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Quels risques juridiques pour les élus & fonctionnaires impliqués dans la vie associative ?

Les délits de prise illégale d’intérêts et gestion de fait sont les deux « bêtes noires » des élus et des fonctionnaires. Sur le papier, la probité de nos édiles est sanctionnée de manière très sévère, prison et lourde amende pour la prise d’intérêts, responsabilité pécuniaire personnelle et inéligibilité pour la gestion de fait.

La prise illégale d’intérêt

Elus et fonctionnaire doivent absolument s’abstenir de tout mélange des genres lorsqu’ils sont dirigeants bénévoles d’une structure en relation avec leur administration. C’est une précaution indispensable ; l’oublier peut coûter très cher…

Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende. Article 432-12 du Code pénal

Nous citons ici de larges extraits de l’excellente étude de M. Xavier Samuel, conseiller référendaire à la Cour de cassation, en ligne sur le site de la Cour de cassation.

Cette infraction a bénéficié d’un regain d’attention certain et les poursuites engagées ont atteint, ces dernières années, des personnalités connues. Le délit a même pu susciter, en certaines occasions, un véritable effroi collectif, comme par exemple celui des maires de communes rurales concernant la passation des baux ruraux, réaction d’autant plus surprenante qu’il s’agit d’une incrimination ancienne, présente dès l’origine dans le code pénal napoléonien, et dont les sources peuvent être recherchées jusque dans la législation d’Ancien Régime.

La sévérité des dispositions du Code pénal a été mise en évidence par une jurisprudence constante des tribunaux, l’objectif étant d’éviter qu’une personne chargée d’une fonction publique ne s’en serve dans son intérêt personnel ou puisse seulement être soupçonnée de ne pas en user conformément à l’intérêt général.

La Chambre criminelle de la Cour de Cassation a reconnu depuis longtemps que le délit de prise illégale d’intérêts est constitué par l’intérêt personnel patrimonial pris par une personne exerçant des fonctions publiques dans une affaire sur laquelle elle exerce l’une des formes de contrôle prévues par la loi. La Chambre criminelle a reconnu de la manière la plus nette qu’un intérêt simplement moral constitue l’intérêt dont la prise, la réception ou la conservation est interdite.

La considération qui environne les fonctionnaires naît principalement de la confiance qu’ils inspirent et tout ce qui peut altérer cette confiance ou dégrader leur caractère doit leur être interdit- Un conseiller d’Etat devant le corps législatif – 6 février 1810

L’attribution d’un marché ou l’octroi de toute autre décision favorable, par une personne exerçant une fonction ou une mission publique, à un membre de sa famille serait soupçonnée d’avoir été décidée en considération de critères étrangers à l’intérêt public et la confiance des administrés en serait forcément altérée.

la Chambre criminelle a tenu le délit pour caractérisé dès lors qu’un maire, par exemple, participait à la délibération du conseil municipal statuant sur une affaire dans laquelle il avait intérêt. Le président d’une collectivité territoriale est en effet présumé avoir surveillance générale des affaires de cette collectivité et le délit aurait été constitué à leur égard en dehors même de cette participation à ladite délibération.

Comment s’en prémunir ?

L’absence du but lucratif de l’association et d’intérêt financier personnel des personnes impliquées  ne protègent pas les élus et les fonctionnaires du risque d’annulation de leur décision et de poursuites pénales ou administratives.

Il convient donc de mettre en place des règles strictes pour qu’il n’y ait pas de mélange d’élus, de fonctionnaires et de représentants des associations au sein des commissions participants aux préparations des décisions, aux délibérations et aux votes, quand ils sont intéressés à la décision directement ou indirectement, à titre personnel ou familial. Le respect essentiel de ces règles permet d’éviter toute suspicion, et limite la tentation d’abus de pouvoir.

Pour éviter de se retrouver en situation délicate, il semble nécessaire et suffisant que les personnes intéressées (directement, indirectement ou à titre familial) siégeant dans les organes décisionnels d’une association subventionnée, ne participent pas aux travaux d’instruction, aux séances des commissions, ni aux délibérations de l’assemblée de la collectivité, devant se prononcer sur la convention à conclure avec l’association et bien sûr aux votes des subventions.

Il convient également de souligner la solution retenue par les juges selon laquelle « la simple participation à une délibération constitue l’occasion d’influencer la décision qui en résulte ou, en tout cas, d’en faire naître le soupçon ».

