d’une chronique juridique consacrée au couplage « association loi 1901/projet d’entreprise », j’ai été pris à parti par un défenseur des libertés, qui me reproche de pervertir systématiquement l’esprit de la loi de 1901.
Il expose une nouvelle fois la théorie selon laquelle le but non lucratif des associations leur interdirait de pénétrer les frontières du secteur marchand et de conduire des activités commerciales.
Cette interprétation de la loi de 1901 est erronée et j’en ai déjà parlé ici. Le but non lucratif ne doit s’analyser que comme l’interdiction absolue de répartir les excédents financiers dégagés par l’activité entre les membres de l’association, a fortiori au profit de ses dirigeants.
Pour illustrer ma réponse à ce reproche, j’évoque la situation des petites associations qui abritent le projet de leur fondateur et leur servent souvent de véhicule juridique pour tester une future activité professionnelle ou lucrative. Je les appelle les micro-entreprises associatives.
Dans le domaine de l’éducation (cours et soutien scolaire), de la culture et des arts (micro-compagnies théâtrales et orchestres amateurs, artistes graphiques et plasticiens), des pratiques de loisirs (danse, yoga, expression corporelle, relaxation, disciplines corporelles asiatiques, travaux manuels) et du développement personnel, de nombreuses petites associations sont en fait des micro-entreprises à forme associatives.
J’évalue le nombre de structures répondant à ce modèle entre 100.000 et 200.000 en France.
Le fondateur-dirigeant fait partager à un petit groupe de personne sa passion en dispensant des cours ou en organisant des séances. Les menus frais engagés par l’activité (location de salle, petit équipement, matières premières) sont pris en charge par l’association et « refacturés » aux pratiquants par le biais de la cotisation d’adhésion. La plupart du temps, l’activité du fondateur est bénévole ; l’équilibre économique du projet est trop tendu pour assurer à son fondateur une quelconque rémunération. Souvent même, il y est « de sa poche ».
Confronté à cette réalité, les praticiens du Droit continuent à affirmer que l’association loi 1901 n’est pas un véhicule adapté pour abriter une activité lucrative, une activité destinée à servir de profession et de moyen de subsistance à son fondateur. Dans notre Guide Pratique des Associations 1901 aux Editions d’Organisation, j’ai moi-même tenu ce langage (ici p.44).
Pourtant, les faits sont têtus. Sur le terrain, dans les secteurs mentionnés plus haut, de nombreux porteurs de projets ont adoptés la forme associative pour des raisons plus ou moins valables. Avec leur micro-entreprise associative, ils sont néanmoins créateurs d’une valeur ajoutée sociale et économique incontestable.
Comment accompagner ces structures autrement qu’avec réprobation et menaces ?
Il s’agit d’une vaste question que j’explorerai progressivement (je crée donc un label « micro-entreprise associative » qui regroupera tous les billets consacrés à ce thème).
Il faudra tout d’abord s’intéresser aux raisons (les bonnes et les mauvaises) pour lesquelles certains porteurs de projet continuent à adopter la forme associative. A cette occasion, on reprendra les 5 questions que je pose ici aux candidats à la création d’une association.
Ensuite nous envisagerons les aspects juridiques et fiscaux qui constituent les principaux éléments de ce dossier.
Pour être complet, il faudra enfin développer les contextes et conditions dans lesquels le recours à l’association 1901 est acceptable pour tester un projet professionnel. Nous développerons alors les moyens pour le dirigeant-fondateur de sécuriser sa situation juridique.
fcuignet says
pour ma part il y a une méconnaissance manifeste de ce qu’implique la non lucrativité et je vous rejoins ici. Il doit être parfaitement possible d’entreprendre sous forme associative, tant que l’on en respecte les critères de fonctionnement. Toutefois nombreuses sont les associations parapubliques ou paracommerciales qui ne sont que des refacturateurs ou des facilités qui démolissent en grande partie les principes de liberté de la loi de 1901.
Le recours à la forme associative est souvent envisagé soit pour avoir des subventions soit pour minimiser les risques financiers. Ce qui démontre souvent la méconnaissance des mécanismes économiques et commerciaux dfes porteurs de projets. Une entreprise peut très bien avoir des subventions en étant sous forme de société commerciale et un président d’association déposant son bilan n’est pas exempt de risques personnels.
Toutefois, je m’interroge plus sur l’efficacité économique et financière d’entreprendre sous forme associative une activité qui va impliquer des investissements et une activité commerciale . A mon avis, une structure coopérative serait beaucoup plus intéressante à ce niveau , soit une coop 47 soit une scic, soit d’autres …
LSM says
oui à propos de la scop et des coopératives, il s’agit de structures qu’il faudra envisager ne priorité pour des activités lucratives dès lors que le volume d’affaires cesse d’être symbolique et que le projet implique des salariés.
Je vous rejoins également à propos des investissements, à l’exception peut-être des cas où il s’agit d’immobilier. Seule ou en couplage avec une SCI, l’asso 1901 permet d’organiser la propriété immobilière.
CR says
Bien que ces commentaires ne soient pas de la première jeunesse, je réagis sur le fait qu’aujourd’hui le statut d’autoentrepreneur peut en partie pallier aux difficultés qu’éprouve encore le système associatif en matière de rémunération directe des intervenants. Mais, si l’autoentrepreneur d’activité de loisir peut se faire payer directement par ses élèves, les communes ne lui donnent pas accès aux structures, salles, foyers… comme elles le donnent aux associations. D’où le problème qui se pose pour quelqu’un qui commence et n’a pas forcément le budget nécessaire à la location d’une salle qui pourtant est la condition sinéquanone de son activité.
Alors? Peut-on biaiser en créant une association pour permettre d’avoir un accès plus facile auprès des communes tout en développant son activité sous le couvert de l’autoentreprise?
Juridiquement est-ce possible, si l’intervenant bénévol / autoentrepreneur ne fait pas partie du bureau?