On relèvera à cet égard que la jurisprudence administrative, lorsqu’elle annule sur le fondement de l’article L.2131-11 du code général des collectivités territoriales (ancien L.121-35 du code des communes) une délibération à laquelle un élu intéressé à l’affaire a pris part, exige que la preuve d’une influence effective sur la manifestation de volonté de l’assemblée concernée soit rapportée et que l’intérêt de l’élu en cause ait été distinct de celui de la généralité des habitants de la commune (cf. CE, Commune d’Oullins/association Léo Lagrange, 16 décembre 1994, pourvoi n° 14-45.370).

L’article 432-13 du Code pénal qui incrimine la prise d’intérêts par un ancien fonctionnaire ou une personne assimilée, vise également à empêcher le « pantouflage », en prévoyant que le simple fait d’avoir exprimé un avis sur une opération effectuée par une entreprise privée, interdit à ce fonctionnaire de prendre un intérêt dans cette entreprise dans les 5 ans suivant la cessation de ses fonctions.

La gestion de fait

En matière d’associations loi 1901, la gestion de fait se rencontre le plus souvent lors de l’encaissement par ces structures privées de recettes publiques ou bien à l’occasion du versement de subventions aux associations.

La gestion de fait est susceptible de sanctionner toute personne dans l’association qui aurait manier des fonds d’origine publique, dirigeants et salariés, y compris si ceux-ci ne sont ni fonctionnaires, ni élus. Lorsque la gestion de fait est reprochée à des élus, les conséquences sont graves puisque, nonobstant la mise à jeu de la responsabilité financière personnelle des personnes impliquées, les élus convaincus de gestion de fait subissent des conséquences électorales.

Lorsqu’une subvention est versée à une association, elle échappe en principe au régime de la comptabilité publique, puisque l’association est une institution de droit privé. Mais, si les fonds sont utilisés à des fins étrangères à l’objet associatif ou si l’association paraît ne pas avoir d’autonomie à l’égard de la collectivité versante, le juge financier peut constater le caractère fictif de l’association, requalifier la nature des fonds versés pour appliquer les règles de la comptabilité publique et assujettir les structures bénéficiaires à son contrôle.

Il en va de même si l’on peut considérer que l’association ne dispose pas pas vraiment d’autonomie de fonctionnement à l’égard de la collectivité de tutelle (associations transparentes)..

Dans ces cas, les subventions perçues par l’association reconnue fictive ou qualifiée de transparente sont considérées comme des deniers publics et une procédure de gestion de fait peut être engagée contre l’association en tant que personne morale mais également ses dirigeants et tous ceux qui ont participé à l’opération litigieuse, même s’ils n’ont pas directement, ni personnellement manié des deniers publics. On rappelle qu’une telle sanction est applicable indépendamment de la qualité d’élus des personnes mises en cause.

Cette procédure permet a posteriori l’exercice d’un contrôle de légalité sur la gestion et l’engagement de la responsabilité personnelle solidaire ou conjointe des comptables de fait.

Comment s’en prémunir ?

Pour se prémunir des situations de gestion de fait dans les relations avec une association, il faut s’assurer avant de procéder à toute forme de versement de fonds au profit de l’association que celle-ci n’est pas une association transparente, notamment si la structure a été crée et fonctionne largement « sous la coupe » de la collectivité locale. On effectuera donc les vérifications suivantes :

Nouveau venu : le délit d’atteinte au libre jeu des marchés publics

Le délit d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public, est plus souvent dénommé, par commodité, délit de favoritisme. Cette dénomination sera ici retenue.

Fait exceptionnel parmi les infractions qui incriminent les manquements à la probité dans l’exercice des fonctions publiques, cette incrimination est de création récente puisqu’elle est issue de l’article 7 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991, relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence.

Intégrée dans le code pénal dans l’article 432-14, elle a vu son champ d’application étendu, par la loi du 8 février 1995, aux délégations de service public, alors qu’elle était jusque là cantonnée aux seuls marchés publics.

L’un des intérêts majeurs de cette infraction, dans le cadre de la lutte contre les phénomènes de « corruption » au sens large du terme, est que, contrairement aux délits de corruption et trafic d’influence proprement dits, elle peut être caractérisée sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve de l’existence d’une contrepartie à la faveur accordée par la personne qui exerce la fonction ou la mission publique.

La Chambre criminelle a rendu ses premières décisions en la matière, encore peu nombreuses compte tenu des délais inhérents à l’arrivée, devant la Cour de cassation, d’un contentieux qui ne peut porter que sur des faits commis postérieurement à janvier 1991.

Publié initialement le : 17 janvier 2012